• LE CREATEUR DE COSTUMES Les dix commandements

     

    La Cité des enfants perdus (c) Jean-Paul Gaultier LE CREATEUR DE COSTUMES
    Les dix commandements
    Par Chloé CHAMBARET


    Le costume de cinéma n’est pas une mince affaire, car s’il n’ait de l’inspiration de son créateur, il doit également répondre à l’imagination du metteur en scène, à l’idée que l’acteur se fait du personnage qu’il interprète, et encore satisfaire les préjugés du public. Sans compter la nécessité de s’intégrer harmonieusement aux décors, en espérant que le traitement du négatif choisi par le directeur de la photographie ne dénature pas les couleurs...

    PREMIER COMMANDEMENT
     

      La Guerre des étoiles (c) D.R.
       

    Le costume est fonction du film et de son public. Tout être ayant un QI supérieur à 50, s’il a vu La Guerre des étoiles, aura remarqué que Princesse Léia est toujours vêtue d’une immaculée robe de mousseline blanche, légère et aérienne, alors que Darth Vador se cache derrière son armure rigide de plastique noir. Voilà une créatrice qui n’a pas hésité à enfiler ses gros sabots, allant jusqu’à nous expliquer qui sont les bons et qui sont les méchants ! Mais si le créateur de costume est un stylisticien qui pratique la métonymie du contenant pour le contenu, il peut aussi faire preuve de subtilité. Il peut dévoiler la nationalité, l’âge, la profession ou un trait de caractère du personnage, sans pour autant vous révéler toute sa psychologie. Il n’est pas systématiquement besoin d’en faire des tonnes : une cravate mal nouée nous en dit déjà assez long.


    DEUXIEME COMMANDEMENT
     

    Greta Garbo (c) D.R.  
       

    L’habit ne fait pas le moine si le moine ne veut pas de l’habit. Avant de convaincre le spectateur, le costume doit vaincre l’acteur. Or malheureusement, c’est souvent l’acteur qui doit venir à bout du costume (trop lourd, qui gratte, trop chaud, trop froid, etc). Pour que son interprétation ait des chances d’être bonne, et pour éviter que vous ne preniez la porte, mieux vaut que le costume lui aille, le mette en valeur (même s’il joue un SDF ça peut s’arranger)...et lui plaise ! Si les Greta Garbo ou Gloria Swanson avaient autrefois leur costumier attitré, ce n’était pas uniquement par caprice ! Un conseil : allez donc faire un tour dans la garde-robe perso des acteurs avant de donner libre cours à votre imagination.


    TROISIEME COMMANDEMENT
     

      2001 : L'Odyssée de l'espace (c) D.R.
       

    Ne pas lésiner sur la préparation (3 mois en moyenne). C’est la phrase la plus longue. Pour un film d’époque, une bonne connaissance de l’histoire de l’art est indispensable, et il faudra partir en quête de documents en tous genres. 
    La peinture et le dessin facilitent la tâche quand ils existent, mais vous serez parfois condamné à fouiller les textes et la musique pour débusquer quelques précieux indices. La tapisserie et le mobilier peuvent eux aussi vous éclairer sur le style de tissus (par exemple, le style rococo ou le style Louis XVI).
    Une documentation approfondie et vous éviterez les pires stéréotypes. Je m’explique : on voit toujours les romains habillés de toges, chaussés de sandales. Et en hiver ? Croyez-vous que les soldats de César, quand ils ont franchi les Alpes pour envahir la Gaule, se soient gelés les orteils ? Et la préhistoire ? Qu’est-ce qui prouve que nos ancêtres n’avaient qu’un bikini en peau de bête comme seul appareil ? Ce sont les créateurs de costumes à deux sous qui sont responsables de la désinformation historique du public.
    Il en est de même pour les films futuristes. Si le costume designer a une très grande liberté de création, on note rétrospectivement - quelques dizaines d’années plus tard - que ce qu’il avait imaginé alors ne correspond pas du tout à la réalité (cf Mad Max, 2001 odyssée de l’espace) !

     

     

     

     

     

     

     
    QUATRIEME COMMANDEMENT 

    La Cité des enfants perdus (c) D.R.  
       

    Ce n’est pas parce qu’il y a moins de recherches à faire que les costumes du film contemporain sont plus faciles à créer. Au contraire. Les modes se suivent et ne se ressemblent pas. Aujourd’hui, les costumes des années 70 sont plus à la page que ceux des années 80. Il faut donc au choix être vigilant ou avant-gardiste. C’est pourquoi on dessinera les costumes en fonction d’une tendance générale, en évitant toute stylisation excessive (sauf pour les films fantastiques comme "La cité des enfants perdus", dont les costumes ont été réalisés par Jean-Paul Gaultier). De toute façon, la tendance aujourd’hui est au naturel, au dépouillé. Faire du "sans style particulier", c’est bien là le challenge du créateur de costumes...


    CINQUIEME COMMANDEMENT

    Si tu as le budget, du travail de qualité tu feras. Tu iras chez les artisans faire tisser de l’étoffe à l’ancienne. Des tissus de laine et de soie tu tremperas dans des bains de couleurs, puis tu les effilocheras, et enfin tu les brûleras (un peu) pour les patiner. Les synthétiques tu banniras des films d’époque. Des croquis tu dessineras, et des maquettes en mousseline pour étudier les ombres tu réaliseras. Seulement alors le costume tu commenceras.


    SIXIEME COMMANDEMENT
     

      Cléopatre (c) D.R.
       

    Toujours s’attaquer aux figurants en premier, car leurs costumes nécessitent moins de travail. Seules la taille, la forme et la couleur importent pour que l’ensemble soit harmonieux. En effet, le détail d’un costume est directement proportionnel au métrage de pellicule sur lequel il apparaît, et de fait, les rôles principaux sont le plat de résistance du créateur. Ils demandent non seulement du temps, mais aussi une consultation avec la coiffeuse et la maquilleuse, puis l’accord du metteur en scène. Enfin, ils doivent être créés et réalisés sur mesure.
    Lors des essayages, on entre dans l’intimité physique des acteurs, on les examine sous toutes les coutures, on repère les défauts qu’il faudra masquer… avec diplomatie s’il vous plaît. Aux dires d’Irène Sharaff, Elisabeth Taylor "avait des proportions difficiles...pas de fesses mais de larges hanches... une grosse poitrine avec de petits bras...". Aussi il faut souvent rehausser un acteur face à un autre, le rendre plus costaud (grâce à des prothèses en caoutchouc) pour qu’il puisse allonger une droite au cascadeur, etc.



    SEPTIEME COMMANDEMENT

    Montrer son travail au décorateur avant que ce ne soit lui qui vous montre le sien. Imaginons que vous ayez créé pour la vedette une sublime robe de bal en taffetas bleu-roi. Imaginons que de son côté, le chef-déco ait fait tapisser la salle de bal en... bleu-roi ! A votre avis, qui va devoir tout recommencer ? Pour peu que vous soyez d’accord sur ce qu’est le bleu-roi ou le vert céladon (ce qui n’est déjà pas si évident), se partager l’arc-en-ciel en deux dès le départ permet de ne pas avoir à le faire par la suite...dans de bonnes conditions !
     

     

     

     

     

     

     

     
    HUITIEME COMMANDEMENT

    Le directeur de la photographie peut-être votre meilleur ami...ou votre pire ennemi. A l’époque du noir et blanc, on se donnait un mal fou pour déterminer quelles couleurs et quels tissus rendraient les meilleurs contrastes à l’écran. Et jusque récemment certaines couleurs ou impressions passaient encore très mal. Le créateur de costumes devait alors se soucier de savoir si le cameraman utiliserait de la pellicule panchromatique ou orthochromatique !
    Aujourd’hui, cela n’est plus un problème...mais le directeur de la photo a encore quelques moyens de vous faire suer. 
    S’il décide au dernier moment de faire un gros plan sur l’oreille de la comédienne, le pendant en toc que vous avez déniché au tout-à-dix-francs ne passera pas pour un diam’s. S’il tire son négatif en sépia, le voile de la mariée ne risque plus de ressembler à de la dentelle ancienne. S’il vous promet une lumière à la Jérôme Bosch et finit par vous donner du Picasso, ça va forcément jurer ! 
    En attendant, dormez-tranquilles, les essais filmés sont toujours de mise, car on ne sait jamais à l’avance comment les tissus vont réagir. 




    NEUVIEME COMMANDEMENT


    La Dolce vita (c) D.R.  
       

    Ne jamais laisser quelqu’un d’autre que le réalisateur commenter vos costumes. La raison pour laquelle Gabriella Pescucci refuse de faire des films contemporains, c’est qu’elle ne supporte pas les femmes de metteurs en scène, qui trouvent toujours à redire sur les costumes. D’ailleurs personne ne se prive de donner son avis. Alors que sur un film d’époque, à moins d’être historienne, la femme du réalisateur se la boucle, comme tout le monde. 
    En outre, et en règle générale, les réalisateurs ne s’intéressent pas plus que ça aux costumes. Mais parmi les meilleurs, certains sont des exceptions comme Orson Welles (qui dessinait lui-même quelques costumes), Hitchcock (qui adorait jouer l’habilleur pour ses vedettes...féminines) ou Fellini (pour qui le costume était un élément de décor, tout comme le maquillage).



    DIXIEME COMMANDEMENT

    Accepter les neuf autres. Le métier de costumier n’était pas représenté lors des premières cérémonies des César’. Il ne bénéficie toujours pas d’une carte professionnelle au CNC, de sorte que n’importe qui peut s’improviser créateur de costume. Mais si le métier n’offre pas que des joies, il permet d’assouvir la passion de l’art et du vêtement.

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