• Sofia Djama, réalisatrice algérienne

    26/07/2013

    Sofia Djama, réalisatrice algérienne

    « Les Algériens ont d’abord besoin de voir des films »

    Algérie

    Sofia Djama, réalisatrice algérienne

    Ayant reçu le prix du meilleur court métrage au Festival du Film Africain de Louxor (Égypte) en mars dernier avec le court-métrage Mollement un samedi matin, la réalisatrice algérienneSofia Djama s’exprime pour El Watan sur son parcours professionnel et son court-métrage, en passant par l'état du cinéma en Algérie, le militantisme cinématographique et les politiques culturelles algériennes.

    Sofia Djama a participé à l’édition 2011 du projet Greenhouse, financé par Euromed Audiovisuel, dans le cadre duquel elle a développé le documentaire From Stone to Hard Rock.

    Extraits.

     

    Les Algériens ont-ils besoin de voir des films à connotation militante ?

    Je pense que les Algériens ont d’abord besoin de voir des films. Militant ou pas militant, la question ne se pose pas. Concernant ce type de cinéma qu’on dit "indépendant", la seule présence du public dans une salle est en soi du militantisme. Le réalisateur, je pense, a juste le devoir de raconter une histoire qui le touche ''lui'' d'abord. C’est à mon sens, ce qui doit transparaître. Si on prend pour exemple la France, qui peut prétendre à une légitimité historique concernant le cinéma, puisque il y est né, il y a plus de 200 productions par an qui sortent pour divers type de public. En Algérie, nous devons prétendre à cela, même si on en est loin, vraiment très loin. Au moins à 20 à 40 productions par an, ce serait déjà pas mal du tout.

    Mais encore faut-il que les institutions politiques, les chaînes télé, les guichets de financement (FDATIC ou AARC)  jouent le jeu, par une vraie dynamique de subvention, et de soutien de la chaîne de production, de distribution, de salle de cinéma, d'école de formation (acteur et technicien) mais surtout contribuer à créer un public parce qu'il faut faire venir le public dans les salles obscures. L'équation est simple: Pas de public, pas de cinéma. Donc, il ne sera pas nécessaire de soutenir la production cinématographique et toute la chaîne qu'elle implique : de la formation à la production. C'est carrément à l'école primaire qu'il faut travailler, pour créer le public de demain. Mais au vu de ce qui s'annonce aujourd'hui dans les directions de politique culturelle, je dois admettre que j'y crois très "mollement" pour l'instant.

    Le public algérien a-t-il besoin d’un contenu local ?

    Je ne pense pas qu’il ait besoin d’un contenu local. Je pense qu'il a besoin de contenu tout simplement et quel qu’il soit, et non pas de vide ou des programmes lobotomisant qu'on nous sert régulièrement. Le public algérien a besoin de sentir qu'on ne le prend pas pour un demeuré ou un mineur à qui on impose ce qui est bon ou pas pour lui. Il a besoin de choisir et de voir ce qu’il va aimer ou détester, ce qui va le pousser dans ses retranchements intellectuels, ce qui va le toucher, l'émouvoir, le mettre en colère, le bouleverser, le faire rire, le faire pleurer... Voilà ce dont a besoin le public algérien, comme tout public à travers le monde. Pourquoi le public algérien serait plus différent qu'un autre pays où la vie culturelle est accessible, de qualité, prolixe et variée.

    Je souhaite que demain un réalisateur ou réalisatrice algérien(ne) puisse réaliser des films complètement surréalistes, des films de science fiction, même si dans ce cas figure, les sources de financement puissent jouer le jeu, puisque dans ce genre de films, il faut de gros moyens. Il faudrait encourager tous les genres de cinéma. Je pense par exemple au documentaire, à différencier du reportage, qui doit retrouver ses lettres de noblesse. Le documentaire est un genre de cinéma à part entière qui devrait être encouragé. 

    Pour en revenir à la question des réalisateurs ou scénaristes, il faut juste les laisser faire ce qu'ils aiment et ce qui les touche sans les frustrer, sans qu’ ils en arrivent à l'auto-censure, ainsi qu'à leur donner le confort nécessaire (moral et financier). A partir de là, on aura de beaux films.

    Ailleurs, beaucoup de films sont subventionnés…

    Oui, il existe différents guichets de financement. En France par exemple, à côté de cela, il y a un véritable cinéma indépendant. Ce sont des films réalisés sans l’aide du CNC ou sans l’aide du diffuseur. Mais il y a une réalité, c’est qu’en France, les gens vont au cinéma et ils payent 11 euros pour le ticket d’entrée, excepté les tarifs réduits. Des taxes vont au CNC. Donc, les productions sont largement subventionnées.

    Pour parler de l’Algérie, c’est le flou artistique total. Tu ne peux pas avoir de subventions parce qu’il n’y a pas de salles de cinéma, donc pas de tickets de vente pour récupérer des taxes.

    Peut-il y avoir un vrai mécénat en Algérie pour financer les productions?

    Je pense que ce sera très compliqué, vu que des mécènes ne veulent pas heurter les sensibilités politiques. Il y a des mécènes qui peuvent financer mais ils ne le feront pas pour des calculs politiques. C’est plus une appréhension liée à la relation avec l'Etat qui pourrait faire pression de bien des manières.

    Personnellement, je crois qu’il faut chercher l’argent là où il est. Il y a des guichets de financement en France, aux Emirats. Chez eux, il y au moins des commissions et les conditions d'éligibilité sont clairement affichées, mais elle concerne l'aspect technique du dossier et non pas artistique ou thématique. C’est clair, net, précis et surtout transparent.

    En Algérie, c’est trop compliqué. Ici, je pense à faire appel aux subventions, mais pour compléter le projet. Je ne compte pas entièrement sur la constitution totale du budget du film et ceci à condition qu’on ne m’impose pas de producteur algérien autre que celui avec lequel j'ai choisi moi même de travailler.

    Et que vouliez-vous mettre en relief dans le film Mollement un samedi matin ?

    En fait, Mollement un Samedi Matin raconte les tribulations nocturnes d’une jeune algéro-algéroise qui aurait la vingtaine, au début des années 2000. C'est aussi un film sur cette classe moyenne qui se heurte aux réalités d’une société épuisée, d'une société malade d'elle-même. Le film va peu à peu montrer l'ennui, l'errance des gens, puis cette violence ordinaire que l'on vit quotidiennement et un jeune et séduisant violeur qui a des troubles d’érection. Dans le film, on ne sait pas d’où sort la fille.

    Il y a quelque chose de très violent la nuit à Alger, notamment pour les femmes. Même en plein week-end, personne ou presque ne s'approprie sa ville en pleine nuit.

    J’avais pour postulat de ne pas savoir d’où venait la protagoniste. Je voulais la faire surgir de nulle part, comme un peu cette Algérie, car Myassa devrait incarner ce pays qu'on violente un peu trop souvent.

    La scène du taxi nous rappelle comment il est difficile de se déplacer à Alger. Il faut ajouter à cela la violence que ça peut engendrer pour une femme de prendre un taxi la nuit.

    Le film évoque des gens qui passent leur temps à négocier. Oui c'est ça, c'est un film sur la Négociation. En plus de l'absence du désir, donc du coup tu négocies ta paix, mais quelle paix tu peux avoir quand tu n’as plus de désir. Mayssa l’héroïne négocie avec le chauffeur de taxi, le réceptionniste du commissariat, puis se confronte au commissaire et au plombier, jusqu'à enfin par épuisement ou conviction, prendre une décision quand elle sera à nouveau en face de son jeune et séduisant violeur.

    Du changement depuis la diffusion du film ?

    En tant que personne oui. Je pense que j’ai plus confiance en moi. Je n’ai pas fondamentalement changé. Cela m’a donné de l’élan. C’est simplement la beauté de l'accomplissement d’un rêve, d’autant plus qu’il y a eu reconnaissance.

    Le film a été primé par le festival de Clermont Ferrand, le Cannes du court métrage. Il a reçu le prix de la meilleure première œuvre et le prix de l'ACSE . D’autres prix ont été décernés comme le prix des industries du cinéma lors du festival de Villeurbanne. A Alger, ça a été particulier. C’était important pour moi qu’il puisse être diffusé à Alger et être primé. C'était la cerise sur le gâteau. 

    Des projets ?

    Il y a un eu film documentaire cinématographique en préparation, que j’ai commencé avec Yacine Teguia, qui est un peu en berne en ce moment, car je dois me remettre à l'écriture. Mais il y a surtout une fiction, mon premier long métrage qui se profile et dont Nadia Kaci est l'actrice principale parmi d'autres supers acteurs. Je suis toute excitée de m'y remettre.

     

    Source et photo : El Watan

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