• Entretien avec Claudia Cardinale : Festival Paris Cinéma Version imprimable Suggérer par mail
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    LE FIL CINéMA - Zurlini l'adorait, Visconti la protégeait, Fellini lui a rendu sa voix. Invitée d’honneur de la 6e édition Paris Cinéma, qui débute aujourd’hui, Claudia Cardinale se souvient de cinq de ses films…

     

    Et si vous restiez à Paris ? Pourquoi partir en vacances, quand une vingtaine de salles obscures permettent de s'évader sans quitter la capitale ? Pour sa septième édition, du 2 au 14 juillet, le festival Paris Cinéma, présidé par Charlotte Rampling, propose une brassée de films en compétition, mais aussi une foule d'autres événements : avant-premières, programmation destinée aux enfants (Cinémômes) et même une brocante. Si malgré tout ça vous ne vous décidez pas à troquer votre billet de train contre un ticket de cinéma, un nom vous fera changer d'avis : Claudia Cardinale. Invitée d'honneur, l'éblouissante Italienne se voit offrir un hommage en quinze films et presque autant de chefs-d'œuvre (moins, hélas, un « oubli » de taille : Il était une fois dans l'Ouest, de Sergio Leone). Jugez plutôt : Le Bel Antonio, de Mauro Bolognini, La Storia, de Luigi Comencini, Le Guépard et Sandra, de Luchino Visconti, 8 1/2, de Federico Fellini... La carrière de Claudia Cardinale accompagne les plus grands moments de l'histoire du cinéma. Pour Télérama Sortir, la comédienne a accepté de se souvenir.

     

    « C'est le premier film que j'ai tourné à Rome. Même si j'étais italienne, comme je venais de Tunis, j'étais francophone et, au début, je ne comprenais rien de rien ! En plus, tous ces acteurs, Toto, Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni, gesticulaient comme des dingues : je croyais toujours qu'ils se disputaient, alors que c'était simplement leur façon de parler. Je me souviens que le premier jour de tournage, je devais claquer la porte au nez de Renato Salvatori, censé me courtiser. Je l'ai fait avec un tel enthousiasme qu'il a eu un œil poché. Il a fallu lui mettre un steak sur le visage pour que ça dégonfle. Mario Monicelli m'a dit : “Mais enfin, Claudia, au cinéma, on fait semblant. On n'esquinte pas les gens pour de vrai !” »

     

    La Fille à la valise, de Valerio Zurlini, 1961

     

     

    « C'est un film magnifique, qui a lancé ma carrière. J'avais une relation privilégiée avec Valerio Zurlini. Il m'appelait “Lumumba, parce qu'il disait que j'appartenais à l'Afrique... C'était un homme extraordinaire, un amoureux des arts. J'ai toujours chez moi un tableau qu'il m'avait offert juste après le tournage. Des années plus tard, il m'invite à dîner chez lui : la maison est complètement vide, juste une caisse par terre, sur laquelle nous avons mangé. Il me dit qu'il m'aime, que je suis importante pour lui. Sur le coup, j'étais surprise, je ne comprenais pas du tout ce qui se passait. Deux jours après, il est parti à Venise et il a bu jusqu'à en mourir. J'ai compris qu'il avait voulu me revoir une dernière fois, avant de se suicider. »

     

    Cartouche, de Philippe de Broca, 1962

     

     

    « Je jouais Vénus la Gitane, et Jean-Paul Belmondo était Cartouche. On a vraiment fait les quatre cents coups tous les deux, pendant ce tournage. Par exemple, à l'hôtel où on logeait, je faisais des sourires au directeur pendant que Jean-Paul déménageait tous les meubles de sa chambre ! Je me souviens aussi de la première : ma mère était présente – elle m'a souvent accompagnée à mes débuts. Donc, le film est projeté, et arrive la scène où je tombe à l'eau et je meurs. Tout à coup, ma mère se met à hurler dans la salle : “Claudia ! Claudia !”, complètement paniquée. J'ai dû la rassurer, lui dire : “Mais, maman, je suis là, à côté de toi, voyons, je ne suis pas morte !” »

     

    Le Guépard, de Luchino Visconti, 1963

     

     

    « J'ai rencontré Luchino pour Rocco et ses frères, où j'avais un petit rôle. Un jour, j'ai compris qu'il m'avait remarquée : on tournait une scène très violente, où tout le monde se disputait. Tout à coup, Visconti a pris son mégaphone et s'est exclamé : “Ne me tuez pas la Cardinale !” On a commencé le tournage du Guépard par le fameux bal, la scène où je valse avec Burt Lancaster. C'était incroyable. Toute la noblesse sicilienne était là pour la figuration. Brusquement, Luchino a arrêté le tournage de la scène pour montrer, dès le premier jour, que c'était lui le maître du plateau et pas la grande star américaine. Il m'a dit : “Viens ! Quand monsieur Lancaster sera prêt, on reprendra.” Mais ensuite, ils sont devenus très amis. Luchino était perfectionniste. Tout ce que je portais dans Le Guépard, même ce qui était dans mon sac, était d'époque. Y compris mes dessous, un corset tellement serré que j'ai eu la taille meurtrie jusqu'à la fin du tournage. J'étais proche de Visconti. On habitait dans la même rue à Rome, via Salaria, et on se voyait très souvent. Il me disait toujours que je ressemblais à une chatte qu'on pouvait caresser... mais aussi à un fauve qui dévore son dompteur ! Il était très exigeant sur un plateau. On ne pouvait rien faire sans son autorisation. C'était concentration et silence total. »

     

    8 1/2, de Federico Fellini, 1963

     

     

    « La manière de travailler de Federico Fellini était l'exacte opposée de celle de Visconti : pas de scénario, une improvisation constante. Plus c'était la pagaille, plus il était créatif. Dans 8 1/2, j'interprète mon propre rôle. La “muse” du réalisateur, joué par Marcello Mastroianni... Et celle de Fellini. Il me disait que je lui donnais l'inspiration, parce qu'il ne savait pas quel film il devait faire. Tous les jours, avant le tournage, il venait me chercher chez moi et on allait jusqu'à la plage, à Ostie. Il me parlait, me parlait, et moi j'écoutais ! 8 1/2, c'est aussi le premier film où je ne suis pas doublée. Je parlais mal italien, j'avais cette voix très basse, dont les réalisateurs ne voulaient pas. Federico m'a rendu ma voix. »

     

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    propos recueillis par Cécile Mury        

         

     

     
     

     

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  • Imad Benchenni : La révélation du cinéma algérien.

    Imad Benchenni : La révélation du cinéma algérien.

     

    Vous l’avez vu pendant le mois de Ramadhan dans  » Ø§Ø³Ø±Ø§Ø± الماضي  » , vous l’avez suivi et vous aimez son rôle ? Vous pouvez maintenant le découvrir ainsi que ses projets, ici :

    - Comment votre histoire avec le cinéma a t -elle commencé?

    J’ai commencé avec le théâtre et on m’a repéré pour faire le rôle de Zabana de Said Oul Khelifa.

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    - Vous avez participé a quels films ? 

    J’ai participé à Zabana , Krim Belkacem de Ahmed Rachedi et opération maillot de Okacha Touita.

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    Film Opération Maillot

    - Assra el madi était quel genre d’expérience pour vous ? 

    Asrar al madi est mon premier rôle à la télévision et c’est important d’être connu du grand public.

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    Tournage d’Assrar el madi.

    - Est ce que vous faites du cinéma un divertissement ou plus ? 

    Le cinéma est une passion pour moi.

    - Vous jugerez comment votre parcours jusque là ?

    Mon parcours ! je dirai court mais intéressant à développer.

    - Est ce que vous encouragez les acteurs amateurs ou bien ceux qui intègrent des écoles de cinéma ? 

    J’encourage tout le monde s’ ils aiment vraiment ce qu’ils font et l’utilisent pas comme  un moyen de gagner de l’argent  ou pour être connu ou reconnu dehors.

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    - Qui vous a le plus encouragé ?

    Mes parents m’ont beaucoup encouragé.

    - Quels sont vos projets ?

    J’ai des projets d’émissions télévisées et quelque projets cinéma Incha’allah.

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  •            10ÈME COUP DE PROJECTEUR EN KABYLIE

    10èmes Rencontres cinématographiques de Béjaïa

    du 9 au 15 juin 2012

    Festivals-Expos > 26 juin 2012

    Les Rencontres cinématographiques de Béjaïa, organisées par l’association Project’heure, ont dix ans cette année. Dix ans qu’une équipe de bénévoles formidable travaille d’arrache-pied pour inviter le cinéma en Kabylie où, comme dans le reste du pays, ce dernier ne fait plus partie du quotidien de la majorité des gens. Depuis la décennie noire des années 1990, les salles, les ciné-clubs se comptent sur les doigts de la main, l’enseignement du cinéma fait cruellement défaut et les critiques cinéphiles sont rares. Qu’elle est précieuse, donc, cette opportunité créée en 2003 par Project’heure et son président Abdenour Hochiche ! Il n’est pas étonnant que, sur la place du 1er Novembre 1954 sur laquelle se trouve, en sous-sol, la Cinémathèque de la ville, certains Bougiottes (les habitants de Béjaïa), qui y passent de longues heures, au café ou à regarder le port depuis la balustrade, ignorent qu’un festival de films est en train d’avoir lieu. L’un des enjeux pour les acteurs culturels algériens consiste bien à inviter les gens à (re)faire l’expérience de la salle obscure à laquelle, lors des Rencontres, l’accès est gratuit (tout au long de l’année, Project’heure anime un ciné-club pour lequel une contribution symbolique est demandée, et qui revient intégralement à la Cinémathèque).

     

    Pour ce faire, l’équipe de Project’heure ne lésine sur aucun effort. Certains de ses membres sont cinéphiles, d’autres ne le sont pas. Ce qui leur importe, à tous, est de créer un espace de sociabilité constructif, plein de joie et de bonne humeur, dans le partage. Aucun ne conteste leur bénévolat, la rémunération ne leur étant pas nécessaire, disent-ils, ni financièrement ni moralement. Au contraire même, elle pourrait ternir quelque chose. De l’argent, il en faut tout de même pour que la manifestation perdure. Un travail de terrain permet d’en recevoir de l’APC (la mairie), qui donne de plus en plus, de l’Ambassade de France, de l’entreprise Cévital...

    C’est avec un enthousiasme extraordinaire que les membres de l’association prennent soin des invités. Jamais en France nous n’avons vu pareil accueil, une telle bienveillance. C’est tous ensemble que l’on passe les six jours du festival, de projections en débats, de repas partagés au restaurant Le Palmier au retour à l’hôtel par un bus collectif. Les Rencontres de Béjaïa ne sont pas uniquement des expériences cinéphiliques, elles sont aussi de précieuses expériences humaines. Et quand se fait sentir le besoin d’un moment de solitude, de recueillement, entre deux projections, alors on tourne le regard vers le port que l’on surplombe depuis la place, et l’on se laisse bercer par le rythme envoûtant d’un cargo qui décharge, par le tracé d’un autre qui s’éloigne dans la mer.

    Cette année (qui fête aussi la réouverture de la Cinémathèque fermée depuis quatre ans pour travaux), la programmation a été concoctée par le président Abdenour Hochiche, le critique Samir Ardjoum et la jeune étudiante Lilia Choulak. Un programme duquel se dégage, au fil des courts et longs métrages, de fictions et documentaires, venus d’Algérie et de France (à deux exceptions tunisiennes près), une cohérence thématique (l’Algérie contemporaine, la migration, l’immigration, le début de l’année 2011 au Maghreb). La quasi-intégralité des cinéastes étaient présents pour présenter leurs films, les organisateurs des Rencontres tenant à ce que ces derniers ouvrent à la discussion, après les projections et lors de ciné-cafés plus intimes le lendemain matin, au théâtre de la ville.

    L’Algérie

    La Chine est encore loin

    Le festival s’est ouvert avec la projection de La Chine est encore loin, documentaire de Malek Bensmaïl (situé dans les Aurès et traitant de l’éducation, du début de la guerre d’indépendance, de la langue) que l’on a beaucoup vu programmé ici et ailleurs dans le monde. Mais pas en Algérie, outre une projection confidentielle en 2008 ici même à Béjaïa. Parce qu’il n’y a presque plus de salles dans le pays et parce que le film était, depuis deux ans, en attente d’un visa qu’il vient tout juste d’obtenir. Pourquoi une telle attente ? Malek Bensmaïl raconte que les gens du ministère de la Culture avaient aimé le film mais qu’ils se sont dits gênés par certains éléments, par exemple la poussière que l’on aperçoit dans une école coranique. Le film avait reçu de l’argent algérien mais il a mis bien trop longtemps à arriver. Un cas symptomatique du flou, voire de l’aberration, entourant les décisions du ministère de la Culture. Malek Bensmaïl dit ne pas se soucier du regard que lui portent les autorités algériennes. Il lui importe trop d’enregistrer une mémoire pour perdre temps et énergie à cela. Pour le directeur artistique des Rencontres, Samir Ardjoum, projeter La Chine est encore loin en ouverture du festival est une sorte de pied de nez au Ministère, qui se concentre actuellement sur la préparation de la célébration du cinquantenaire de la fin de la guerre de libération, pour laquelle il soutient, dit-on, sans transparence, un cinéma officiel sans valeur artistique ni prise de risques formels et thématiques. La salle était bien pleine lors de cette ouverture, le débat après le film a duré plus d’une heure, le café-ciné du lendemain, plus de deux. L’intérêt des Algériens pour des films racontant leur histoire semble évident.

    Merzak Allouache

    Salle pleine également lors des projections des deux derniers films de Merzak Allouache, Normal ! (sorti de façon confidentielle en France le 21 mars dernier et projeté deux fois en Algérie – à Oran et Alger) et Le Repenti (sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs cette année). Le réalisateur d’Omar Gatlato (un grand succès en Algérie à sa sortie en 1976), installé en France depuis des années, était visiblement attendu.

    C’est avec une défiance palpable que le cinéaste a abordé les débats suivant les projections. Il faut dire que Merzak Allouache est souvent attaqué dans son pays natal (sur l’ENTV, la chaîne nationale, les films qu’il a tournés depuis vingt ans n’ont jamais été diffusés). Au dernier Festival d’Oran, où Normal ! était présenté, lui et ses comédiens ont reçu un accueil cinglant de la part de la presse. Pourquoi ? À voir le film, qui n’apparaît pas particulièrement polémique, il est difficile de comprendre en quoi il peut susciter l’ire. Le cinéaste ne l’explique pas, si ce n’est par l’incompétence de journalistes qui se retrouvent parachutés à la Culture sans en avoir ni le désir ni l’aptitude, et auxquels on donne des consignes en amont des projections. Merzak Allouache le dit et le répète, il est usé que son travail soit systématiquement objet de suspicions et que son nom soit publiquement sali. À Béjaïa, Normal ! n’a pas suscité de réactions violentes. En revanche, le débat qui suivit la projection du Repenti (qui traite de la loi de concorde civile ayant permis aux terroristes de la décennie noire de revenir à la vie civile) commença avec l’intervention d’un spectateur qui fustigea Merzak Allouache. Pour se faire de l’argent avec un film offrant une vision exotique du terrorisme, pour être resté à l’abri, en France, pendant que l’Algérie souffrait, pour revenir au pays avec un film financé par l’étranger. Les réactions dans la salle furent houleuses, l’intervenant, hué, quitta la salle. Ça n’est qu’après son départ que Merzak Allouache répondit à ses attaques, avant que le débat reprenne pacifiquement. Sur la place de la Cinémathèque toutefois, la harangue de l’intervenant continua un bon moment. On imagine mal une telle violence en France suite à un film. L’épisode permet de sentir que les plaies du récent passé de l’Algérie sont encore vives, que la tension demeure entre les habitants de ce pays, soupape toujours prête à exploser.

    Normal ! et Le Repenti (tous deux tournés sans argent algérien) marquent une rupture dans le cinéma de Merzak Allouache. Après avoir travaillé, dans les années 1970, pour le cinéma d’État en Algérie (qui, aux dire du cinéaste, était meilleur alors qu’aujourd’hui car les gens étaient mieux formés et plus cinéphiles), ce dernier a tourné, depuis la France, des films aux budgets conséquents (Bab El Oued CitySalut cousin !ChouchouBab El Web, le médiocre Harragas...), des téléfilms (dont La Baie d’Alger, stupéfiant de médiocrité). Se disant fatigué par la lourdeur des grosses productions, Allouache se tourne maintenant vers un cinéma plus léger, moins cher, plus libre. Avec cette donne pour point commun,Normal ! et Le Repenti sont des films fort différents. Le premier est touffu, on y parle beaucoup, il compte de nombreux personnages, la caméra est mobile, le montage dynamique, de multiples sujets sont abordés. Le film est dense, on en ressort un peu déboussolé par sa complexité formelle et thématique. Le Repenti est plus posé : les plans sont longs et fixes, l’attention se concentre sur trois personnages, les actions sont minimes, on y parle peu, et l’histoire est plus simple. Ces deux films donnent ainsi l’impression réjouissante que Merzak Allouache explore formellement quelque chose.

    Normal !, situé pendant les manifestations de janvier 2011 à Alger, interroge l’engagement. Pour le protagoniste Fouzid, réalisateur (qui, par ses hésitations, ses peurs, représente bien sa génération, la jeunesse perdue et déboussolée), ce dernier passe par la création. Il veut finir son film. Sa femme (Adila Bendimard) estime que ça n’est pas le moment, qu’il faut sortir protester dans la rue. Le film de Fouzid, dont il montre un premier montage aux comédiens, raconte l’histoire d’un metteur en scène qui se voit refuser par le ministère de la Culture toute aide pour son projet. Normal ! parle moins de la censure que de l’autocensure, plus grave et plus complexe car plus tortueuse (le film évoque par exemple celle des comédiens algériens – certains, dans Normal !, n’arrivant pas à tourner une scène de baiser). Au café-ciné le jour suivant la projection, la comédienne engagée Adila Bendimerad (qui s’est faite insulter après Normal ! et qui dit avoir pris des risques en interprétant une victime du terrorisme dans Le Repenti) revient sur ce problème qu’elle dit cuisant, sur les difficultés qui se posent toujours un peu plus aux auteurs déposant des dossiers toujours plus compliqués au ministère de la Culture. Merzak Allouache invite les aspirants réalisateurs algériens à passer outre les blocages et à tourner, envers et contre tout, puisqu’il est aujourd’hui possible de le faire avec des budgets dérisoires. Normal ! évoque aussi le Festival Panafricain de 2009, auquel Allouache voulait consacrer un documentaire (Welcome Africa) qui en aurait critiqué la grandiloquence, le souci du paraître. Grandiloquence qui va dans le même sens que celle des événements culturels commandités par l’État, comme cette année la célébration du cinquantenaire de la libération. Abandonnant ce projet, il en a gardé des images dansNormal !, qui tient peut-être son énergie, sa liberté, du souffle permis par le documentaire. Ainsi que du travail collectif qui fut mené avec les comédiens, qui ont participé à l’écriture du film et à la construction des personnages. Normal ! est un laboratoire, un film qui tourne en rond (les scènes et les conversations se répètent, on est plus dans le balbutiement, la parole et la pensée qui se cherchent, que dans l’expression d’idées claires) et qui par là nous interpelle. Un film aussi qui, peut-être, par le personnage de Lamia, jeune femme qui prend des risques et qui est libre, offre une représentation de ce que l’on pourrait attendre de l’Algérie – une sortie de l’inertie.

    Tourné dans la hâte et juste après la réception catastrophique de Normal ! à Oran, qui aurait donné envie à Merzak Allouache de faire un autre film, Le Repenti, en abordant l’histoire récente et douloureuse des Algériens, offre une opportunité pour ouvrir une discussion, raviver la mémoire et, peut-être, faire la paix avec l’Histoire. C’est hors de l’Algérie que Merzak Allouache a trouvé l’argent pour faire son film. On en apprécie la facture formelle (cf. l’article écrit suite à la projection cannoise) et le fait que l’ex-terroriste ne soit pas décrit comme un monstre mais comme un être humain, perdu. Pour autant, l’approche de ce dernier reste simplificatrice. Nous aurions envie qu’on nous montre la complexité d’un être devenu terroriste. Où sont les films qui parlent de ça ? On les attend.

    Merzak Allouache dit cerner très rapidement où en est l’Algérie lorsqu’il y revient. Certains considèrent au contraire que ses films n’en offrent pas un portrait juste. Quoi qu’il en soit, l’existence de films algériens traitant de l’Algérie apparaît être nécessaire. Mais s’ils existent, où peuvent-ils être diffusés ? L’Algérie ne compte plus que quelques salles et les gens ont perdu toute habitude d’aller au cinéma. Merzak Allouache et ses comédiens rappellent la nécessité de rhabiter l’espace public autour d’événements culturels, qui permettront peut-être à la nation de construire quelque chose, d’aller de l’avant et de soulager les tensions palpables entre ses membres.

    Intégrale Rabah Ameur-Zaïmeche

    Rabah Ameur-Zaïmeche, d’origine algérienne, est né et vit en France. C’est là qu’il a tourné, avec sa troupe de comédiens d’origine maghrébine, trois de ses quatre films magistraux, inclassables, que les Rencontres nous ont offert le bonheur de revoir : Wesh Wesh qu’est-ce qui se passeDernier Maquis et Les Chants de Mandrin, qui posent chacun d’eux sur notre monde un regard lucide, terrible, plein d’une révolte sourde. Bled Number One, tourné en Algérie en 2005, était bien prévu au programme mais, hélas, hélas !, l’état de la copie fournie par le distributeur a rendue impossible sa projection. En tant que cinéphiles, en tant qu’individus inscrits dans une société et une époque, on reçoit de plein fouet les films de cet auteur, qui sont des expériences très fortes. Les débats suivants ces dernières, animés par l’habile Luc Chollet, alias Omar Zelig (présentateur radio sur la Chaîne 3 algérienne) nous ont fait découvrir un cinéaste quasi mutique, qui ne semble vouloir ajouter aucun mot aux images, aux récits, qu’il a construits.

    Bir d’Eau, a Walkmovie – Portrait d’une rue d’Alger, de Djamil Beloucif

    Il est difficile de savoir à quoi l’on a affaire en découvrant les premières images de Bir d’eau. Le travelling d’ouverture est une entrée en matière brute. Le diaphragme bave au grès des sources de lumière, le cadre cahote au rythme de la marche, il semblerait que Djamil Beloucif nous propose bel et bien, ainsi que l’annonce le titre, un film-promenade, pour lequel la caméra ne sera que nonchalamment portée. Une promenade que l’on entame dans les hauteurs d’Alger pour ne plus faire que descendre.

    Mais quel est le statut réel de cette promenade cinématographique ? S’agit-il d’un documentaire, comme pourrait le suggérer le sous-titre « portrait d’une rue d’Alger » ? De l’expérience artistique d’un vidéaste ? Ou bien est-ce une fiction dont les héros seraient deux hommes mutiques, un caméraman et un perchman, qui décident d’accompagner la caméra en la faisant descendre le long de la rue Burdeau ?

    Cet étrange objet cinématographique est tout cela à la fois et Djamil Beloucif a l’art de brouiller les frontières entre les genres. Au spectateur de démêler le vrai du faux, le fruit du hasard des séquences mises en scène, les véritables habitants du quartier Burdeau des acteurs complices du réalisateur. Si l’identité du film est difficile à cerner (ce qui affaiblit parfois sa pertinence), son propos semble plus accessible. En effet, depuis les hauteurs presque sauvages, chemins de terre et buissons, jusqu’à la rue Didouche Mourad, artère traversante du bas-Alger, la caméra glisse sur la rue Burdeau comme glisserait un bateau de papier sur un ruisseau, et les personnages croisés, qui sont autant d’obstacles savoureux dans le ruisseau, apportent chacun quelque chose de l’Algérie contemporaine. En cela, le film dresse plus que le portrait d’une seule rue. Il parvient, sans en avoir l’air, à poser les bases de réflexions importantes sur des sujets de société variés.

    Ainsi, par exemple, d’une discussion entre un urbaniste et un architecte à propos d’un terrain sur les hauteurs de Burdeau, il interroge l’ambition algéroise en ce qui concerne le bâti et l’architecture en général. 
    Un vieux bonhomme, croisé ensuite, se plaignant de la difficulté administrative pour pouvoir faire renouveler ses papiers, permet d’évoquer l’arabisation de l’administration, en cours depuis 1962, et les difficultés pratiques que cela peut provoquer pour certains Algériens qui maîtrisent le dardja dialectal, le berbère ou le français, mais pas l’arabe littéral. Plus tard, l’arrivée à hauteur du bâtiment-pont de Telemly est l’occasion de confronter le film à la dépression de la population algérienne, pour qui un pont est forcément synonyme de suicide. 
    Par ailleurs, très souvent, la caméra, intrusive, suscite des réactions à vif qui, en creux, révèlent que l’image, en Algérie, n’est pas à prendre à la légère (à deux reprises la présence du filmeur est prise pour une "embrouille", elle est a priorisuspecte). « L’Algérie se filme toujours en hors-champ », dit l’un des personnages questionnant l’attitude de cette caméra qui le filme sans préavis. Le passage de la caméra que l’on cache dans le sac à proximité du commissariat démontre quant à lui quelque chose de la rigidité de l’État vis-à-vis de la liberté laissée aux cinéastes. Dans la rue Burdeau, quand on aperçoit une caméra, on pense qu’elle appartient aux journalistes, à la télévision. Jamais l’on n’imagine qu’elle puisse servir le cinéma.

    Mais il reste que ces sujets, graves, sont abordés avec la légèreté que permet le dispositif de la promenade, et la vivacité gourmande des dialogues et des situations donne en contrepoint une vision tout à fait enthousiasmante de ces algérois à la lucidité, certes empreinte de cynisme, mais extrêmement lyrique et poétique. En témoigne la dernière rencontre du film, celle d’un facteur poète, qui profite de la fin de son service et de la présence d’une caméra muette pour déployer son art du proverbe de circonstance et l’acuité poétique de sa langue.

    (Sylvain Baldus)

    Deux courts-métrages des ateliers Béjaïa Doc

    Uzzu et J’ai habité l’absence deux fois, respectivement de Sonia Ahnou et Drifa Mezeneer, ont été réalisés dans le cadre des ateliers Bejaïa Doc, fondés en 2007 par l’association algérienne Cinéma et Mémoire, en partenariat avec l’association française Kaïna Cinéma. Chaque année, six à huit stagiaires sont encadrés, de la phase d’écriture à la finalisation, pour concrétiser leurs projets qui se doivent de traiter un sujet qui leur est proche. On leur apprend notamment à mettre leur subjectivité au cœur de leurs documentaires. Cette dernière est en effet prégnante dans les six films de la promotion 2011, qui ont pour autre point commun de tous traiter d’une problématique proprement algérienne (l’aménagement de l’espace urbain depuis l’indépendance – Block House, de Tarek Mokhnache, la désinvolture avec laquelle est géré l’espace commun à Constantine – Et si ça changeait, de Nabil Chaouch Teyra, l’héritage de Frantz Fanon dans l’hôpital où il a exercé – Où est Fanon, de Yacine Hirèche...).

    Dans Uzzu, Sonia Ahnou fait parler de jeunes Kabyles qu’elle connaît bien au sujet de l’amour. La cinéaste s’implique, en apparaissant parfois dans le cadre ou en posant quelques questions. En réunissant les jeunes gens dans un champ de fleurs pour les faire échanger (sur le couple, la virginité, les sentiments, le regard des autres, les conventions, la différence entre hommes et femmes...), en recueillant les confidences d’une jeune fille seule sous un arbre et face caméra, elle laisse la part belle à la parole des autres. Qu’on ne se trompe pas, il ne s’agit pas là de dresser un portrait de la façon particulière d’envisager l’amour en Kabylie. Pas de généralisation ici mais un portrait d’individus, dont les confessions, les confrontations de points de vue, n’engagent qu’eux seuls. En nous montrant les jeunes gens qui se filment en train de discuter, en faisant apparaître une perche dans le cadre, la cinéaste signale qu’elle enregistre le processus d’apparition de la parole, et non qu’elle tente de faire surgir une quelconque vérité. Ainsi, ce qui n’est pas dit, ce qui est suggéré par les mots et qu’il nous appartient de deviner, est aussi important que ce qui est dit. La subjectivité, de ceux qui s’expriment et de celle qui fait surgir les expressions, est bien au cœur de ce documentaire qui nous offre un portrait de quelques êtres, un éclairage possible sur la façon de parler de l’amour en Kabylie.

    Dans J’ai habité l’absence deux fois, Drifa Mezeneer filme sa famille, qu’elle interroge aussi, et son quartier d’Alger, Kouba. Que l’un de ses frères a quitté pour l’Angleterre d’où il n’est jamais revenu. En off, la cinéaste raconte le temps passé depuis le terrorisme et la vie à Kouba, aujourd’hui et hier. Un quartier plein de vie, de sensations rendues palpables par les images et le récit, un quartier qui a aussi connu le mortifère et qui en est sans doute encore marqué. Drifa parle de et à son frère, le grand absent de cette famille vivant dans un pays où, peut-être, les gens sont absents à eux-mêmes. Dans le jardin familial, la difficulté du père à répondre aux questions de sa fille concernant l’Algérie contemporaine (« quand la colère m’aura quitté, je te raconterai » dit-il), son regard qui la fuit, font sentir les blessures qu’a laissé en lui les deux guerres que sa génération a subies. Le silence de la mère rend poignante la douleur qu’est la sienne en l’absence de son fils. Les propos du grand frère apportent un éclairage subjectif, pertinent, parfois ironique, sur ce qu’il en est de la vie à Alger aujourd’hui, un appel à une renaissance qu’il sait difficile. Ce film, formellement maîtrisé, aux cadres et au son travaillés, au montage habile, est un portrait pluriel. Celui d’une famille, de chacun de ses membres, d’un quartier, d’un pays, d’une époque, d’une cinéaste qui parle à la première personne. Un portrait émouvant et beau, un film prometteur.

    Si Samir Ardjoum n’était pas venu la chercher, Sarah Tikanouine aurait probablement laissé son film dans un tiroir, et ça aurait été bien dommage. À quoi rêvent les fennecs, moyen métrage documentaire, s’intéresse à un sujet original, l’équipe de football féminine algérienne (dont les membres sont nommées « fennecs »). Et sans en avoir l’air, en toute modestie, il soulève des questions cruciales concernant l’Algérie. La cinéaste s’attache à montrer le quotidien des footballeuses, d’entraînements en matchs, de vestiaires en bus et chambres d’hôtel. Elle recueille aussi et surtout leur parole ainsi que celle des gens qui gravitent autour d’elles – entraîneur, staff technique, kiné... Une ex-championne charismatique devenue entraîneur, Naïma Laouadi, présente à Béjaïa pour accompagner le film, raconte face caméra le combat qu’elle mène depuis les années 1990 pour que le football féminin existe en Algérie. On le devine, en pays musulman il est difficile d’accepter qu’une femme vive une passion, qu’elle se donne à fond, qu’elle s’exprime. L’équipe est accueillie royalement dans un hôtel d’Alger où elle va concourir. On est fier d’elle, on prend soin d’elle. Mais si de jeunes employés d’un magasin d’équipements sportifs trouvent que des filles qui jouent au foot, « c’est très bien », à la question « accepteriez-vous que votre sœur choisisse une telle carrière ? », ils répondent « non ». Ainsi se donne à lire toute la complexité de la mentalité algérienne. Les jeunes filles à l’image, dont certaines se disent soutenues par leurs familles, se réjouissent du métier qu’elles font. Elles sont fières, de servir leur pays, de faire vibrer les autres. Heureuses aussi de voyager, rare opportunité que le sport leur offre. Elles sont conscientes des différents regards que les hommes leur portent. Les uns sont fascinés, les autres les rejettent. Elles, elles se sentent féminines. Pour leur entraîneur (pour qui elles sont « mi-hommes mi-femmes »), le foot est la chance de leur vie car, dit-il, ces filles viennent de milieux modestes et n’ont pas fait d’études, que pouvaient-elles attendre alors ? Le regard de Naïma Laouadi est plus critique. Pour elle, l’accès à la reconnaissance des joueuses est toujours un combat à mener. Parce que les médias parlent à peine de leurs matchs, que l’État ne semble pas leur faire confiance ni les encourager. Contrairement au Maroc et à la Tunisie, l’Algérie n’aurait pas évolué sur ce point. Pourtant, aucune des jeunes filles ne parle jamais de quitter son pays pour aller jouer ailleurs. Au contraire, l’une d’elle, née en France où elle a grandi, dit sa fierté, sa joie, d’avoir rejoint l’équipe algérienne. La question « quels sont vos rêves ? », posée discrètement par la cinéaste, reçoit des réponses différentes. Si certaines espèrent pouvoir participer à une grande manifestation et continuer à servir leur pays, il en est pour qui les rêves sont derrière. Parce que l’âge avance et qu’il va falloir se marier. Inéluctablement, et fonder une famille. Le foot, ça ne sera plus qu’un loisir, et ça n’est pas beaucoup. En effet, la question du devenir de ces sportives reste problématique. Que faire à 35 ans quand on n’a ni enfant ni mari ni métier ? Pour Naïma Louadi, il y a des solutions, il suffit d’y réfléchir ensemble, et bien. Ainsi on pourra aller loin.

    Octobre à Paris qui, après une histoire mouvementée, a pu sortir en France le 19 octobre dernier (de façon concomitante avec Ici on noie les algériens, traitant du même sujet), a visiblement fort touché le public bougiotte qui est longuement intervenu après la projection. L’événement tragique qu’il évoque, le 17 octobre 1961 (jour de la répression sanglante par la police de Paris aux ordres de Maurice Papon d’une manifestation d’Algériens organisée par le FLN pour protester contre le couvre-feu qui leur était imposé), reste un tabou qu’il est grand temps de porter à la lumière du jour. Juste après le massacre, un Français, biologiste et chercheur au CNRS, Jacques Panijel, a reconstitué la préparation de la manifestation et a fait témoigner des Algériens sur ses conséquences tragiques. Tout a été tourné dans la clandestinité et le film, rapidement connu, a été interdit, renié, pendant bon nombre d’années – cela n’a pas empêché sa circulation dans l’illégalité (Jean-Paul Sartre, Yves Montand, Simone Signoret, René Vautier... en auraient acquis des copies). Par la suite, c’est Panijel lui-même qui a refusé sa sortie. C’est presque par hasard qu’après sa mort le négatif fut retrouvé par Gérard Vaugeois, distributeur du film en France venu à Béjaïa raconter cette histoire. On peut être gênés par la reconstitution et par les témoignages pour lesquels mise en scène, écriture du texte et direction des personnes à l’écran éloignent d’une authenticité que l’on aurait pu préférer. Peu importe. L’existence de ce film est salutaire, elle offre l’opportunité de raviver les plaies, de rouvrir le dialogue et, peut-être, de faire un pas vers une réconciliation entre la France et l’Algérie.

    Migration, immigration

    La guerre est proche (présenté au Réel cette année), de la plasticienne française Claire Angelini qui l’a tourné, monté et produit seule, est une proposition de cinéma étonnante. Dans des plans fixes qui durent, elle nous montre les ruines du camp de Rivesaltes, un très grand camp situé dans le sud de la France et qui fut opérant de 1938 à 1997, peuplé successivement d’Espagnols, de juifs, de soldats allemands, de harkis... Un lieu garant d’une mémoire d’enfermement. Sur ces images, quatre personnes s’expriment l’une après l’autre, dans les quatre parties qui composent le film présenté comme un oratorio.

    La première (la plus longue) est la plus intrigante, la plus forte. C’est par les propos d’un architecte (dont le texte, lu par Boris Lehman, résulte d’une réécriture effectuée par la cinéaste après avoir recueilli la parole de divers architectes) que nous faisons connaissance avec ce qui reste du camp. Pendant un long moment, il nous explique techniquement le processus de la ruine. La parole, dont nous suivons d’abord le sens, devient parfois une musique par laquelle on se laisse bercer sans plus chercher à la comprendre, avant de revenir nous raccrocher au cœur de ce qu’elle nous raconte. Parce que nous savons que les pierres que l’on voit constituaient un camp, nous faisons de nous-mêmes le lien entre la ruine du matériau et celle des vies humaines. C’est toute la force et l’originalité du film d’approcher les êtres par la matière, de parler de l’Histoire en expliquant l’architecture. En cela, le film aurait pu s’en tenir à cette première partie, déjà bien assez forte. Les trois suivantes n’en sont pas moins fort légitimes.

    À l’impersonnalité de la parole de l’architecte succèdent des premières personnes du singulier : un Espagnol, puis une harki, racontent leur passage dans le camp. Nous n’apercevons d’eux que furtivement de rares fragments de corps – à l’exception d’un plan sur le visage de la harki. C’est par leur seule voix qu’ils existent et cela rend prégnante la matérialité de cette dernière. Le bégaiement de la harki, sa difficulté à parler distinctement, racontent à eux seuls le traumatisme qu’elle a subi dans le camp. Accompagnées par ces récits, les pierres de l’image deviennent des fragments de scènes, d’histoires, que nous recomposons en imagination. C’est ainsi par les images mentales que l’enfermement nous est représenté. Le son, c’est aussi celui généré par les éoliennes entourant le camp, au rythme lancinant, qui peut renvoyer à l’angoisse due à l’emprisonnement. Et celui des cigales qui, accompagnant la verdure de la campagne et le ciel bleu immaculé, nous donnent aussi une impression de paix qui contraste avec ce qui est narré.

    Riches sont ainsi les sensations que le dispositif de La guerre est proche déploie. Et riche est le voyage spatio-temporel auquel il nous convie, à travers l’espace ouvert perçu et l’espace claustrophobe raconté, le temps présent de l’image et le passé qu’il convoque. Dans la dernière partie, nous revenons à une approche moins personnelle de Rivesaltes, puisque c’est une « militante », qui n’y a pas vécu, qui raconte les camps de rétention contemporains. Le film se clôt sur l’inscription à l’écran d’une loi datant de 1938 et disant la nécessité de rejeter certains migrants indésirables et nuisibles. Ainsi le voyage dans le temps s’achève-t-il sur notre effrayante actualité, ainsi la guerre est-elle proche.

    Nuit sur la mer de Marc Scialom

    Qu’est-ce que la nuit sur la mer ? Un horizon éteint ? Des côtes inatteignables ? Un retour impossible ? Cette Nuit sur la mer-là, celle de Marc Scialom, échafaude progressivement le fantasme d’un Ulysse, exilé volontaire et débarrassé de la nécessité du retour. Un voyageur apatride, heureux parmi les apatrides, parce qu’il n’y aurait plus de patrie.

    Nuit sur la mer est un film à l’image de ce vœu d’odyssée sans retour. Les différentes dimensions narratives qui le structurent sont autant de territoires cinématographiques entre lesquels les frontières semblent abolies. De multiples couloirs sont tracés entre fiction et réalité, entre passé et présent, entre ce qui aurait pu être et ce qui n’a pas été. Dans la fiction, Marc Scialom est un vieux réalisateur juif tunisien qui doit faire un film sur l’exil sans son acteur principal tout juste décédé.

    Dans la réalité, celle qui a présidée à la réalisation de Nuit sur la mer, Marc et Chloé Scialom, père et fille, ont dû réécrire le film à quelques jours du tournage pour pallier la disparition précoce et soudaine de Mohamed, l’ami qui aurait dû en être le héros. Mohamed était devenu un sans-papier volontaire après avoir longtemps soutenu la cause des sans-papiers. Sa mort, bien réelle, a changé le cours du tournage de Nuit sur la mer mais elle est devenue aussi, pudiquement, élément de la fiction.

    L’écran d’un moniteur de montage, cadre dans le cadre, symbolise le passage d’une dimension à une autre. Il s’agit de celui sur lequel le personnage réalisateur regarde ses rushes et, indécis, réfléchit à ce film en train de se faire. Il hésite, il se sent vieux. Ses collaborateurs peinent à lui venir en aide.

    Car au départ, il y avait le projet d’un autre film, Le Citronnier, court métrage racontant la rencontre de deux exilés à Marseille, l’une Tunisienne juive et l’autre Marocain musulman. Des images de ce premier film furent tournées, celles notamment, grandiloquentes et oniriques, où elle, Tunisienne, pénètre dans le magasin de son voisin Marocain. Depuis Marseille, la Méditerranée est franchie, tous deux se retrouvent en terre fraternelle mais malgré l’exil commun, se dresse une autre frontière mentale. C’est cette frontière là que le vieux réalisateur peine à représenter.

    Le Citronnier était un projet de Marc Scialom, réalisateur de Lettre à la prison (film tourné en 1969, mais oublié pendant quarante ans avant sa sortie en salle en 2009). Dans Nuit sur la merLe Citronnier est désormais le film inachevé et parfois symboliquement douteux de l’autre Marc Scialom, homonyme fictif, qui voulait interroger la relation conflictuelle entre Arabes et Juifs.

    Mais c’est dans le passé commun des deux Marc Scialom, celui de la fiction et celui de la réalité, réunis devant les tombes délabrées du cimetière juif de Tunis où reposent d’autres Scialom, que réside peut-être l’essence de ce beau film. Ce passé où un jeune homme de Tunis, militant marxiste ayant pour camarades des militants arabes, est devenu, après les bombardements français de Bizerte puis après le déclenchement de la guerre des Six Jours par Israël, coupable d’être français et coupable d’être juif.

    Dès lors, l’exil ne saurait être un royaume tant que tous les exilés ne s’appelleront pas Ulysse.

    (Sylvain Baldus)

    Traitant des harragas, le court-métrage français Brûleurs part d’une idée forte. Le cinéaste, Farid Bentoumi, a voulu proposer autre chose que ce que l’on raconte le plus souvent à ce sujet, à savoir les difficultés, l’horreur, de la traversée de la mer et de l’arrivée sur une terre qui ne veut pas accueillir les migrants. Frappé par une vidéo découverte sur YouTube, qui montrait la joie de jeunes gens sur le bateau les emmenant loin de leur pays natal, il a imaginé une histoire semblable, la préparation du voyage, tant il semble incroyable que l’on puisse s’apprêter à vivre les risques avec tant d’enthousiasme. Le film est entièrement tourné en caméra subjective et nous met à la place des futurs migrants (aux interprètes desquels le cinéaste a demandé d’improviser) qui enregistrent tout ce qu’ils aiment de la terre qu’ils vont abandonner, en l’occurrence Oran – une pizzeria, les cigarettes Rym qu’on ne trouve pas en France, une petite amie (qui ôte pour l’occasion son foulard dans un très joli plan), des photos du passé. Les raisons pour lesquelles ils s’en vont nous sont instinctivement connues, le cinéaste a la finesse de ne pas revenir là-dessus. Garant de la force du film, ce parti pris initial de ne montrer que l’énergie et la joie, est malheureusement abandonné lorsque les jeunes gens embarquent. Car alors, le film nous plonge dans un drame que nous avons vu plusieurs fois au cinéma, la noyade, la panique nocturne en pleine mer. Il n’est pas étonnant que Brûleurs ait été sélectionné dans bon nombre de festivals internationaux, tant l’Occident est friand des représentations misérabilistes du sort des harragas. On regrette ainsi que le film de Farid Bentoumi ne s’en soit pas tenu à son idée initiale qui, moins vendeuse, était bien plus originale.

    Sur la route du paradis, moyen métrage français d’Uda Benyamina, explore quant à lui le devenir des migrants une fois arrivés en terre d’accueil, en l’occurrence Paris. Cette fois, nous retrouvons bien la représentation de la galère absolue attendue pour un tel sujet. Mais c’est avec élégance que l’histoire, solidement construite et portée par des comédiens convaincants (notamment les enfants), est racontée. Leila et ses deux enfants survivent dans un bidonville, en attendant d’avoir suffisamment d’argent pour rejoindre le père exilé à Londres. Pour le gagner, Leila danse dans un cabaret sordide. L’espoir et la complicité qu’elle entretient avec un ami travesti qui partage sa condition lui permettent sans doute de tenir le coup. Mais lorsque ses enfants doivent quitter l’école parce que la police recherche les clandestins, lorsqu’elle les met sur le trottoir pour faire la manche, puis qu’elle comprend que son mari a fondé une autre famille en Angleterre, alors l’édifice se fissure, avant de s’effondrer complètement à la fin avec l’apparition de nouveaux désastres. Sur la route du paradis ne marque pas par son originalité, ni formelle ni narrative, mais il demeure un récit fort bien fait, dont on retiendra, notamment, une noirceur visuelle prégnante et cohérente avec son sujet.

    Qu’ils reposent en révolte (Des figures de guerre I) (France, 2010), de Sylvain George, s’attarde sur le moment intermédiaire, entre la préparation du voyage de Brûleurs et la vie d’exilés installés en terre d’accueil de Sur la route du paradis : l’attente, à Calais, de migrants de divers pays tentant de rejoindre l’Angleterre. Nous avons déjà dit ici le bien que nous avions pensé du film lors de sa présentation au FID en 2010. Sa projection à Béjaïa est une première sur le sol africain.

    Début 2011 au Maghreb

    On le sait, d’innombrables vidéos ont été tournées avec des téléphones portables et postées sur Internet lors des Printemps arabes. La plupart sont des captations, nées d’une urgence de témoigner du temps présent, de l’enregistrer pour en conserver la mémoire. Avec Vibrations, la Tunisienne Farad Khadar, anthropologue vivant en France, a nourri ce dessein. Revenant trois semaines après le 14 janvier 2011 dans son pays natal qu’elle n’a plus reconnu, elle dit avoir voulu chercher à comprendre et « pousser un cri ». Son film, de 7 minutes, alterne images de manifestations, cartons racontant leur chronologie et images de vagues. Ce travail de montage permet à Vibrations d’être un vrai film et non une captation. Le tout est efficace, élégant, voire poétique (grâce aux vagues et aux symboles qu’elles convoquent). Si l’on peut regretter que le film ne raconte pas grand-chose de plus que ce que nous avons vu tant de fois, qu’il ne problématise pas ce qui se passe, il demeure un joli objet, un joli témoignage d’une actualité désormais révolue.

    Une autre forme très courte et un autre film tourné dans l’actualité orageuse de début 2011, Petites empreintes de lutte(composé de deux films de 3 minutes), d’Amal Kateb, auteur du remarquable On ne mourra pas. Après ce dernier, porté pendant dix ans et résultant d’une profonde nécessité de faire un film sur les années noires, l’auteur ne voulait plus tourner. C’est la Révolution tunisienne et l’espoir en miroir d’une potentielle évolution de l’Algérie qu’elle a véhiculé qui lui en ont redonné l’envie. Meeting autorisé commence le 15 mars et s’achève le 23 avril 2011, nous indiquent des cartons. Ce que l’on voit, ce sont des militants de la CNCD (Coordination Nationale pour le Changement et la Démocratie) à Oran qui organisent une campagne d’affichage. Ce que les cartons nous apprennent, c’est que cet affichage a été interdit par la police, qu’Ahmed Kerroumi, l’un des actifs, a disparu dans des circonstances troubles, que son cadavre a été retrouvé dans le local du parti. Cette empreinte est des plus efficaces. Le choix de raconter l’avant des manifestations est d’une originalité réjouissante. Amal Kateb nous épargne toute discussion sur le fond des problèmes qui ont mené les gens dans la rue (un simple plan d’une affiche suffit à nous rappeler, s’il en était besoin, les maux dont souffre l’Algérie). C’est l’affichage comme acte concret qui est au centre – comment on écrit sur une affiche, comment on la colle. Le reste demeure hors champ, ouvert à notre libre appréhension. Ainsi délestés de toute insistance sur le fond du sujet, nous sommes pleinement réceptifs à l’information cinglante qui nous est donnée à la fin. Cet homme, Ahmed Kerroumi, a été tué très probablement pour son action politique, et le mouvement impulsé par la CNCD en a été mis à mal. Le film nous laisse là, seuls avec ça. Et l’événement coupe l’élan de la cinéaste qui projetait de tourner d’autres empreintes. En racontant l’histoire d’une ébauche de mouvement stoppée nette au profit d’un retour à l’inertie, Meeting autorisé pose aujourd’hui une question glaciale à l’Algérie.

    Ehi échirettes/Allez les filles ! se passe également à Oran en 2011. Dans une voiture qui roule, des jeunes filles s’interrogent sur ce qu’elles vont faire de leur soirée : s’amuser ou participer à une manifestation ? Après être passée devant un commissariat, filmé, évidemment, en catimini, la conductrice entonne une chanson disant les blessures, les blocages, les maux passés et actuels de l’Algérie.

    Ces deux empreintes nous laissent un sentiment de frustration car on aurait envie de les voir inscrites dans une fresque plus large, que chacune d’elles soient une pièce d’un puzzle composant un portrait complexe de l’Algérie contemporaine. Dans l’espoir qu’Amal Kateb puisse poursuivre en ce sens son travail...

    De façon plus lointaine, la Révolution tunisienne est aussi présente dans La Nuit de Badr, court-métrage tunisien de Mehdi Hmili (qui présenta l’an dernier aux Rencontres Le Dernier Minuit). Badr est un vieux poète tunisien, il vit confortablement en France et a un jeune amant français, Philippe. Au moment de la Révolution, le gouvernement lui demande de revenir dans son pays natal. Il accepte, et fait ses adieux à Philippe. Pourtant, Badr déteste la Tunisie. Pourquoi dès lors choisir d’aller y finir ses jours ? C’est cette question qui sous-tend le récit et c’est elle qui intéresse. La relation entre le vieil homme et le jeune amant captive moins. Dans la grande maison luxueuse du poète a lieu leur face à face mélancolique et poétique (en noir et blanc et scandé par les poèmes de Badr récités). Philippe arrive avec sa valise, tout excité. Il veut partir avec Badr, profiter de l’opportunité pour quitter ses études de médecine et vivre l’aventure aux quatre coins du monde. Sans Badr, ici, il n’est plus rien. Le vieil homme, lui, ne l’entend pas de cette façon. Un charisme indéniable se dégage de ce personnage, une aura intrigante. Philippe, le personnage et l’acteur qui l’incarne, est bien moins convaincant, plus fade, et sa naïveté, sa fraîcheur, peuvent même agacer. On peut ainsi rester à distance du drame qui le frappe à la fin. La Nuit de Badr laisse au spectateur le choix d’être sensible à plusieurs dimensions selon la lecture qu’on en fait : le couple fait de deux êtres très différents, l’abandon, le rapport à la terre d’origine, la poésie. Si l’homosexualité est présente, elle n’est pas le sujet du film. Les deux amants sont tous les deux des hommes, c’est un fait, mais il aurait pu en être autrement. Il n’empêche qu’à cause de cette donne-là, Mehdi Mhili devra attendre un peu avant de présenter son film en Tunisie (il n’y eu qu’une projection pour la presse), où les salafistes ont détruit, la veille de la projection bougiotte, une exposition d’artistes.

    Nouvelle Toile

    Rue des cités, de Hakim Zouhani et Carine May, présenté à l’ACID l’an dernier, est assurément l’un des films français les plus enthousiasmants de ces dernières années. C’est avec joie que l’on a pu revoir ce portrait sensible, drôle et élégant d’Aubervilliers et de certains de ses habitants. La sortie du film est prévue en France pour novembre prochain, c’est à ne pas rater !

    Pour exploiter ce film, ses auteurs ont fondé une maison de production, Nouvelle Toile, qui porte maintenant aussi des projets d’autres auteurs. Parmi eux, Yassine Qnia, qui travailla sur Rue des cités et qui a écrit, avec Carine, Hakim et Mourad Boudaoud, le court-métrage Fais croquer (qui a déjà commencé une belle tournée en festivals et remportait, presque au moment de la projection aux Rencontres, le Prix du Public à Pantin). Le film, également situé à Aubervilliers et partant de l’expérience vécue par son auteur, raconte les déboires de Yassine voulant tourner un court-métrage amateur. C’est drôle, très drôle, c’est émouvant, rythmé, bien construit, sans temps mort. C’est plein de vie, modeste, personnel. C’est une nouvelle pépite venue d’Aubervilliers qui conforte toutes les attentes que l’on a de Nouvelle Toile. Vivement le prochain !

    D’une rive à l’autre de la Méditerranée

    Au petit matin, une adolescente rentre dans la maison familiale bourgeoise après avoir passé la nuit dehors. Elle est blessée. Ainsi s’ouvre M khobbi fi Kobba (Soubresauts), film de fin d’études de la Fémis de la Tunisienne Leyla Bouzid. Que s’est-il passé cette nuit-là pour la jeune fille ? C’est l’enquête menée par la mère que le film raconte. Non pas son résultat, l’élucidation du mystère, mais les réactions successives qu’engendrent les hypothèses et les variations de la relation de la mère à sa fille (la colère, la protection, la complicité, l’amour...). L’événement lui-même semble moins important que ce que l’on en fait. La préoccupation de la mère, une fois qu’elle a deviné que sa fille n’est sans doute plus vierge, est de sauver les apparences, de le cacher. Le père, lui, est quasi absent, simple apparition à qui l’on fait croire que sa fille est tombée et qui s’en tient à ça. Quant au frère, que l’on devine fortement impliqué dans la blessure de sa sœur mais qui n’en dira rien, il surveille les femmes de la maison, veille à freiner leurs mouvements d’émancipation. La mère semble aller dans son sens en cachant ce qui est arrivé à sa fille. Mais, lorsqu’elle se met à danser sensuellement, le corps à moitié nu, lors d’une fête, ne revendique-t-elle pas elle aussi une certaine liberté ? La complexité, l’ambiguïté, d’une certaine bourgeoisie tunisienne oscillant entre conservatisme et ouverture, sont pertinemment explorées par ce film, en outre formellement maîtrisé.

    La Mémoire et la mer (France) est le journal filmé d’un jeune cinéaste, Jean Boiron-Lajous qui, avec son frère et l’amie de ce dernier, prépare puis entreprend un voyage à Alger d’où leurs parents étaient originaires. Une quête des racines, ce film est aussi une interrogation sur la façon de rendre compte d’un voyage à l’étranger, de faire partager au spectateur une expérience très personnelle. Comment filmer une terre qu’on découvre en échappant aux représentations clichées ? Arrivé à Alger, Jean n’a d’autre option que de filmer en caméra cachée. Et ce que l’on voit, ce sont bien des stéréotypes, mais c’est aussi ce que nous pouvons vivre dans les rues de la ville. Jean repart d’Algérie avec un sentiment de frustration. En off, il nous dit que, peut-être, il aurait dû faire autrement. Trop préoccupé par sa caméra, il est peut-être passé à côté de ce que les situations lui proposaient de vivre. Si l’on peut rester à distance de son récit, les questions qu’il évoque interpellent : comment rendre universelle une expérience intime ? Quelle légitimité a donc un film "carnet de bord" ? Peut-on rendre compte de la complexité d’un pays en même temps qu’on en fait connaissance ? Ne faut-il pas du temps entre la découverte et la mise en images ? Le recul est-il nécessaire pour être juste ? Parce qu’il nous dit ses doutes, ses craintes et ses regrets, qu’il les assume, Jean Boiron-Lajous signe là un film honnête. Maladroit, sans doute, mais qui, par sa modestie, nous invite à porter sur lui un regard clément.

    À ton vieux cul de nègre, d’Aurélien Bodinaux, est une comédie belge bien ficelée, bien écrite, qui questionne et métaphorise la colonisation. Dans une maison de repos, un Congolais reçoit la visite d’un ami belge. Autour d’une bonne bouteille, au fil d’une conversation tantôt directe, littérale, tantôt retorse et ironique, ils règlent leurs comptes de colonisateurs et de colonisés. Personne n’est épargné, ni « le colon », le champion du déni, ni le colonisé, qui n’hésite pas à rendre unique responsable de ses maux actuels l’ex-présence coloniale. Mais c’est dans la sympathie et avec humour qu’a lieu l’échange. Avons-nous là une invitation à risquer le dialogue ? Comme il était venu chez le Congolais, le Belge s’en va, ce mouvement pouvant figurer ce qui s’est joué en terre colonisée, où le départ et le vide laissé furent lourds et bien remplis.

    Aux rêveurs tous les atouts dans votre jeu, film français de Mehdi Benallal, repose sur un dispositif simple qui ouvre les portes au foisonnement de l’imagination et de l’interprétation. Ponctué de plans fixes d’un pont, du ciel et des nuages qui le surplombent, il est une succession de quatre tableaux dans lesquels une personne, filmée à l’intérieur, dans un élégant plan fixe minutieusement composé et simple, raconte un des rêves qu’elle a fait en dormant. En faisant durer les plans et les récits, Mehdi Benallal fait confiance en la capacité de son spectateur à investir des images dans lesquelles l’événement est infime (subtiles variations de lumière, expression du visage d’un personnage), et à se saisir des paroles pour se projeter dans le champ immense des images mentales. Le récit des rêves peut se prêter à la spéculation analytique mais il ne semble pas là pour ça, apparaissant plutôt comme une invitation à construire par nous-mêmes des paysages et des histoires. La respiration permise par les plans d’extérieur vidés d’êtres humains semble prolonger ce qui se joue dans les espaces clos car elle invite, par le ciel qu’elle nous montre, à lever la tête vers le haut, à nous perdre dans nos rêves.

    Après Le Naufragé l’an dernier, moyen métrage français de Guillaume Brac, c’est le nouvel opus du cinéaste que les Rencontres ont programmé, Un monde sans femmes – sorti en France en diptyque avec le premier et qui fut un joli succès. De part et d’autre de la Méditerranée, ce film sensible et tendre, aux acteurs épatants (Laure Calamy, Constance Rousseau et Vincent Macaigne), a conquis le public. Laure Calamy, plusieurs fois récompensée pour sa partition, était là pour le présenter. L’occasion de faire vivre un peu plus le personnage qu’elle interprète, tant il semble proche de ce qu’elle est, un véritable et réjouissant spectacle.

    Nada a Ver, de Florence Bresson et Elisabeth Goncalves

    On connaît la mauvaise réputation de l’univers carcéral brésilien. Les reportages à sensation sur le sujet sont légion à la télévision. La violence sans nom des favelas, d’autant plus exacerbée dans l’enceinte de la prison où les guerres de gangs font rage, a toujours été une bonne recette pour l’audimat. Alors, il n’y aurait qu’à laisser tourner la caméra, en ajoutant au montage cut une nappe musicale angoissante pour créer en deux temps trois mouvements une bonne dose de frissons pour le téléspectateur avide de férocité exotique.

    « Rien à voir » de tout cela dans Nada a Ver de Florence Bresson et Elisabeth Goncalves, car si le film est entièrement tourné à l’intérieur d’une prison de l’État du Paraná au Brésil, il ne fait en aucun cas commerce de sensationnalisme. Il est au contraire le fruit d’un long travail entamé en 2004 par Elisabeth Goncalves, metteuse en scène de théâtre. Invitée initialement par le Festival International de Théâtre de Londrina, et souhaitant monter un spectacle avec des comédiens amateurs locaux, c’est presque par malentendu qu’elle se retrouva à concevoir une création théâtrale avec les détenus au sein même de la prison de Londrina. Elisabeth Goncalves soutient avec ferveur que son action dans la prison en aucun cas n’a consisté à animer un atelier de thérapie par le théâtre mais bien à accompagner l’acte de création de comédiens amateurs, ayant pour particularité sociologique d’être condamnés à de lourdes peines de prison.

    À cette première expérience qui fut, à plusieurs égards, une grande réussite, succéda l’année suivante une autre pour laquelle Elisabeth Goncalves invita Florence Bresson. La création sera cette fois-ci cinématographique. Florence Bresson et Elisabeth Goncalves se veulent co-réalisatrices de ce film étrange à mi-chemin entre réalisme documentaire et onirisme surréaliste. Aux détenus, déjà comédiens dans le premier spectacle de théâtre, se greffent aussi dans Nada a Ver certains de leurs gardiens. La magie de ce petit film, aux contours incertains, est de réussir à annuler la frontière très concrète qui les sépare. Parce que s’entremêlent des séquences documentaires où, sobrement, quelques tranches de vie quotidienne de la prison sont révélées, et des scénettes de fictions, souvent franchement folles, les repères censément manichéens d’un lieu où certains hommes sont privés de liberté et où d’autres leur opposent surveillance et autorité, disparaissent. En tant qu’expérience, le travail accompli par Florence Bresson et Elisabeth Goncalves a été un bouleversement pour la prison de Londrina. Ceux, prisonniers et gardiens, qui s’y sont prêtés, ont dû faire preuve pour cela de courage, car il n’est pas aisé de transgresser les codes et les lois de la prison. L’objet cinématographique qui en découle est une zone intemporelle de liberté, où fondent les barreaux des cellules au profit d’un espace mental sans limite. Le temps d’un film. Hormis cela, cet immense cela, rien à voir !

    (Sylvain Baldus)

    Ivresse d’une oasis, de Hachimiya Ahamada

    Pour point de départ d’Ivresse d’une oasis, le désir de Hachimiya Ahamada de se rendre aux Comores, où ses parents sont nés et où elle n’est jamais allée, de comprendre d’où elle vient. Et d’explorer la maison que son père y a construite avant de partir pour la France. Les maisons abandonnées sont au cœur d’autres films de la cinéaste (La Résidence Ylang-Ylang). Ici, elle se demande pourquoi les Comoriens sacrifient leur vie à l’édification d’une maison qu’ils abandonnent parfois ensuite. Hachimiya raconte en off son voyage aux Comores, à la première personne. Et elle parle à son père. Ce film, c’est une lettre filmée qu’elle lui adresse. La quête commence dans le village des parents de Hachimiya. Elle filme la maison et les gens du village dans leur quotidien. Surpris d’être pour la première fois objets d’attention, ils vaquent à leurs occupations devant une caméra attentive (elle s’attarde parfois sur des détails et prend le temps de nous montrer). Ils échangent aussi, face caméra, avec la cinéaste. Cette dernière finit par quitter le village pour explorer d’autres contrées, notamment l’île d’Anjouan. Le film, alors, prend une dimension sociale et politique. Les habitants de l’île racontent la crise qu’elle traverse depuis qu’elle a été séparée de Mayotte, abandonnée par la France, et ils lancent un appel à l’aide. Dans la première partie d’Ivresse d’une oasis, on s’interroge, comme devant La Mémoire et la mer, sur la possibilité pour un cinéaste de nous intéresser à son histoire intime.

    Pour ce programme, cette organisation et cet accueil, pour cette chaleur, merci à toute l’équipe de Project’heure !

    Marion Pasquier, avec la précieuse collaboration de Sylvain Baldus

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  •        Zohra Sadik

              pour la sortie du film « Allez, Yallah ! »

    Entretiens > 22 novembre 2006

     

    La Caravane des Droits des femmes existe depuis 1993 et sillonne le Maroc, l’Algérie et la France depuis 2002. Chaque année, une « caravane » se fixe dans le but de promouvoir l’information sur les droits de la femme, de donner accès aux connaissances dont beaucoup sont privées, sur leurs droits, les lois, leurs corps. Jean-Pierre Thorn a choisi de leur dédier le documentaire Allez, Yallah !

    Rencontre avec Zohra Sadik, l’une des caravanières, à l’occasion du passage de la caravane 2006 à Paris, le 17 mai, pour présenter le film.

     

    Tout d’abord, je voudrais que vous me parliez de la façon dont s’est monté le film. Comment Jean-Pierre Thorn, le réalisateur, vous a-t-il contactée ?

    Le réalisateur était présent lors de la caravane 2004 qui a été organisée ici, à Lyon, par l’AFCI – l’Association Femmes Contre les Intégrismes – c’est comme ça qu’on a fait la connaissance de Jean-Pierre Thorn. Il a filmé, nous a suivies, pendant tout le déroulement de la caravane de Lyon. C’est comme ça qu’il a eu l’idée de suivre cette caravane au Maroc. Et du coup, comme on organise, au Maroc, plusieurs caravanes au niveau local ou bien national, il a eu l’idée de parler de ce combat des femmes à partir d’un film, pour justement transmettre toutes les valeurs, tous les principes, toute la force et toute la volonté que nous avons pour arriver à cette société d’égalité.

    Jean-Pierre Thorn est quelqu’un de très militant, il a beaucoup de valeurs. De votre point de vue, que voulez-vous faire passer avec ce film ? Est-ce que c’est un témoignage de ce que vous avez accompli, ou est-ce que c’est un pas sur votre route vers le futur ?

    En fait, ça reflète un peu nos convictions, les principes de notre projet, parce qu’on va dans les zones les plus reculées pour informer les femmes, les hommes et les jeunes, pour avoir des contacts, pour les mobiliser, de façon à ce qu’ils soient aussi impliqués dans ce combat. Donc, ce film, ça permet un petit peu de montrer, mais en même temps de mobiliser. C’est un moyen de voir qu’il y a des femmes qui militent, qui ont de la volonté pour que ça change. Ça reflète un petit peu cet espoir-là, en fait. Nous avons un espoir : c’est vrai, nous avons une situation qui est un petit peu compliquée, mais on a la volonté pour pouvoir justement dépasser tous ces obstacles, arriver à ce que les femmes et les hommes – parce que le combat est un combat des femmes et des hommes – aient cette volonté-là. On en parle à travers un film, donc ça permet de se poser des questions. Il y a des femmes qui se battent pour les droits, pour l’égalité, contre les intégrismes, donc ça permet aussi aux autres d’être impliqués dans ce combat.

    On peut espérer qu’Allez, Yallah ! aura un succès autre que le succès d’estime. Avez-vous d’autres projets médiatiques en parallèle ?

    En fait de projets médiatiques, nous avons des caravanes qu’on organise pour cette année-là, et on va organiser une autre caravane dans la zone du nord du Maroc, vers la ville de Tanger. C’est une activité qu’on organise chaque année. En même temps, l’objectif, ce n’est pas seulement d’arriver dans ces villages pendant dix jours ou bien une semaine, parce que c’est tout un travail qui se fait pendant les caravanes. Il y a des questionnaires pour connaître un petit peu la situation économique et sociale, les conditions de vie de ces personnes, au niveau de la santé : ça nous permet d’avoir des données concrètes qui pourront servir à mener notre combat, de plaider vis-à-vis de l’État, vis-à-vis des responsables, pour que ça change. C’est en parallèle avec tout le travail qui se fait pour la sensibilisation, pour l’information sur tout ce qui concerne le droit, que ce soit en faveur des hommes, des femmes ou bien des jeunes. Et en même temps, on assure aussi le suivi de ces caravanes : je tiens à préciser que ce n’est pas une activité occasionnelle, mais c’est une activité parmi d’autres de l’association, et juste après la caravane il y a toujours un suivi. Dans toutes les régions où on organise les caravanes il y a des gens de la LDDF, la Ligue Démocratique pour les Droits des Femmes, qui assurent ce suivi-là. Nous avons plusieurs projets : bien sûr, des études, mais nous avons un autre projet, et je crois que c’est très important aussi, car il rejoint un petit peu ce concept de la caravane, qui rejoint un petit peu notre stratégie, c’est l’École de l’Égalité et de la Citoyenneté, qui est sur Casa et qui a pour objectif de donner des formations aux enseignants, dans le cadre associatif, et aussi aux jeunes. L’École de l’Égalité et de la Citoyenneté c’est donc un programme qui est très intéressant : l’histoire des religions, l’histoire de l’esclavagisme, les genres, la communication, l’histoire des combats de femmes, donc tout cela permet un petit peu de former des enseignants. Vous savez que les enseignants ont un rapport direct avec les élèves : ça aura un impact, c’est sûr que ça aura un impact sur les mentalités. Nous avons en fait plusieurs projets dans l’avenir.

    Vous allez y arriver ?

    Je l’espère, bien sûr, avec la volonté, et l’espoir, l’espoir... Parce que quand on a des principes, qu’on est convaincue par une cause, c’est sûr qu’on va y arriver. On peut avoir des contraintes, on peut avoir des obstacles, on peut avoir des réticences, des résistances, mais on va y arriver, c’est sûr.

    Dans le cadre de la caravane qui a été filmée pour Allez, Yallah ! : est-ce que ça a changé quelque chose pour vous d’avoir la présence de la caméra, des techniciens à côté ? Est-ce que ça n’a pas créé de l’hostilité, de la méfiance de la part des gens que vous avez rencontrés ?

    Du tout, du tout. Les gens étaient confiants. Pourquoi ? Parce que nous, avant d’aller sur place, avant de commencer la caravane, on y va, on travaille avec les gens, on organise des chantiers de propreté, on les encourage à venir à la caravane, donc déjà il y a un contact préalable qui permet de mettre en confiance les gens. Donc en aucun cas on n’a senti une réticence de la part des gens.

    Et vous-même ? L’équipe des caravanières ? Ça n’a pas changé votre comportement ?

    Quand on est sur place, quand on est dans l’action, on ne voit pas qu’il y a... Je veux dire que quand on est en plein dans l’action, on ne fait pas attention qu’il y a un film. C’était pas vraiment un film : on est là, on travaille. Moi je ne fais pas attention à Jean-Pierre, je ne sais pas ce qu’il a filmé ou pas. Il était avec nous, il nous a suivies, oui, mais en aucun cas on n’avait cette pensée qu’il s’agit d’un film.

    Avez-vous participé à la rédaction du script, du scénario ou au montage du film ? Est-ce que vous êtes intervenues à ce niveau-là ou est-ce que c’est uniquement Jean-Pierre Thorn et son équipe qui s’en sont chargés ?

    Il y a Jean-Pierre Thorn, mais il y a d’autres filles, une copine de l’association, qui a donné aussi son avis, au début quand il a commencé à travailler. Je sais qu’il a demandé notre avis sur pas mal de points.

    Le public d’Allez, Yallah ! : sans doute une bonne partie des personnes qui vont venir seront déjà convaincues, intéressées par le sujet, sensibilisées à l’égalité homme-femme. Est-ce que vous pensez que ce film va réussir à toucher un public un petit peu moins sensible à ces questions ? Est-ce qu’il va ouvrir les esprits selon vous ?

    Je l’espère, parce que l’objectif c’est aussi ça, j’espère aussi que les politiques, au niveau des cinémas, au niveau des télés, encouragent ce genre d’actions, parce que vous avez vu le film. La manière dont le réalisateur passe de Lyon au Maroc. Donc vous avez aussi pu constater qu’il y a énormément de choses à faire en France, que ce soit contre l’intégrisme, contre les problèmes des maghrébins en général. Il y a énormément de choses à faire, et j’espère que le film sera un outil utilisé justement pour informer les gens, pour dire : « Voilà ce qui se passe. Il y a un danger quelque part, donc il faut qu’on s’y mette, tous ensemble, pour pouvoir changer les choses. »

    Le combat que vous menez est déjà gargantuesque, très difficile : il s’agit avant tout de toucher les mentalités. En France, on a encore une mentalité assez patriarcale. La place de la femme qui, malgré tous les beaux discours qu’on peut donner, est toujours inférieure. L’égalité est encore une chimère. Est-ce que vous pensez qu’il faut une association comme la vôtre, en France ? Est-ce que vous pensez que vous-mêmes, les caravanières, pourriez essayer de changer les mentalités dans la communauté française ?

    Non, je crois qu’il y a beaucoup d’associations qui travaillent sur le terrain. Donc nous, on n’est pas là pour faire le travail des associations, qui font du bon travail. Ce qu’il faut, c’est qu’il y ait une coordination plus large, une discussion sur les objectifs. Parce qu’en fait, chacun travaille pour l’égalité, pour la citoyenneté, contre les intégrismes... Donc, chaque association travaille dans son coin : c’est vrai qu’il y a les mêmes objectifs, donc c’est pour ça qu’il faut un petit peu travailler en coordination, de façon à réaliser ces objectifs. Pas simplement au niveau des associations, mais au niveau des travailleurs sociaux, au niveau du ministère de l’éducation, parce que chacun a une part de responsabilité dans ce combat-là. Donc, du coup, nous en tant que caravanières du Maroc, on peut contribuer, on peut participer : mais en aucun cas on ne peut travailler à la place des associations qui sont sur place. On peut participer à des activités, ils peuvent s’inspirer des expériences des Marocaines, comme nous on s’inspire et on profite aussi de l’expérience des associations françaises. C’est en fait une complémentarité, plus qu’une association venue du Maroc. C’est vrai, quand on parle des maghrébins en général, c’est bien qu’il y ait des associations maghrébines pour les informer, leur dire que ça se passe, qu’il y a une évolution chez nous. Ça permet un petit peu de contribuer à ces actions. Je sais qu’il y a des associations qui travaillent sur le terrain, mais il faut qu’elles se complètent : c’est très très très important.

    Ça fait bientôt dix ans que les caravanières existent ...

    L’association ? Depuis 1993. Mais on a commencé les caravanes en 2002.

    Aujourd’hui, est-ce que selon vous il y a déjà matière à un bilan, ou est-ce que la route est encore longue ? Vous avez quelque chose pour le futur ? Des idées, des espoirs ?

    Bien sûr. Quand il y a une activité, il y a toujours une évaluation, une façon de voir, et c’est sûr qu’il y a énormément de choses à faire, mais il y a quand même des choses qui ont été réalisées. Chez nous (NDLR : Zohra Sadik est originaire du Maroc), par exemple, il y a eu tout ce combat de mouvements féminins qui a fait qu’on a un petit peu changé les lois. Il y a eu la réforme du code du statut personnel, il y a le principe de l’égalité qui est maintenant inscrit dans le code de la famille. Nous avons des acquis, mais ce n’est pas suffisant pour nous, que ce soit au niveau des lois ou bien au niveau des mentalités. Ce que nous avons jusqu’à présent au niveau des lois c’est très bien, il faut qu’on agisse aussi sur les mentalités. Donc ça, ça fait partie de notre projet. C’est sûr qu’il y a un espoir tant qu’on travaille sur le terrain, tant qu’on a des convictions, tant qu’on a des objectifs, tant qu’on a des principes, une stratégie, c’est sûr qu’on va y arriver : il y a l’espoir. Sinon... c’est pas la peine de commencer ce combat.

    Je crois qu’on est arrivés au bout de mes questions. Est-ce qu’il y a des questions que vous auriez voulu que je vous pose, que j’aurais dû, et que je n’ai pas posées ?

    Je crois que vous avez fait un petit peu le tour des questions. Une dernière remarque, c’est qu’au niveau des politiques aussi, il faut qu’il y ait quand même une politique de façon à ce que les choses changent, que ce soit au niveau de la libre entrée des intégristes, que ce soit au niveau de l’éducation au droit, que ce soit au niveau de l’égalité, il faut qu’il y ait une politique claire, qui ait des objectifs précis. Il faut vraiment qu’il y ait la participation et la contribution des politiques ou, plutôt, une vraie volonté politique pour la société à laquelle on aspire tous, parce qu’on ne peut pas parler de démocratie sans les droits des femmes.

    Voilà une phrase qui me paraît conclure remarquablement notre entretien. Merci beaucoup et encore bravo.

    Merci à vous.

    Propos recueillis par Vincent Avenel.


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  •                   LE CINÉMA POUR SEUL DISCOURS

              Rabah Ameur-Zaïmèche (2)  

                           

                              pour la sortie de son film « Dernier maquis »

    Entretiens > 21 octobre 2008

    Il est difficile d’y voir parfaitement clair dans ce que provoque l’expérience de Dernier maquis. La rencontre avec son réalisateur aide en partie à mettre des mots sur ce qui touche, elle permet en tout cas de cerner davantage la façon passionnante dont il travaille. À suivre très prochainement, la rencontre avec Abel Jafri, comédien de Bled Number One et Dernier maquis.


    Quels premiers retours avez-vous suite aux avant-premières ?

    Des sourires enchanteurs, remplis de gratitude, qui me remercient de considérer le spectateur dans son intégralité, dans toute son intelligence et sa beauté. Car c’est à ça que notre cinéma carbure, en écartant au maximum les oppositions, les formes, les structures. On n’est ni dans le documentaire, ni dans la fiction, ni dans le cinéma de genre, dans l’impressionnisme ou l’expressionnisme radical. À chaque fois on essaie de mettre de la distance et c’est ça qui nourrit la pensée, la réflexion sur soi même et sur chacun d’entre nous. C’est ce qui forme une pensée collective. Le cinéma est un art du collectif, l’art où tout devient beau.

    C’est vrai que le fait que vous ne nous imposez rien est un grand bonheur de spectateur...

    Dans les espaces de sensation et de perception qu’on réussit à élaborer, il y a, pour chacun d’entre nous en tant que spectateur, toutes les possibilités pour construire la trame narrative. On peut par exemple interpréter la fin de Dernier maquis d’une multitude de façons. Pour la psychologie des personnages aussi on peut choisir parmi une multitude de tempéraments, de caractères et de raisons. Il y a un fameux lascar qui s’appelait Renoir et qui disait « chacun a ses raisons, donc filmons-les au plus près et faisons en sorte qu’ils soient les plus beaux ». Je trouve que c’est une très belle leçon que nous avons retenue.

    Lors de l’écriture, comment travaillez-vous pour qu’il y ait le plus d’ouverture, d’ambiguïté possibles ?

    On fait déjà des scénarios élaborés pour pouvoir les soumettre aux institutions qui soutiennent le cinéma indépendant. Ça n’a rien à voir avec la littérature, on décrit la séquence, avec quelques dialogues, c’est tout. Par contre tout notre travail c’est de sortir la puissance littéraire dans nos images. Et entre temps, pour réussir à le réaliser, on s’est mis à la peinture. Lorsqu’on écrivait avec Louise Thermes [co-scénariste], ndlr et qu’on avait des périodes de flottement, j’attaquais les pinceaux et je m’amusais avec les couleurs qu’on avait. On avait justement ce rouge et ce jaune. Tu vois le tableau qui est là, c’est le dernier plan du film : on était encore à la phase d’ écriture et pourtant le film était déjà là. C’est surprenant quand même. Et quand on commence le tournage, on commence à filmer de très loin, après on dévale la colline et on se met à la hauteur des hommes, à la hauteur de leur cœur, et on découvre les personnages. La moitié du casting n’était pas encore réalisée, on avait besoin d’un Imam et c’est là qu’étrangement on le trouve sur place, on avait besoin d’un muezzin et étrangement on le trouve sur place, d’un chef de village et étrangement on le trouve sur place. C’est quand même surprenant. Et je crois que c’est toujours en étant attentif à un certain nombre de circonstances, attentif au film qui se produit, au bien être de chacun, qu’à un moment donné on est porté dans une espèce de hasard bienveillant qui fait que toutes les choses glissent, sont fluides comme un flot de lumière qui se dirigerait vers un immense océan de bravoure et de tendresse. Nous on s’adapte, on n’est pas là pour imposer à un plateau de tournage, à toute une machinerie, à des travailleurs en plein milieu de leur site de production. On est plutôt là au contraire pour être le plus discrets possibles. C’est à nous de nous adapter, au bruit, au vacarme, à la musique... de cette zone industrielle, pas l’inverse.

    Depuis combien de temps portez-vous ce projet ?

    J’y pense depuis 2002. J’ai écrit seul la première mouture du scénario juste après Wesh Wesh. On n’a pas reçu les financements, donc avec Louise on a attaqué Bled Number One. Et une fois qu’on a terminé Bled, par facilité puisqu’il y avait déjà une matrice on s’est dit qu’on allait la reprendre et la retravailler.

    Vous n’aviez donc pas encore rencontré le lieu lorsque vous avez écrit le scénario...

    On a écrit sans connaître le lieu, mais en le découvrant on a réadapté le scénario au décor. On s’est dit tout de suite que ce décor était un décor de cinéma, qu’il n’attendait que nous, que le film était là, entre les branchages, les feuilles des arbres, les ailes déployées des grues qui réussissent à se réimplanter dans la nature de nos zones industrielles.

    L’envol de la grue n’était pas prévu ?

    Non. Elle était là, nous on était sur les canaux, et elle nous a demandé de la suivre. Elle n’arrêtait pas de bondir d’une rive à l’autre et on s’est dit qu’on avait pas d’autres choix, qu’il fallait la suivre, et elle nous a permis de filmer son superbe vol.

    Vous avez co-écrit vos trois films. Pourquoi ce besoin d’écrire à deux ?

    Parce que je suis paresseux. C’est dur d’écrire seul. Quand on est à deux on échange, on partage, le travail est partagé aussi. Et on sait que le scénario n’est qu’une matrice, qu’après on va le transformer en cinéma, en lui donnant justement toute la puissance littéraire. La littérature est dans notre cinéma, pas dans le scénario, la peinture n’est pas non plus dans notre scénario, même si on a peint pendant qu’on écrivait. La musique tout autant. Sylvain [Rifflet, compositeur de la musique originale, ndlr] est venu dès la préparation, pendant le tournage, et jusqu’à la fin on écoutait du jazz ensemble. Et puis après on a tous plongé dans le même bateau, pas une galère mais un bateau ivre dans lequel on était tous des ivrognes qui allaient faire découvrir des endroits fabuleux grâce à ce bateau. Nous on s’amuse, c’est pas tous les jours qu’on fait du cinéma, on est complètement engagés dans ce qu’on fait, on y met nos forces, nos ressources, l’énergie de toute une équipe qui est là depuis le début et qui converge autour du même film.

    Le public réagit souvent aux sujets de vos films, à leur fond, moins à votre travail formel. Comment réagissez-vous à cela ?

    Depuis Wesh Wesh c’est souvent le cas en effet. On se dit que c’est tellement réussi cinématographiquement qu’il n’y a rien à dire, donc attaquons les sujets politiques qui ont surgi à travers les intervalles que nous avons écartés.

    Pour vous c’est donc plutôt un compliment, vous n’avez pas envie qu’on vous parle des questions de cinéma que vous posez...

    On a confiance dans notre cinéma. On sait qu’on explore, qu’on cherche, et le fait de risquer pratiquement tout ça nous porte, ça nous soulève, ça nous donne la patate nécessaire pour pouvoir affronter ce qu’on découvre. Ce sont des études pour moi, je prolonge mes études universitaires de sociologie, on continue à chercher, à démonter les faits sociaux, les structures de domination, d’exploitation, c’est ça qui est le plus révoltant et qu’on dénonce dans chacun de nos films.

    Vous avez confiance en effet, parce que vous dénoncez sans jamais rien montrer du doigt...

    C’est parce qu’on n’est pas dans le discours. Souvent le cinéma engagé est un cinéma idéologique, dans le discours, un cinéma super bavard où il y a toujours un gentil et un méchant, du bien et du mal. La vie est beaucoup plus complexe et en même temps beaucoup plus simple. Simple parce que depuis la nuit des temps les rapports sont les mêmes, comme toutes les espèces vivantes nos sociétés sont régies par des lois très simples, la survie et la reproduction. Et en tant qu’humanité je pense qu’il est temps d’en sortir, sinon on ne vaut pas mieux que des fourmis. Et ce qui nous distingue des fourmis c’est peut être notre sentiment religieux, qui nous a permis d’inventer les arts premiers, de peindre sur les parois de nos grottes, de découvrir la puissance et la force de la raison, comme quoi la raison n’est pas antinomique avec la religion, c’est plutôt l’inverse. Les appareils religieux ont souvent été instrumentalisés par les pouvoirs, mais n’empêche, en dehors de ces appareils idéologiques il y a quand même un fond qui se trouve dans chaque cœur, et ce fond c’est notre sentiment, ce qui nous distingue des autres bêtes féroces. Et c’est en allant chercher dedans qu’on voit toute la diversité et la complexité de la vie.

    Dans Wesh Wesh et dans Bled, le point de vue est souvent celui du personnage que vous interprétez, Kamel, qui dans les deux cas est en retrait, regarde une réalité dont il est étranger. Qui regarde dans Dernier maquis ?

    Il y a une multitude de regards, il y a beaucoup de plongées, qui nous ont été possibles parce qu’il y a une colline de graviers à proximité. Il y a le point de vue de Mao, celui de l’hirondelle et de la grue, du ragondin, des travailleurs maliens, du chef du village, des mécaniciens... Notre idée du cinéma c’est justement d’ouvrir le plus de points de vue possibles. On y arrive au fur et à mesure, ça demande beaucoup de patience, de persévérance, et énormément de gentillesse dans l’équipe.

    C’est vraiment difficile d’arriver à mettre des mots sur ce qui touche dans ce film...

    Parce qu’il n’y a pas que des mots, pas que de la pensée, il y a aussi des sensations, dans chaque plan qui a été un véritable tableau, il y a toujours quelque chose à découvrir. Derrière une palette, d’un seul coup il y a le bleu du ciel qui surgit, il y a un torrent qui coule, de quelques palettes on peut faire des murs, des minarets, des impasses et des boulevards, des lieux de prières à ciel ouvert ou une installation d’art plastique contemporain en plein milieu d’une zone industrielle. La FIAC a plutôt intérêt à venir investir les zones industrielles plutôt que les beaux quartiers parisiens.

    Est-ce que vous prévoyez les mouvements de caméra ? Quand vous jouez, savez -vous où elle est ou laissez vous le chef opérateur décider des mouvements ?

    On essaie d’être le plus simple possible. On a des plongées, mais la plupart du temps la caméra est à hauteur d’homme. On a des travellings qui nous permettent de décrire l’environnement dans lequel nous baignons, à travers toutes ces palettes rouges. C’est comme ça qu’on arrive à sillonner à travers les grattes ciels de palettes. On est là pour capter. Quand je suis devant la caméra, ça me permet de poursuivre mon travail de réalisateur, de donner les dernières indications auxquelles je n’avais pas pensé et qui vont tout bouleverser. C’est très simple comment on a fait. Au départ on était en haut, pendant plusieurs jours on a filmé de très loin, pour être le plus discrets possibles et pour être acceptés, petit à petit, apprivoisés par le paysage, le décor et les hommes. Une fois qu’on a été adoptés, on était au cœur de la zone de fabrication, donc au cœur du processus de production et de domination. Et là on a posé la caméra en plein milieu, et à chaque fois on tournait, pour saisir des moments de vérité, parfois on tournait à 360 degrés pour réussir à saisir des choses complètement imprévues. C’est pas rien d’être un plateau de cinéma au milieu d’une usine qui continue de travailler. On a vraiment partagé cet espace avec les travailleurs, et c’est ce qui a permis d’avoir cette patate et de trouver ces points de vue différents.

    Pourquoi n’avez vous pas tourné à deux caméras comme dans Bled ?

    Pour Bled on avait tourné à deux caméras par sécurité, au cas où il y aurait un problème, car on était en Algérie dans un endroit perdu. L’une des caméras est d’ailleurs tombée dans l’eau. Mais sinon, comme dans Bled ou dans Wesh le plan est très clair, le plan pour moi c’est un tableau, c’est le décor, le visage, le regard, le sourire, qui nous l’imposent. C’est rien d’autre que ça. On n’a pas besoin à chaque fois de découper. Plus tu découpes et plus la pensée ou la réflexion va être hachée. Ça c’est le cinéma américain de propagande, où on est là pour manger des popcorns et nous décérébrer les quelques neurones qu’il nous reste. Nous on fait l’inverse, on fait des plans longs, qui durent et qui nourrissent justement la réflexion. Ça peut être ennuyeux mais ça a de l’impact, tu découvres à chaque fois des choses nouvelles et complètement inattendues dans cette peinture, et en même temps tu as suffisamment de temps pour essayer de répertorier toutes les possibilités qu’il y a devant toi.

    Y a t-il des cinéastes actuels dont vous vous sentez proche ?

    Non, de personne, nous on essaie de faire ce qu’on peut, avec l’argent qu’on peut. Par choix au départ, parce qu’on voulait rester indépendants et accéder à la liberté, et par nécessité parce qu’on s’était fait jeter de plein d’autre boîtes de production. Le fait d’être autonome du début du processus de création jusqu’à la fin nous permet d’être libres, de faire le cinéma qu’on veut. Quels cinéastes me touchent ? J’aime bien Jarmusch, j’aime bien ce lascar, mais c’est tout. Il a fait de grands films, mais je pense que nous on est encore plus forts que lui. Nos films ils restent, on va encore plus loin. Il y a toujours non seulement des interpellations sur le politique, sur les sujets d’actualité, mais aussi des interpellations sur nos cœurs, notre imaginaire, sur nos rêves et notre poésie. J’exagère là, après tout chacun son cinéma, on n’est pas là pour se comparer les uns les autres. Nous on fait du cinéma par nécessité, sinon on pète les plombs. Le cinéma c’est notre dernier maquis. C’est ce qui nous permet d’accéder à une forme de liberté. On a beaucoup de chance, de privilèges. Alors il n’y a pas de raisons qu’on se gène, qu’on ralentisse, qu’on soit prudents. Il n’y a pas de raisons qu’on n’utilise pas tout le potentiel magistral, magnifique, d’une puissance complètement inouïe, de cet art majeur qu’est le cinéma. On en fait donc on y va à fond, on utilise toutes ses possibilités sinon ça serait presque de la trahison. Quand j’étais enfant j’aimais beaucoup Renoir, Ford, le cinéma noir et blanc qui me terrifiait, Murnau. Nosferatu m’avait tellement terrifié que c’est peut-être en réponse à ça que je suis devenu cinéaste. Au moins là, je maîtrise.

    Vous maîtrisez... et en même temps pas tellement, vous vous laissez surprendre aussi beaucoup...

    La maîtrise absolue n’existe pas, la seule chose qu’on peut faire c’est d’être impeccables, irréprochables, et ensuite accepter la dérive, la mobilité, la fluidité, qu’il y a autre chose que nos prétendus ego et suffisances.

    À quelle distance de Mao vous situez-vous ?

    Mao c’est un être humain, moi je le trouve beau. C’est un homme, c’est pour ça qu’il se retrouve tout seul à la fin, dans la mosquée qu’il a ouverte. Il est compliqué, il est en même temps doux, sincère, machiavélique, ambigu, il a toutes ces facettes qui caractérisent chacun d’entre nous. Donc c’est un beau personnage. En plus c’est pas vraiment un dominant puisque c’est un entrepreneur, c’est pas quelqu’un qui possède les moyens de production, qui essaie d’épuiser ses travailleurs à la tache. Il essaie de combiner le fait qu’il est musulman et en même temps entrepreneur. C’est pas évident pour lui, il doit faire tourner sa boîte et en même temps il doit faire preuve d’équité et de justice. Il est devant des paradoxes terribles. C’est pour ça que j’ai de l’affection pour lui, parce qu’il essaie de surmonter ça, il se bat. Et le seul personnage qui est vraiment seul, c’est lui.

    Les personnages que vous interprétez dans vos trois films sont tous à distance des autres...

    C’est ce qui permet justement la naissance d’un nouveau point de vue, le point de vue de l’observateur. Comme dans le documentaire il permet, à partir du centre, sans juger quoi que ce soit, au spectateur de s’installer et de prendre son regard.

    Les spectateurs ne jugent-il pas plus sévèrement Mao que vous ne le faites ?

    Si, mais ça n’est pas tout le temps le cas, ça dépend de la manière dont ils sont installés. Il y a beaucoup de personnes, même si elles arrivent à se débarrasser des préjugés, qui continuent à en être encombrées.

    Avez-vous confiance pour la suite ?

    Je ne sais pas si on va arriver à produire un nouveau film mais en tout cas on a confiance en notre cinéma. On sait qu’on n’a pas besoin d’avoir des millions de dollars pour pouvoir accéder à toute la palette extrêmement étendue qu’est le cinéma.

    Quand on refuse votre projet, que vous reproche-t-on ?

    On nous a parlé d’ambiguïté, ça nous a fait beaucoup rire. Le cinéma qu’on fait ne joue pas une idéologie contre une autre, un personnage contre un autre, il n’a pas de discours. Le seul discours qu’il a c’est son cinéma. L’ambiguïté c’est quand même quelque chose qui nous appartient, et si on a réussi à faire un film ambigu je trouve que c’est quand même aussi un compliment.

    Propos recueillis le 21 octobre 2008 à Montreuil par Marion Pasquier.

    Un grand merci à Tony Arnoux et à Sarrazink Production pour leur accueil.


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