• .DAMIEN OUNOURI, CINÉASTE, À L'EXPRESSION

    DAMIEN OUNOURI, CINÉASTE, À L'EXPRESSION

    "L'envie de parler de l'Algérie d'aujourd'hui"

    Par 
    Taille du texte : Decrease font Enlarge font

    Il était du 13 au 26 mai dernier au Festival de Cannes où il a eu la chance de prendre part à l'équipe de la Fabrique des cinémas du monde, comme seul représentant algérien. Dans cet entretien, l'auteur du documentaire Fidaï évoque avec nous ses projets et sa conception du cinéma non sans s'adresser directement à la nouvelle ministre de la Culture, Nadia Labidi Chérabi...

    L'Expression: Un mot sur votre présence ici à la Fabrique des cinémas du monde durant le Festival de Cannes.
    Damien Ounouri: On présente un projet de film à la Fabrique des cinémas du monde. C'est un endroit qui fonctionne comme la cinéfondation et là, en l'occurrence, c'est pour les premiers et deuxièmes longs métrages qui sont écrits. Le scénario est fini. On est en période de développement. C'est-à-dire avant le tournage. C'est une façon aussi pour nous de présenter le Festival de Cannes et ses différentes sélections et nous montrer comment fonctionne ce monstre immense et, notamment le marché et faire des tables rondes. Il y a un parrain, c'est le cinéaste brésilien, Walter Salles. On lui présente nos projets. Il lit nos scénarios. Il nous conseille. Ensuite, en fonction des besoins de chacun, on nous organise des rendez-vous en tête-à-tête avec des gens de l'industrie, si on recherche des coproducteurs, des fondations et trouver des financements.

    Mais votre film est produit par une boîte algérienne, rappelons-le, Taj Intaj...
    Oui, le film est algérien. La production est basée sur Alger. Il s'agit de la compagnie Taj Intaj de Adila Bendimerad et Jaber Dabzi qui est avec moi actuellement à Cannes. Apres quoi on va mettre un système de coproduction avec d'autres pays. L'état actuel du cinéma fait qu'on a besoin de trouver de l'argent un peu partout pour arriver à monter nos budgets. Là, le projet est encore à l'état de papier.

    Ce qui m'a étonné, est ce passage du documentaire à la fiction avec ce premier long métrage portant sur un sujet pour le moins surprenant aussi, La Chedda...
    Disons que mon précédent film était un documentaire parce que j'ai la chance que mon oncle soit encore en vie. J' aurai pu en faire une fiction car son histoire est assez romanesque. Donc, c'est quelque part, mon sujet qui a choisi que cela soit un documentaire. Moi, j'aime le cinéma qui est dans un entre-deux. Je ne mets pas forcément de différence entre les deux. C'est selon ce qu'on veut raconter en fait. Si cela peut être plus adapté en documentaire ou plutôt en fiction je choisirais tel ou tel format. Et puis, même dans mon documentaire Fidaï, il y avait des parties plus fictionnelles où on mettait en scène et là, dans ma fiction, il y aura des parties avec un trait documentaire, avec de vrais gens. Des scènes de famille. Ponctuellement, c'est une fiction avec des acteurs. Fidaï est un film sur la révolution et c'était important pour moi d'aborder ce sujet et là, j'ai envie de me reconnecter à l'époque contemporaine de l'Algérie d'aujourd'hui et comme dans Fidaï parler de ma famille...
    Chedda va parler aussi de ma famille. Il s'agira un peu d'observer la famille algérienne. Comment on est simplement et questionner cet état. C'est venu très naturellement. Pendant que j'étais avec mon oncle je posais des questions sur la famille et c'est pour cela qu'on a fait cette histoire-là qui parle d'une femme, mère de famille qui vit dans une maison plutôt traditionnelle avec ses beaux-parents, ses enfants et qui va avoir des envies, des désirs. On verra comment la famille va réagir à ça.

    La ceinture tlemcénienne représente quoi pour vous? Un symbole féminin, mais encore?
    En Algérie, il y a des costumes pour les femmes. De Annaba jusqu'à Tlemcen en passant par Constantine jusqu'à Alger. Moi je suis de Annaba. Mais après, le choix de la chedda tlemcénienne est dû au fait que j'aime beaucoup ce costume. Il y a un côté reine, d'un autre temps. Ce costume pour moi est une façon de parler de la tradition et de la société d'aujourd'hui, mais aussi avec les traditions qu'on a en Algérie et comment en arrive-t-on à marier les deux. Comment les deux arrivent-ils à communiquer. Comment le monde moderne, quand on va dans la rue, arrive-t-il à cohabiter avec nos fêtes où on met ces costumes qui sont d'un autre temps et questionner ce décalage. Je trouve ces costumes très beaux et ça fait partie de notre culture... Dans Fidaï, je voulais questionner notre mémoire et là c'est un peu pareil, connaître ce qui reste de l'ancien temps qui se perpétue et comment on vit avec en Algérie. Est- ce que cela pose problème ou pas? Et voir comment la jeune génération le vit aujourd'hui surtout. C'est un costume très lourd. Avec ces perles en or et cette couronne qui est un symbole de beauté, mais qui pèse beaucoup. Donc il y a cet entre-deux. Il y a quelque chose de cet héritage culturel qui m'interpelle, comment voit-on cela par exemple dans un embouteillage à Alger? Comment, nous les jeunes, vivons-nous la modernité avec la tradition? Comment le lien avec nos parents cohabite-t-il avec nos aspirations de jeunes? Quel héritage on a de soi et comment le vit-on aujourd'hui avec nos envies?

    Vous pensez à des comédiens précis pour votre film?
    Je n'ai pas encore choisi. Pour le moment on se concentre vraiment sur le scénario. J'ai des idées de comédiens, mais cela ne sert à rien tant que le projet n'est pas encore prêt. Et l'importance, c'est vraiment l'écriture. C'est normal qu'on ait envie de tourner quand on a une idée et souvent on se retrouve avec des films qui sont moyens alors qu'ils pourraient être très bons. Et là ça fait presque un an et demi qu'on écrit. C'est presque fini. Maintenant, on est en période de financement. On attend de voir avec la nouvelle ministre de la Culture. On va déposer notre dossier. Personnellement, j'ai beaucoup d'espoir. Nadia Chérabi est une femme qui vient du cinéma, qui le pratique en tant que réalisatrice et productrice. Et j'espère que moi et les autres réalisateurs, je veux dire les trentenaires soient enfin aidés par notre ministère. C'est nous qui voyageons dans les festivals, qui représentons l'Algérie à l'étranger.
    Malheureusement, quasiment aucun n'a été aidé par le Fdatic. A côté de cela, il y a des films avec d'énormes budgets et qui ne nous parlent pas. Et ne sortent même pas en salle. Alors que nos films coûtent cent fois moins cher...

    Vous pensez que votre film parlera donc aux gens?
    Oui, je le pense. Mes personnages principaux ont entre 25 et 35 ans. Le rapport aux parents, au travail, aux traditions, comment vivre, le loisir aussi je pense que ça va leur parler, oui. J'espère que notre ministre va mettre en place une politique du cinéma pour rouvrir les salles, qu'il y aura beaucoup de communication autour aussi, que les gens retournent vers les salles de cinéma et que ça devienne à nouveau un lieu qui n'a pas une mauvaise image. J'espère juste que le cinéma va revenir pendant les prochaines années. A la Fabrique, il y a une dizaine de pays. Hier, je découvrais avec les Vénézuéliens que quand un de leurs films ne marche pas il fait 50.000 rentrées et quand ça marche, il fait un million de rentrées. Et je me dis qu'en Algérie on pourrait faire la même chose, c'est-à-dire un cinéma local qui voyage dans les festivals et qui est vu par les Algériens. C'est cela notre problème. Mon film a été finalement très peu vu en Algérie.
    Heureusement qu'il y a eu les rencontres cinématographiques de Béjaïa, le ciné-club de Chrysalide aussi, mais ce n'est pas assez. Moi j'ai envie de le montrer dans les villages etc. Il faut du temps, une organisation, on se dit on va faire ça nous-mêmes, distribuer nos films mais pendant ce temps-là, on ne fait pas de film. On ne peut pas tout faire.

    Autre chose ou doléance à rajouter à l'adresse de la nouvelle ministre de la Culture?
    Madame la ministre, il nous faut des écoles de cinéma. Il faut former des techniciens. Il faut une relève, des gens à la production, distribution, des électros, machinos, assistants, chefs opérateurs et ingénieurs du son. C'est embêtant que les chefs de poste soient toujours d'une autre nationalité quand on filme...

    « .LA PHOTOGRAPHIE À DAR ABDELATIFLe cinéma algérien et la guerre de libération d?Adda Chentouf »
    Partager via Gmail

  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :


Your Website Title
How to Share With Just Friends

How to share with just friends.