• XAVIER DE LAUZANNE, RÉALISATEUR FRANÇAIS, À L'EXPRESSION "Le rôle de l'éducation scolaire dans l'int

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    XAVIER DE LAUZANNE, RÉALISATEUR FRANÇAIS, À L'EXPRESSION

    "Le rôle de l'éducation scolaire dans l'intégration"

     

    XAVIER DE LAUZANNE, RÉALISATEUR FRANÇAIS, À L'EXPRESSION

    "Le rôle de l'éducation scolaire dans l'intégration"Taille du texte : Decrease font Enlarge font

     

    En France, l'école a pour obligation d'accueillir tous les mineurs de moins de 16 ans, français ou étrangers, en situation légale ou non. Pour de nombreux adolescents migrants, ballottés d'un continent à l'autre, elle incarne un espoir de stabilisation et d'intégration. Le réalisateur Xavier de Lauzanne a posé sa caméra sur les bancs de l'école où Aboubacar, Dalel, Hamza, Thierno et Tako font leurs premières armes...Mais la réalité est souvent semée d'embûches. Réussit-on pour autant et à quel prix? Enfants valises est le titre de ce formidable documentaire distribué actuellement en France grâce à Aloest Distribution-cinéma. Un film qui mérite le déplacement, au regard de l'actualité brûlante aussi qui secoue en ce moment la France en entachant son système politique avec l'expulsion d'enfants scolarisés...

    L'Expression: Ce n'est pas Entre les murs, ni L'esquive, votre film donne la part belle aux professeurs, ce qui est tout à fait à leur mérite. Alors qu'en France on critique souvent le système éducatif, vous faites, du coup, un film qui redore un peu le blason de ces professeurs qui sont remarquables dans votre oeuvre..
    Xavier de Lauzanne:
     Oui, car on n'est pas dans le jugement. En fait, dans tout le documentaire, que ce soit à propos des élèves ou des enseignants, on n'est pas dans le jugement. Ça laisse aux spectateurs beaucoup de liberté pour justement voir de quelle manière l'enseignant s'accomplit et les élèves s'accomplissent de leur côté. Evidemment, il y a beaucoup de critiques sur le système scolaire et éducatif, des remises en cause qui sont en même temps nécessaires, mais ça ne doit pas retirer le fait que l'éducation a un rôle bien évidemment primordial dans l'épanouissement d'une personne et dans le cas de l'immigration, ces jeunes-là qui viennent d'arriver sur le territoire français, quel est le premier visage français qu'ils voient? C'est leur enseignant. La place de l'enseignant est donc très importante. Ce qui m'intéressait de voir était la place de l'éducation dans le processus de l'intégration. On voit évidemment que c'est absolument essentiel et que l'enseignant a un rôle primordial, car c'est lui qui va être souvent le premier élément de stabilité pour ces jeunes-là qui vivent des situations assez rocambolesques.

    Justement, c'est vrai que même si les professeurs paraissent très chaleureux et humains, le système éducatif est très présent avec ses failles. Il y a cette séquence où la prof parle de laïcité avec une de ses élèves et lui demande d'enlever son voile. Aujourd'hui, en France, il y a toujours ce débat-là autour du voile, y compris via cette loi contre son port à l'université. Ça vous interpelle? Ça provoque quoi en vous?
    Le voile? Honnêtement rien. Je m'en fiche. Franchement, on fait généralement grand cas de petites choses et très honnêtement pour moi, le voile c'est une petite chose. Car il y a à côté de ça, plein de choses extraordinaires qui se passent. Vous avez quelques personnes qui refusent de l'enlever et ça fait la une de l'actualité. Alors que vous avez des tas d'élèves qui comprennent ce discours sur la laïcité, qui fait partie des valeurs françaises et qui l'acceptent. Et puis quand on vit en France et on veut devenir Français, eh bien, on l'accepte la loi française et la majeure partie des gens originaires de l'étranger l'acceptent. Vous me demandez ce que cela provoque en moi, eh bien rien, car je m'en fiche puisque cela concerne une minorité. Enfin, une minorité qu'on rend visible. Malheureusement. Et donc après on en parle et ça fait beaucoup de bruit.

    Votre film fait écho indirectement à ce qui se passe en France, notamment ce fléau qu'est l'islamophobie dont on parle aussi beaucoup, ainsi que le racisme. Ce qui m'a frappé surtout est de voir ces vieilles femmes qui se disent juives et qui viennent témoigner dans cette classe de leurs souffrances subies lors de la shoa en les comparant aux problèmes de racisme que vivent ces enfants. N'est-ce pas un peu tiré par les cheveux, incomparable même car ça remet encore une fois sur le tapis cet éternel sentiment de victimisation des juifs qui tendent à faire attendrir les autres sur leur passé? Sous-entendez-vous donc que le gros problème de racisme dont souffrent ces enfants est comparable aux souffrances des juifs?
    C'est un groupe de personnes âgées qui sont venues témoigner dans la classe. Elles parlent justement du rapport à la différence et de l'acceptation de la différence voilà. Chacun parle en son nom. La personne juive qui a souffert de cette question-là regarde l'autre, elle en parle en tant que juive, mais elle ne doit pas bien l'avoir évidemment perçue comme une généralité. La comparaison s'arrête là. Il s'agit juste de souffrir du regard de l'autre. Souffrir d'une méconnaissance de l'autre sur soi-même et c'est de ça que ces personnes voulaient parler. La question de l'islamophobie en France, encore une fois, je la trouve terrible, car combien de fois on parle d'islamophobie et combien de fois on parle d'entreprises d'initiatives qui sont faites pour la coexistence. Eh bien la coexistence en marche qui marche, on n'en parle jamais dans les médias. Par contre, de l'islamophobie on en parle. Eh bien, c'est pareil. Cela concerne une minorité de la population. Alors que l'acceptation de la coexistence, ça concerne la majorité de la population et ça c'est le problème de la médiation qu'on rencontre. C'est quelle est l'image que les médias nous renvoient? C'est une image portée sur la polémique. Pourquoi? Parce que la polémique fonctionne, fait vendre, amène du fric, de l'argent. Donc, on cultive cette polémique. Mais à force de la cultiver on crée l'image d'un monde insupportable, qui ne correspond pas à la réalité de ce monde-là. Ce qui me fait plaisir en faisant des films comme ça, c'est qu'on parle d'un monde qui est quand même le monde de tous les jours, qui existe, qui n'est pas un monde de conflits et de polémiques et qui est un monde de gens qui essayent d'avancer dans la vie, de se construire et pour lequel on essaie de construire des outils et que l'on intègre. En France, mine de rien, comme le film le dit au début, il y a quand même une loi qui précise que tout mineur entre 6 et 16 ans est obligatoirement accueilli par l'éducation nationale, qu'il soit homme ou femme, sans papier ou en situation légale. N'importe qui pose son pied sur le territoire français et qui est mineur est accueilli dans les structures de l'éducation nationale. C'est une belle loi. A mettre en oeuvre ce n'est pas forcément évident.

    Comment sont dirigés ces enfants vers ces classes spéciales qui n'existent apparemment quasiment plus, depuis que vous avez tourné votre film il y a quatre ans?
    Les dispositifs existent. C'est la forme du dispositif qui change à chaque fois. Qui s'adapte à la question des moyens et de la demande. Cela existe toujours, bien évidemment.

    Pourquoi ces jeunes sont toujours dirigés vers des diplômes professionnels?
    Ils ne sont pas toujours orientés vers des diplômes professionnels, mais comme ce sont des jeunes qui reviennent souvent en France, qui n'ont pas vraiment un bon niveau scolaire, ils sont orientés vers ces classes, sinon certains sont scolarisés en France puis partent un an au pays et quand ils reviennent ensuite et gardent un niveau tout à fait correct, dans ce cas, ils restent dans les voies normales.

    Sur les cinq dont certains étaient en total échec scolaire, je n'ai pas entendu un qui a dit qu'il a été à la fac.. Je parle de la fin de leur cursus quand vous retournez les filmer 4 ans après.
    Eh bien oui. Déjà c'était des jeunes qui avaient un niveau en dessous du niveau normal à cet âge-là. Ils avaient au départ entre 13 et 15 ans. Ils avaient un niveau scolaire qui était bien en dessous. Après, il faut rattraper ce niveau. Vous ne pouvez pas demander à un élève qui a un niveau complètement en dessous de rattraper tout ça en deux ans ou voire d'un an pour rentrer à l'universalité. Ils sont en retard par rapport à d'autres enfants de leur âge, c'est pour cela qu'ils sont dans ces classes là. S'ils avaient le même niveau, ils iraient dans les classes normales. Les aider, c'est les orienter après vers des voies professionnelles où ils pourront s'accomplir, plutôt que de rester dans une voie où ils seront en situation d'échec en permanence et seront les derniers de la classe...

    Comment s'est fait le choix de ces enfants? Pourriez-vous nous les rappeler?
    Oui, il y a Aboubacar qui est Ivoirien. Il a été scolarisé en Côte d'Ivoire, a vécu de plein fouet les violences et la guerre là-bas et a rejoint son frère en France, il y a Tierno qui est Français, mais qui a été renvoyé au pays pendant plusieurs années. Il est d'origine guinéenne et sénégalaise. Il y a Dalal qui est Algérienne et qui venait d'arriver en France chez sa mère et ses deux soeurs et puis il y a Taco qui a perdu son père et qui est arrivé en France chez sa mère en opérant plusieurs allers-retours. Il y a aussi le Tunisien Hamza qui est venu tout seul en France et qui était mineur isolé. Ce qui m'a intéressé chez ces enfants c'est un mélange de plusieurs choses. Déjà l'émotion qu'ils renvoient. Des choses de l'ordre du sensoriel que l'on perçoit, en plus ils avaient chacun des parcours différents. Donc ça pouvait être une complémentarité entre les uns et les autres.

    Vous suivez ces jeunes pendant un an et puis vous ressentez le besoin de savoir ce qu'ils sont devenus des années plus tard pour boucler la boucle? Pourquoi cette volonté de vouloir revenir plus tard sur leurs traces?
    Ce n'est pas revenir, mais au contraire aller de l'avant. Effectivement, je termine le film sur un spectacle qu'ils ont donné à la fin de l'année et qui permet un peu de mesurer la progression qu'ils ont pu faire au courant de l'année et après je trouvais cela intéressant de finir le film sur une perspective d'avenir parce qu'il ne s'agit pas d'observer une classe pendant une année, mais de connaître quel avenir pour ces jeunes-là. Je trouvais intéressant d'ouvrir le film au lieu de le terminer sur quelque chose de bouclé, et ce, en les retrouvant quelques années plus tard et voir un peu quel parcours ils avaient pu faire et observer ceux qui ont l'air de se frayer un chemin de manière assez franche et ceux qui vont mettre plus de temps, car ils ont une situation un peu plus compliquée. J'ai attendu aussi 4 ans, car c'est à la fois un problème de production et un choix. Je n'avais pas de diffusion prévue, ni de télé avec moi et donc de financement. Je travaille par ailleurs sur d'autres projets. Le montage m'a pris beaucoup de temps. Sachant que du coup, le film allait mettre du temps pour se terminer, je me suis dit autant le tourner en positif et en profiter pour justement faire une fin ouverte et voir ce que sont devenus ces jeunes-là.

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