LA TRAVERSÉE - LA CRITIQUE

Entre deux rives

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Cette série de témoignages confirme les liens indéfectibles qui unissent la France et l’Algérie par-delà les frontières. Intéressant, mais un peu trop court pour marquer les esprits.

L’argument : Chaque été, ils sont nombreux à transiter par la mer entre la France et l’Algérie, entre Marseille et Alger. Des voitures chargées jusqu’au capot… des paquetages de toutes sortes… des hommes chargés de sacs et d’histoires. En mer, nous ne sommes plus en France et pas encore en Algérie, et vice-versa. Depuis le huis-clos singulier du bateau, dans le va-et-vient et la parenthèse du voyage, la traversée replace au cœur du passage ces femmes et ces hommes bringuebalés.

Notre avis : Née en Algérie, la réalisatrice Elisabeth Leuvrey est souvent revenue dans son pays natal en effectuant la traversée de la Méditerranée entre Marseille et Alger. De là est venue l’envie de filmer ces gens qui ne cessent de faire le voyage entre une Algérie qui les a vu naître et une France qui leur donne du travail. Un premier montage de ce documentaire de 55 mn a d’abord été présenté avec succès dans de nombreux festivals en 2006. Toutefois, la réalisatrice a voulu compléter son travail en ajoutant un certain nombre de témoignages, étoffant ainsi son propos et permettant d’atteindre la durée standard d’un long-métrage. C’est cette version étendue qui est proposée au public en salles dès le 17 avril 2013, soit près de 7 ans après les premières prises de vues.
Peu importe cet éloignement temporel tant le propos reste d’actualité. Effectivement, la réalisatrice interroge les passagers sur leurs rapports avec l’Algérie et la France. Par souci d’équilibre, elle interroge aussi bien desAlgériens qui travaillent et vivent en France et retournent occasionnellement dans leur pays que les enfants de colons qui sont à la recherche de leurs racines. A chaque témoignage, une vision différente des relations franco-algériennes nous est donnée. Si les plus âgés qui ont vécu le déchirement de la guerre semblent finalement plus apaisés que leurs enfants, on ne peut que ressentir les tensions qui existent entre les deux communautés. Les gens interrogés font pour la plupart montre d’une grande clairvoyance quant aux enjeux. On appréciera notamment la prise de position courageuse de cet Algérien qui estime qu’il est aujourd’hui impossible de vivre en Algérie et qui comprend le ressentiment des Français vis-à-vis de son pays. La réalisatrice n’hésite pas non plus à montrer le décalage entre la jeune génération – acquise aux nouvelles technologies et aux valeurs consuméristes du monde actuel – et son vécu dans une Algérie encore engluée dans ses traditions religieuses ancestrales. Et que dire de ces jeunes beurs de banlieue qui vont découvrir pour la première fois le bled alors qu’ils ne parlent pas un mot d’arabe ?
Avec une qualité d’écoute exceptionnelle, Elisabeth Leuvrey parvient à dresser un portrait assez ciselé d’une génération partagée à jamais entre deux pays et deux visions différentes d’une histoire commune. Le seul regret est finalement de n’avoir pas laissé suffisamment de temps à chaque intervenant pour s’exprimer pleinement. Cela se fait parfois au détriment de la nuance. Si les néophytes pourront découvrir les liens très forts qui unissent la France et l’Algérie, ceux qui le savent déjà risquent bien de ne pas apprendre grand-chose de plus avec ce documentaire poignant et intelligent, mais trop anecdotique de par son postulat de départ.

 
Virgile Dumez
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