MARIAGE À L’ALGÉRIENNE

Mascarades

réalisé par Lyès Salem

Critiques > 9 décembre 2008

critique du film Mascarades, réalisé par Lyès Salem

Un premier long-métrage c’est le pari de l’éclosion d’un cinéaste. Mascarades est un heureux événement, enfanté par le scénariste, réalisateur et acteur Lyès Salem. Après deux courts-métrages remarqués, Jean-Farès et Cousines (césar 2005 du meilleur court-métrage), Lyès Salem choisit de tourner cette fable sociale dans le pays qui l’a vu grandir : l’Algérie.

 

Véritable huis clos, Mascarades voit toute son action se concentrer dans un village algérien anonyme, situé entre un nulle part et un ailleurs désertique. Un long mouvement de grue inaugural plante le décor : les Aurès, du sable… et des hommes. Parmi eux, Mounir, chef de famille crâneur et « complexé » qui se présente comme « ingénieur en horticulture » plutôt que jardinier. Marié et père d’un petit garçon, il a pour sœur cadette la belle Rym, une narcoleptique partageant une passion amoureuse avec Khliffa, l’artiste du village. Afin de faire taire les persiflages à propos du handicap de Rym et de s’attirer les convoitises de ses voisins, Mounir brode un tissu de mensonges qui se transforme bientôt en un crescendo de quiproquos…

On l’aura compris, Mascarades est une douce, mais non moins aboutie, satire d’une société algérienne dans laquelle ce qu’on montre vaut plus que ce qu’on entreprend. En évitant le misérabilisme, Lyès Salem choisit d’éveiller les consciences par le rire. Mais que la fiction traite sans façon du conformisme, de la hiérarchie sociale, et du mariage forcé n’est pas remarquable en soi. Ce qui importe dans Mascarades, c’est que le film s’adresse d’abord à ceux qu’il entend représenter. Cette co-production franco-algérienne, n’endosse pas la tâche consensuelle et démagogique de présenter un monde algérien méconnu aux Français esseulés. Mascarades n’est pas un film qui désigne mais qui intègre. Parce que les figurants du film sont d’authentiques habitants des lieux, le film se doit de les considérer comme les premiers spectateurs potentiels de la fiction.

Cette représentation harmonieuse doit beaucoup à la dynamique symbolique de la narration. Le récit est construit en boucle, à l’image de la ronde que forment les voitures vrombissantes célébrant un mariage aussi artificiel que les couronnes de fleurs collées sur leurs capots. Le film débute et s’achève par le plan de trois petits vieux poussiéreux, maculés du sable projeté par le dérapage des bolides. Cet élément formel est le résultat d’une mise en scène futée qui renoue avec le pouvoir de la métaphore en permettant au spectateur de lire cette image à la lumière du film comme la combinaison de deux Algérie en lutte, l’une conservatrice et l’autre dissidente. C’est pourquoi le motif du cercle traduit autant l’enfermement géographique que le conditionnement social. Refuser d’entrer dans la ronde et de jouer le jeu de la mascarade sociale, c’est justement l’ardeur émancipatrice que renvoient Khliffa et Rym, les héros de l’histoire. C’est une force symbolique sobre qui est la traduction allégorique d’un fait politique réel. Ainsi parle le réalisateur du personnage deBelle au bois dormant qu’est Rym : « Elle est l’Algérie qui sommeille et qui n’attend que de se réveiller. »

Une réserve cependant : le scénario ne justifie pas entièrement la durée du film. Le récit semble être étiré pour parvenir à 1h32 et cela ralentit l’élan narratif pourtant riche de péripéties. Un défaut somme toute assez courant : bien que les idées de scène fusent, elles ne comblent pas pour autant l’étendue du film… de petits courants d’air actanciels qui surviennent comme un incongru vent froid au beau milieu du désert.

Laurine Estrade


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Mascarades (Algérie, France, 2008). Durée : 1h32. Réalisation : Lyès Salem. Scénario : Lyès Salem, Nathalie Saugeon. Image : Pierre Cottereau. Montage : Florence Ricard. Musique : Mathias Duplessy. Production : Isabelle Madelaine, Yacine Laloui (co-producteur). Interprétation : Lyès Salem (Mounir), Sara Reguigue (Rym), Mohamed Bouchaïb (Khliffa), Rym Takoucht (Habiba), Merouane Zmirli (Amine)... Sortie : 10 décembre 2008.
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