• FAIRPLAY DE CHLOE DOMONTDouble scalpel

    Sorti sur Netflix début octobre, le film Fairplay de Chloe Domont dissèque implacablement les violences sexistes ordinaires et l’inénarrable férocité du monde de la finance.


    Projeté en avant-première au Festival de Sundance, ce thriller psychologique commence comme une banale histoire d’amour newyorkaise pour se muer, subrepticement, en un implacable réquisitoire féministe.

    Un couple très amoureux et harmonieux, Emily (Phoebe Dynevor) et Luke (Alden Ehrenreich) travaillent dans un fonds spéculatif au cœur de la jungle de Wall Street.

    Dans cette boîte, les relations intimes entre employés sont strictement interdites et les deux protagonistes doivent donc cacher la leur au risque de se faire virer. Alors que Luke s’attend à une promotion imminente, c’est Emily qui monte en grade et devient sa responsable hiérarchique.


    S’ensuit alors un crescendo lancinant de jalousie et de sabotage car Luke supporte mal que sa compagne grimpe les échelons alors qu’il s’estime, lui, plus méritant. Or, le spectateur voit bien qu’Emily, d’une intelligence vive et intuitive, est largement supérieure à son amoureux sur le plan professionnel.

    Qu’importe : au-delà de la rivalité féroce entre collègues, ce qui se joue ici c’est l’illusion de la surpuissance phallique au sein d’un couple aux apparences modernes et égalitaires.


    Alors que la femme tente par tous les moyens d’aider son fiancé et de ne pas lui faire sentir leur différence hiérarchique, ce dernier redouble les sabotages autant émotionnels que psychologiques, allant même jusqu’à brandir la sempiternelle accusation de «la promotion canapé» contre Emily.


    Ce premier long-métrage indépendant de Chloe Domont, acheté à 20 millions de dollars par Netflix, s’engouffre dans les mécaniques de domination au sein du couple, mettant en lumière les violences les plus imperceptibles, où le moindre sentiment d’une menace contre la virilité de l’homme peut entraîner les pires exactions, sournoises certes mais destructrices.

    La réalisatrice dépouille avec brio les rapports de force en amenant de manière fluide mais tendue les éléments de plus en plus anxiogènes d’une masculinité vénéneuse.

    Elle réussit, en parallèle, à dépeindre l’extrême violence du monde de la finance où l’humain est réduit à un statut d’esclave dont la survie dépend de ses seules performances toujours plus pénibles à atteindre mais aussi de sa capacité à écraser ses semblables.


    Pertinent et percutant, Fairplay a le mérite de dévoiler la persistance, voire la recrudescence, des violences au sein du couple, d’autant plus destructrices qu’elles sont polymorphes et intériorisées.

    Des violences qui prennent du relief dans un monde où les maigres conquêtes des femmes semblent plus que jamais provoquer des ripostes déloyales et toxiques.
    S. H.

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