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    Tahar Houchi, cinéaste : «Le cinéma algérien n’a jamais vraiment décollé»

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    le 08.12.13 | 10h00

    | © D. R.
     

     

    «Contrairement au cinéma iranien qui s’est libéré petit à petit du joug du  pouvoir, pour le cinéma algérien la crise des  années 1990
    l’a  achevé».

    Tahar Houchi est journaliste, critique, scénariste, réalisateur et directeur artistique algérien. Installé à Genève (Suisse) depuis plusieurs années, il a sillonné les  festivals et accompagné les rares  films  du  cinéma  algérien  moribond  durant  la  décennie  noire. Il a couvert Cannes,  Venise et Berlin pour des journaux  algériens, notamment Liberté, suisses  et luxembourgeois. Il a effectué des stages de réalisation en Suisse et à  Londres. Cela l’a amené à fonder et à diriger le Festival du film oriental de Genève qui prépare sa 9e édition. Dans ce cadre,  il a  organisé et dirigé  plusieurs ateliers de réalisation et de  critique en Algérie et au Maroc.  Après avoir fait le tour du métier, il a décidé  de faire l’expérience de la réalisation. «J’ai écrit 3 cours sur l’enfance. Une trilogie. J’ai réalisé Yidir en 2012,  Koceila que je viens de terminer et le dernier qui sera tourné l’an prochain en Kabylie.»

    Questionné sur la situation actuelle du cinéma en Algérie, il dira : «Contrairement à ce que l’on croit, le cinéma algérien n’a jamais vraiment décollé. Mis à  part quelques exceptions, nous avons eu droit à un cinéma de propagande sans grande  originalité. Il faut par ailleurs lui reconnaître son prolongement thérapeutique. Le peuple s’est soigné avec les films de guerre, mais en même temps ils l’ont enfoncé et fixé dans une  vision passéiste. Il  y avait absence de  projection  d’avenir et  d’ouverture sur le monde». Et d’ajouter : «Contrairement au cinéma iranien qui s’est libéré petit à petit du joug du  pouvoir, pour le cinéma algérien la crise des  années  1990 l’a  achevé. Il faut dire  aussi que le système ne se prête pas à l’éclosion d’un mouvement avant-gardiste. Que pouvons-nous attendre de la part de réalisateurs
    fonctionnaires ? Il est inadmissible que nos acteurs et actrices se retrouvent sans pension. Bref, le terrain n’était pas propice à la fertilité et à la créativité. On a presque réalisé le même film sur la Révolution. Ce qui est malheureux, c’est  que l’on continue à produire le même.»

    M. Houchi estime que le cinéma algérien, tout comme ses voisins marocain et tunisien, se retrouve inféodé au système. «On fait des films, on les montre un peu dans les festivals et on les enterre dans des magasins coûteux. Fort heureusement, quelques réalisateurs se  sont libérés de ces chaînes pour nous offrir quelques bijoux cités dans  toutes les cinémathèques et festivals du monde comme des références classiques». Les ingrédients d’un film à grand succès ? Pour Tahar Houchi, il  faut  séparer  deux  choses :  le  bon  et  succès.  «Pour  le deuxième, les gens  aiment les films qui parlent d’eux,  prend en charge leurs problèmes, des personnages auxquels ils s’identifient. Plus le film est universel, humain et touchant, plus ses chances d’emporter l’adhésion populaire sont grandes».

    Pour étayer son argumentaire, notre confrère souligne : «Quand Walt  Disney a décidé de faire Blanche-Neige, tout le monde le prenait pour un fou. Mais la magnifique réaction du public lui a donné raison. Un bon film ne plaît pas forcément au public. C’est celui qui cherche l’originalité,  la créativité, l’innovation, l’esthétique... Mais ni l’un ni l’autre ne peut  se faire sans maîtrise parfaite du langage cinématographique. On peut comparer cela à la langue. Tout  le monde possède les mêmes mots, ce trésor commun, pour ainsi paraphraser Ferdinand de Saussure. Mais  seuls  Baudelaire, Verlaine, Victor Hugo et leurs semblables peuvent  nous émouvoir avec leur composition lyrique  ou  prosaïque».

    Autre manque dommageable pour le cinéma algérien,  complète M. Houchi,  c’est le manque  de critiques spécialisés. «Contrairement à nos voisins, et qui ne sont  pas d’ailleurs au top des normes  internationales faute de formation, le discours critique est totalement absent. Alors, on assiste à  des piges qui ressemblent au mieux à des chroniques historiques, au pire  aux causeries du lundi. Pourtant, les  bases ont été jetées avant. Il existait des revues de critique.» Et de conclure : «Le discours critique pour le cinéma est ce que l’oxygène est pour l’être humain. Il faut que les festivals algériens puissent penser à monter  des ateliers critiques plutôt que de se  contenter d’aligner des films et de distribuer -des prix.»
     

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