MASCARADES - LA CRITIQUE

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Après le César du Meilleur Court Métrage en 2005, le comédien Lyes Salem nous livre son premier long en tant que réalisateur, une wedding comédie truculente sur l’Algérie contemporaine. On ne fera pas la fine bouche.

L’argument : Un village quelque part en Algérie. Orgueilleux et fanfaron, Mounir aspire à être reconnu à sa juste valeur. Son talon d’Achille : tout le monde se moque de sa soeur, Rym, qui s’endort à tout bout de champ. Un soir, alors qu’il rentre soûl de la ville, Mounir annonce sur la place du village qu’un riche homme d’affaires étranger a demandé la main de sa soeur. Du jour au lendemain, il devient l’objet de toutes les convoitises. Aveuglé par son mensonge, Mounir va sans le vouloir changer le destin des siens...

Notre avis : Issu du théâtre, le comédien franco-algérien Lyes Salem nous était, jusqu’à présent, familier pour ses seconds rôles (Banlieue 13Filles uniquesDélice Paloma...). Aujourd’hui, après deux courts, dont un césarisé (Cousines, en 2005), il passe avec bonheur à la vitesse supérieure. Mascarades marque ses débuts dans la réalisation de long ; des débuts humbles à travers le genre de la comédie, puisque, dixit le dossier de presse, Salem ne se sentait pas encore prêt à aborder de front les problèmes qui ont secoué dans les années 90 ou secouent encore l’Algérie (terrorisme, montée de l’intégrisme...). Aussi, il concentre tous ses efforts sur les préparatifs quasi burlesques d’un mariage fictif, dans un village poussiéreux de l’arrière-pays. Le personnage qu’il incarne, un drôle de zèbre, qui aurait pu être une figure d’autorité tyrannique détestable dans un contexte autre que celui de l’humour assumé, prétend avoir fiancé sa sœur à un riche Occidental, sans savoir que dans l’ombre, son meilleur pote, l’amoureux légitime, trépigne et tente le tout pour le tout afin de ne pas perdre sa dulcinée.
Sur un ton moqueur vis-à-vis du conformisme des autochtones mâles, le cinéaste utilise l’humour pour dresser un portrait pathétique de ces habitants férus d’Occident qui sont empêtrés dans un désir du paraître et du bling bling, une illusion du bonheur qui leur fait perdre la tête et la notion de la réalité. Le personnage de Mounir, dans son délire de mythomanie, devient soudainement le héros du coin, alors que sa seule réussite se résumerait à l’étranger friqué qu’il aurait trouvé à sa sœur en guise de mari. Le mâle-macho-coq tire profit d’un mensonge minable, sans mérite et sans effort, signe du dévoiement des mentalités, désormais plus enclines à récompenser le clinquant que le travail effectif, symbolisé ici par le vrai soupirant de la sœur à travers son petit vidéo club.
Lyes Salem passe au crible un échantillon de tempéraments hauts en couleur et, de toutes les générations et de tous les genres, semble accorder un plus grand crédit aux anciens et aux femmes que d’aucuns aiment à considérer comme secondaires. Si ce portrait algérien nourrit en sous-texte un point de vue sociologique fort, sans misérabilisme et apitoiement aucun, il donne l’occasion au cinéaste de livrer un pur divertissement du Maghreb, aux allures de vaudeville ensoleillé. L’intrigue est rythmée, animée par de vraies personnalités, aussi bien attachantes que ridicules ; elle évolue inéluctablement vers un final optimiste et chaleureux qui installe un peu plus la comédie algérienne, après Délice Paloma en 2007, dans la cinématographie incontournable du moment.

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© Haut et Court
 
Frédéric Mignard
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