• Cinéma arabe : nouvelle vague, nouvelles craintes

    Cinéma arabe : nouvelle vague, nouvelles craintes

    Taille du texte normaleAgrandir la taille du texte

    le 20.09.13 | 10h00 Réagissez

     

    De C’est dans la boîte de l’Algérien Djamil Beloucif à Die Welt du Tunisien Alex Pitstra, état des lieux non exhaustif des œuvres importantes de cette septième édition du Festival international du film d’Oran.

    Le 7e Festival d’Oran du film arabe (FOFA) aura lieu du 23 au 30 septembre. Il aura pour thème «La nouvelle vague du cinéma arabe». La compétition officielle sera marquée par la participation de 14 longs métrages, 18 courts métrages et 6 documentaires.
    So young a peace (Une si jeune paix) de Jacques Charby sera le film d’ouverture du festival. Réalisé en 1964 par un militant anticolonialiste, So young a peace, qui est considéré comme le premier long métrage algérien,  aborde la question de l’enfance dans l’après-guerre avec des acteurs qui n’ont pas eu une longue carrière dans le cinéma tels que Fawzi Djeffel ou Mustapha Zerrouki.

    En compétition officielle, et dans la section longs métrages, l’Algérie sera représentée par C’est dans la boîte de Djamel Beloucif (coproduit avec la Suisse et la France) et par Jours de cendres premier long métrage de Amar Si Fodil (avec Lamia Boussekine et Youcef Sahaïri dans les rôles principaux). La Tunisie sera présente avec Jeudi après-midi une comédie sociale de Mohamed Damak et par Die Welt de Alex Pitstra. Ce dernier, 34 ans, est un cinéaste tunisien établi aux Pays-Bas.

    Les mécréants (Al maghdhoub alayhoum), de Mohcen Besri, représente le Maroc. Un film actuel sur le rapport, inévitablement conflictuel,  entre l’art, la liberté et l’extrémisme religieux. La Syrie ne sera pas absente à Oran puisque Maryam, le dernière fiction de Basil Al Khatib dans laquelle il raconte l’histoire contemporaine de la Syrie à travers le regard de trois femmes, sera en compétition. Basil Al Khatib revient avec ce drame social au grand écran après douze ans passés à réaliser des feuilletons télévisés. Quand Monaliza a souri du jeune Fadi Haddad défendra les couleurs de la Jordanie au FOFA. La fraîcheur du septième jordanien est présente dans cette fiction comme dans la plupart des films réalisés ces cinq dernières années. Autre production jordanienne, Ala madi al basar de Aseel Mansour, cinéaste d’origine palestinienne.

    Le film est marqué par la présence par l’actrice Nadia Odeh, une valeur sûre du cinéma arabe.  Autre jeune cinéaste : Sameer Arif participera à la compétition officielle avec Sada (Echo). Sameer Arif est surtout connu par les productions télévisées et les séries. Le Koweït sera en course avec Scénario, film écrit et réalisé par Tariq Al Zamel. Il y a lieu de noter aussi la présence du film libanais Asfouri de Fouad Alaywan et des films  égyptiens Asham de Maggie Morgan et Harag w’Marag de Nadine Khan (un film à suivre de près). Nawaf Al Jinahi, le plus connu des jeunes cinéastes des Emirats arabes unis, sera aussi au FOFA à travers son deuxième long métrage, Dhilou Al Bahr (Sea Shadow), une histoire sur les pesanteurs sociales dans un quartier à Ras Al Kheïma.

    Le jury long métrage sera présidé par le cinéaste algérien Ahmed Rachedi. Le réalisateur tunisien Ridha Béhi dirige le jury du court métrage. L’Algérie sera en compétition courts métrages avec Gandoura blanche  de Akram Zaghba, Les jours d’avant de Karim Moussaoui, Square Port-Saïd de Faouzi Boudjemaï et Iminig de Embarek Menad. Le jury documentaire, qui sera présidé par le critique Nabil Hadji, aura à statuer sur certaines productions de qualité variable tels que A world not ours du Libano-Palestinien Mahdi Fleifel, Mitrane min hada al tourab du Palestinien Ahmed Natche, Erki de l’Egyptien Wail Gzoly et Chantier A des Algériens Tarek Sami et Karim Loualiche. Le FOFA 2013 sera marqué par la création du Prix Presse. Ziad Saleh présidera le jury chargé d’attribuer cette distinction. Hommage sera rendu à l’actrice égyptienne Leila Tahar, le comédien syrien Asaad Fedha et le cinéaste algérien Ahmed Rachedi.
     

    Sélection Long-métrage : c’est dans la boîte, de Djamil Beloucif

     

    C’est une surprise et non des moindres. Djamil Beloucif au Festival d’Oran du film arabe. Pourquoi insister sur cette nouvelle ? Car Beloucif fait partie de cette génération souvent mise à l’écart de la médiatisation algérienne (Lamine Ammar Khodja, Mohamed Lakhdar Tati, Hassen Ferhani, Nazim Djemaï, Yanis Koussim, Omar Belkacemi, Amal Kateb, Sami Tarik & Lucie Dèche, Damien Ounouri, Farid Bentoumi, Nabil Djedouani, Karim Moussaoui, faut prendre le temps de les nommer, car la contemporanéité du cinéma algérien, c’est eux !). Après  Djouu  et  Bir d’eau, Beloucif revient avec un troisième film, toujours indéfinissable et intrigant. L’auteur : « Ce film est né dans des conditions bizarroïdes. Je venais de me séparer coup sur coup de deux êtres chers et mes boussoles se sont déréglées. Quelque chose subsistait pourtant de ce dérèglement : faire un film, mais un film où mes blessures, encore fraîches, seraient invisibles ou plutôt le seraient l’air de rien. L’air de rien, ce film ne parle donc que d’une seule chose : la séparation. Que reste-il après la séparation de ce (ux) qu’on aime et comment se redéfinir ? Pour le reste, sa faisabilité, je me suis arrangé pour faire ‘‘l’air de rien’’. Un film l’air de rien documentaire, un film l’air de rien fiction, un film l’air de rien qui dit et montre pourtant beaucoup. Un film où l’identité n’est pas un territoire mais une relation dans tous les sens du terme y compris une relation au territoire (mais pas que).

     

    Die Welt, de Karim-Alexander Pitstra (Alex Pitstra)

     


    Celui qui réussira à me raconter le film dans ses moindres détails est une personne (trop) rationnelle. Il faut effectivement se laisser emporter par le flux et le reflux des images, envoyées comme on jette des orties, avec violence. Mais ce schéma n’indiffère pas, il rend le spectateur aussi curieux qu’intrigué et très vite, il plonge dans ce maelstrom de sentiments où le synopsis repose sur quelques mots : «La révolution, et puis quoi ? Abdallah hésite : rester chez lui en Tunisie ou fuir vers Europe ?» Qui est Karim-Alexander Pitstra ? Un hollandais, fils d’un immigré tunisien,  né en 1979, auteur de clips dans un premier temps puis caméraman pour quelques films du coin. Les origines remontent, la Révolution du jasmin est omniprésente et la question cruciale arrive comme dans un cheveu sur la soupe : «Comment moi, d’origine tunisienne, né et vivant ailleurs, puis-je m’inscrire dans cette histoire ? » La réponse, il ne la trouvera jamais. Dépouillé, sans concession, ce « faux » thriller parfois bancal peut créer la surprise.

     

    sélection documentaire : chantier A, de Sami Tarik et Lucie Dèche

     

    Belle surprise aux dernières Rencontres cinématographiques de Béjaïa, cet « ofni » (objet filmique non dentifié) ne ressemble à rien de vu depuis une décennie dans la production algérienne, excepté peut-être avec le cinéma de Teguia. Le Pitch ? Aucun et ce n’est pas tant l’importance dans ce film de 120 minutes où le documentaire prend ses racines dans cet « Ailleurs », mystérieux, curieux, sensuel et où les langues se délient, où le sable devient un élément de mise en s(cène), et où le temps ne connaît plus de limite.

    Dès le début, au détour d’un enterrement filmé à « l’arrache », de cet homme arrivant dans son village, retrouvant sa famille, dès ce dispositif entretenu, les deux jeunes auteurs, Sami Tarik et Lucie Dèche, placardent le spectateur contre le mur et lui font voir autre chose. Une rupture dans le récit (le film, au bout de 20 minutes, s’évade), dans la gestuelle des acteurs (quelques moments de fiction), dans le hasard du cinéma (des séquences tout entières sont d’une telle fragilité qu’elles donnent l’impression que le film peut s’arrêter à tout moment), et au final, les sentiers de la perdition pointent le bout de leur nez.

     

    Sélection court-métrage : les Jours d’avant, de Karim Moussaoui

     

    Ils sont deux. Djaber et Yamina. Ils ne se connaissent pas. Pas encore. Une cité les entoure. Nous sommes en 1994 et l’Algérie, lieu du film, traverse sa plus grande crise historique depuis la révolution. En quarante minutes, en l’espace de plans amples, de travellings, de non-dits parfois, « Les Jours d’avant » réussit le tour de force de raconter une amourette ou quelque chose qui s’en rapproche, tout en conservant, sans l’alourdir, le décor de l’histoire. Moussaoui, qui revient après une longue pause (souvenez-vous de Petit déjeuner ou Ce que l’on doit faire, beaux courts précis et radicaux), pose les jalons d’un classicisme au sens où l’élégance de ses plans créent une tension progressive. Et là où le film devient une tragédie, c’est dans cette manière, simple (fallait pour autant y penser…), de couper la poire en deux, de créer un binôme dans le récit, pointant sa caméra d’une part vers Djaber puis d’autre part, l’orientant vers Yamina. Deux personnages, deux sons de cloche, deux situations totalement antinomiques, et qui finalement présentent la même conclusion : des lendemains pluvieux…

     

    Square Port-Saïd, de Faouzi Boudjemaï

     

    Déjà vu ailleurs (Béjaïa, Mostaganem, Youtube), ce sera cette fois-ci Oran qui accueillera ce film réalisé dans le cadre du workshop «Trans-Maghreb », projet initié par la vidéaste et artiste Katia Kamelli. De quoi parle  Square Port-Saïd,  film réalisé en 2011 ? Une journée, un bus, et trois personnages. Une jeune femme, sa sœur et un jeune inconnu sans le sou. Elle décide de lui payer son billet. S’ensuit un jeu de regard et une complicité ludique entre le jeune homme et la petite fille. Quelque chose se crée entre la femme et l’homme. L’issue sera belle et hasardeuse à la fois. Le récit peut sembler naïf, et il l’est. Sans être un chef-d’œuvre, Square Port-Saïd tire sa force d’une fluidité dans la mise en scène. La caméra semble valser autour de ses personnages. Parfois elle se fige grossièrement sur des détails, c’est la partie la plus faible, mais le film est beau car jamais dans la compassion. La vie, semble dire Boudjemaï, est un mets qui n’agrée que par la sauce. Et c’est toute la qualité d’un film dont la mise en scène réussit à éviter astucieusement le symbolisme. Enfin du cinéma !

     

    Fayçal Métaoui
    « Les Français d?Algérie de Pierre Nora : le retour du refoulé algérien (2La composition et la règle des tiers »
    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :


Your Website Title
How to Share With Just Friends

How to share with just friends.