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Juste un mot :
Juste un mot : l’homme n’est qu’un homme
(V) Il existe encore de belles leçons
d’amour…
le 08.08.13 | 10h00 Réagissez
Ce petit film yougoslave qui a pour titre Un ouvrier, d’une vingtaine de minutes à peine, nous avait touchés par son message percutant porté par une esthétique sobre et épurée. Aucune sophistication ni trucage, même pas dans la bande son, réduite aux bruits de la vie quotidienne. Le plan d’ouverture du film montre une petite maison aux murs blancs, au toit de tuiles rouges et aux ouvertures — une porte et une fenêtre — de couleur sombre. Cette maison est située au milieu d’un champ. Dans un coin, quelques arbres protègent un potager aux légumes épanouis et colorés.
De temps à autre, une femme, vêtue simplement, sort de la maison. Elle secoue un linge ou une couverture, va chercher de l’eau ou cueillir quelques légumes. Au bout d’un moment, nous remarquons qu’à chacune de ses sorties, elle lève la tête comme pour scruter quelque chose dans le ciel. Etant continuellement braquée sur elle ou sur la maison, la caméra ne nous permet pas de voir ce que regarde cette femme. De plus en plus intrigués par la répétition du mouvement de sa tête, nous sommes pressés de découvrir ce qu’il y a là-haut. Mais le réalisateur n’apporte pas de réponse tout de suite. Nous laissant sur notre faim, il nous invite à suivre la femme à l’intérieur de la maison, très sobrement meublée. Nous entrons dans la cuisine, petite et propre, où la dame s’affaire à préparer un repas.
On la voit empiler soigneusement des récipients dans une boîte métallique munie d’une anse, ustensile si cher aux ouvriers du monde entier. Puis elle prend une corbeille de fruits et dépose le tout dans un panier. Après avoir ôté son tablier et s’être donné un coup de peigne, elle jette un coup d’œil sur l’horloge qui indique midi moins quart. Elle prend alors le panier, sort de la maison et tire la porte.
La caméra, encore braquée sur elle au moment où elle se retourne et lève la tête, la quitte soudainement et, comme pour prolonger son regard, décrit un large mouvement ascendant avant de se fixer enfin sur un homme qui, perché au sommet d’une immense grue, est en train de déposer calmement ses outils. Après un rapide travelling balayant l’énorme chantier alentour, la caméra revient se poser sur la femme qui chemine tranquillement à travers une nature verte et fleurie. Puis de nouveau, elle remonte vers la grue et suit l’homme qui descend lentement.
Les images de l’homme et de la femme, avançant paisiblement l’un vers l’autre, nous sont montrées à plusieurs reprises et à un rythme de plus en plus rapide, qui traduit leur besoin de se retrouver au plus vite. Le montage parallèle, plein de finesse et d’intelligence, rend avec précision les mouvements des personnages. C’est si bien fait qu’on a l’impression d’une danse synchrone exécutée à distance.
Après avoir parcouru chacun la moitié du chemin, nos deux personnages finissent par se rencontrer au pied d’un arbre. Ils se regardent sans dire un mot. La bande son, transmet les bruits de leur environnement. On entend le gazouillis des oiseaux, le murmure du vent, le bruissement des feuillages et, en contraste, par intermittence, une rumeur sourde et confuse provenant de l’immense chantier au loin. Puis nous voyons la femme déplier adroitement une nappe blanche et, aidée par son compagnon, l’étaler sur le sol où tous deux s’assoient. Ensuite, la femme sort le contenu du panier et le dispose en faisant bien attention que tout soit à portée de l’homme.
La nourriture paraît bonne et saine, légumes et fruits égayant la nappe de leurs couleurs. L’atmosphère est empreinte de sérénité. L’homme mange avec appétit et semble avoir beaucoup plus faim que la femme. Le repas se termine par un café tenu au chaud dans un petit thermos. Nos deux personnages se lèvent alors et, ensemble, ils rangent les plats et les couverts puis replient soigneusement la nappe. Avant de se séparer, ils se regardent tendrement, un petit sourire aux lèvres. L’homme lève la main et, avec délicatesse, remet en place une mèche rebelle qui barrait le front de sa compagne. Le film finit ainsi, par ce petit geste si simple, bouleversant de vérité.
Ps : c’est juste et mea culpa, car en effet c’est bien Scorsese qui a réalisé Aviator.
Boudjema.kareche@hotmail.comBoudjemaâ Karèche
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