Djamel Bensalah .Il était une fois dans l?Oued
BEUR, BLANC, BEUR
réalisé par Djamel Bensalah
Critiques > 18 octobre 2005
À l’image des affiches placardées un peu partout depuis plusieurs semaines, outrageusement et volontairement kitsch, Il était une fois dans l’Oued ne fait pas dans la dentelle. La référence au film de Sergio Leone est claire : nous voici dans la grosse parodie qui fait semblant de ne pas se prendre au sérieux. Il était une fois, donc, au temps des cités et des dealers de shit, un jeune blondinet répondant au doux (et non moins beauf) prénom de Johnny. Nés de parents français jusqu’à la racine des cheveux (et donc racistes), Johnny n’avait qu’un rêve : retrouver son pays d’adoption (l’Algérie) et devenir à son tour algérien. Le retour au bled de ses voisins de palier pour les vacances lui permet de s’embarquer, clandestinement bien sûr, au-delà de la mer, vers la Terre promise...
Depuis Le Ciel, les oiseaux et ta mère ou le récent Camping à la ferme, la comédie-qui-envoie-la-cité-en-province n’est plus un terrain d’exploration inconnu. Djamel Bensalah applique consciencieusement la recette : plans sur les fenêtres inhumaines des HLM (hommage à La Haine), faux accents de « caillera » des jeunes, petites combines d’escalier, déluge d’insultes (« jeunesse de merde », « fils de con »), à côté desquelles la plage algérienne ressemble à Copacabana. Le réalisateur n’oublie pas de faire quelques allusions (réduites quand même) à des problèmes « sérieux », en fait deux vastes blagues, résolubles en deux minutes de film : l’identité ambiguë de l’immigré (qui ne se sent ni français ni algérien) ou le conflit israélo-arabe (qui donne lieu à l’une des meilleures répliques du film : « un pays sans juif est un jugement sans témoin »).
Mais cette montagne de clichés éculés ne parvient jamais à dominer le caractère intrinsèque du film : Il était une fois dans l’Oued est un film sympathique, ou pour être plus précis « sympatoche ». Ni le scénario ni les dialogues ne font preuve d’une verve et d’une malignité transcendantes, et le réalisateur ne va jamais au-delà du film de potes, avec force clins d’œil destinés aux Français d’origine bien plus qu’aux immigrés des cités. Les guest-stars convenues ont bien sûr répondu à l’appel (Éric et Ramzy, décidément incapables de sortir du registre débilitant dans lequel ils se sont enfoncés, et Elie Semoun, oubliable). Mais ce qui frappe surtout, c’est ce décalage bienvenu où l’histoire du Français errant en terrealgérienne donne un bon vieux coup de pied à l’ethnocentrisme franco-français. Dans les boîtes de nuit du Maghreb, les Blancs sont refoulés par les videurs, et les Algériens craignent les « maladies françaises », le SIDA et les hépatites...
Comme la chanson du 113 (Tonton du bled) dont il est inspiré, le film peut se voir comme une tentative pour rendre l’Algérie accessible aux Français. Les massacres, les intégristes et la pauvreté ? Connaît pas. Le scénario place en effet opportunément l’action en 1988, avant la guerre civile. Chez Djamel Bensalah, Alger et ses alentours ont des airs de carte postale, de paradis sur terre. Mais l’idée un peu niaise, selon laquelle beaucoup de problèmes seraient résolus si les Français acceptaient leur part algérienne (comme les Algériens doivent accepter leur part française), part d’une initiative louable, dont il serait malvenu de se moquer.
Djamel Bensalah sait sans doute qu’il a réalisé un film « politiquement correct », qui ne fâchera personne, contentera (presque) tout le monde et tombera très vite dans l’oubli. Mais qui a dit qu’une petite dose de « tout le monde est beau, tout le monde il est gentil » n’était pas de temps à autre salutaire ?
Ophélie Wiel
Images © Gaumont Columbia Tristar Films
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