Un cinéma et des cinéastes sur la ligne de front

En Algérie, les professionnels du cinéma se disent « au bord de l'asphyxie »

Le cinéma (et l’audiovisuel) algérien est né «révolutionnaire». En effet, c’est dans le feu de la révolution, dans les maquis et les djebels du pays, que des cinéastes comme René Vautier ou Djamal Chanderli avaient mis leur caméra, à l’époque aussi efficace que le fusil, au service de la cause de l’indépendance de l’Algérie.

Leurs images sont aujourd’hui souvent utilisées dans les émissions télévisés et les films documentaires.
Vautier a également réalisé les films documentaires Une nation, l’Algérie en 1954, L’Algérie en flammes (1958), Un peuple en marche (1963) ainsi que le film de fiction Avoir vingt ans dans les Aurès (avec Alexandre Arcady dans un des rôles principaux) sorti en 1972.
Djamel Chanderli a été le premier reporter cameraman d’une chaîne américaine à filmer un bombardement au napalm de l’armée coloniale. Ce film a été envoyé directement par le GPRA aux Nations-Unies.

Pour préparer le débat sur la question algérienne à l’ONU en 1959, le ministère de l’Information du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne) avait produit Djazaïrouna (Notre Algérie, 1960-61), un film de montage destiné à éclairer la communauté internationale sur les objectifs poursuivis par la révolution algérienne.
Djazaïrouna mêle des images de René Vautier (Une nation l’Algérie et Algérie en flammes) et de Djamel Chanderli, prises au maquis. Sa réalisation fut confiée à Djamel Chanderli, Mohamed Lakhdar Hamina et le Dr Pierre Chaulet.

Le film Yasmina (1961), ensuite, raconte l’histoire de la petite Yasmina, de sa fuite après le bombardement de son village, de son errance jusqu’à la frontière et de sa vie parmi les réfugiés. Le film est de Djamel Chanderli et Mohammed Lakhdar-Hamina qui en signe la photographie. Avec Djamel Chanderli, Mohammed Lakhdar-Hamina tournera encore La Voix du peuple (1961) et Les Fusils de la liberté (1961). Djamila l’Algérienne de Youssef Chahine sorti en 1958 a aussi pour sujet la révolution algérienne, à travers le personnage de la moudjahida Djamila Bouhired.


Après 1962 et l’indépendance, le cinéma algérien a continué dans la voie «révolutionnaire», avec une production dominée par les films de guerre, notamment la période 1954-1962. Adapté du roman du même titre de Mouloud Mammeri, le long-métrage L’Opium et le Bâton (1971), réalisé par Ahmed Rachedi, a marqué le cinéma algérien. Rachedi réalisera plus tard la série des biopics, Mostefa Benboulaid, Krim Belkacem et Lotfi, sur le colonel Lotfi.

Décembre de Mohamed Lakhdar Hamina, sorti en 1971, se déroule durant la période précédant les manifestations pour l’indépendance de l’Algérie, de décembre 1960. La Bataille d’Alger, réalisé par l’italien Gillo Pontecorvo et sorti en 1966, est toujours rediffusé par la Télévision algérienne et il est devenu un «classique» de la guérilla urbaine, étudié même aux États-Unis.

Patrouille à l’est (1971) de Amar Laskri, tourné volontairement en noir et blanc, fait partie des films de guerre qui ont marqué le cinéma algérien. Sorti en 1998, le film algéro-vietnamien Fleur de lotus (Bon-seng), réalisé par Amar Laskri et Trân Dac, montre le lien entre les révolutions vietnamienne et algérienne, avec un zoom sur la bataille de Diên Biên Phu qui précéda de quelques mois le déclenchement de la Guerre de libération nationale du 1er novembre 1954 en Algérie.

Avec humour, Hassan Terro de Mohamed Lakhdar Hamina et L’évasion de Hassan Terro de Mustapha Badie racontent les aventures d’un moudjahid malgré lui. Sorti en 2006, le long métrage Mon Colonel réalisé par Laurent Herbiet et produit Par Costa Gavras qui a aussi participé à l’écriture du scénario est une coproduction franco-belge sur l’histoire d’un ancien militaire français à Saint-Arnaud, aujourd’hui El Eulma, dans la wilaya de Sétif.


Les manifestations des Algériens en France du 17 octobre 1961 auront leurs films réalisés souvent par des Algériens nés en France comme Vivre au paradis de Bourlem Guerdjou, sorti en 1998, Hors la loi (2010) de Rachid Bouchareb ou le documentaire Ici on noie les Algériens (2011) de Yasmina Addi.

Dans le domaine des films documentaires, il y a aussi René Vautier, l’homme de paix d'Ahcene Osmani sorti en 1999 et Maurice Audin, la disparition (2010) de François Damerliac. Okacha Touita a réalisé le film de fiction Opération Maillot (2015) en hommage au militant anti-colonialiste Henri Maillot, lui aussi d’origine européenne comme Audin et Vautier.
Le cinéma algérien, après avoir été un moyen de la lutte (armée) pour l’indépendance, fait, depuis un certain temps, un travail de mémoire tout aussi important.
Kader B.

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