Scénario-mag (c) D.R. LECON DE SCENARIO #3
Le fil conducteur
ou point de vue scénaristique
Par Jean Marie ROTH
en partenariat avec scenario-mag.com,
site dédié à l’écriture de scénarios


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Dans ce long labyrinthe qui se nomme scénario, le Thésée que vous êtes a constamment besoin de suivre un fil conducteur, faute de quoi l’histoire que vous créez semblera décousue, maladroite et sans valeur.

Il s’agit en fait de tout lier, de tout rapporter, de tout raccrocher à l'élément principal du film afin de graviter sans cesse autour de l’essentiel. Cet essentiel, ce fil conducteur, représente l'angle scénaristique sous lequel votre narration sera construite.

Le fil conducteur (ou point de vue scénaristique – pour ceux qui n’auraient pas bien lu le titre) peut se présenter sous trois formes.



Le personnage

Au moins 99 films sur 100 sont conçus sur un schéma prenant le personnage principal pour fil conducteur.

Constamment vous vous attachez à son comportement face aux embûches que vous – créateur sadique et sans scrupule – avez bien voulu glisser sur son chemin. Sans oublier, au préalable, de lui offrir sur un plateau (logique au cinéma) un but fort, un enjeu crédible et universel : épouser sa secrétaire, retrouver un killer de genre serial ou sauver le monde, plutôt que réparer sa clôture ou se faire refaire le nez (sauf pour Cyrano peut-être).

Les gens heureux n’ont pas d’histoire” affirme l’adage populaire. Si philosophiquement le proverbe est discutable, cinématographiquement il tient lieu de vérité. Aussi, en prenant le personnage pour support principal de votre scénario, il est indispensable qu’une multitude d’aventures et mésaventures le submergent l’espace d’une heure trente.  Cependant, n'interprétez pas de façon erronée les termes "aventures" et "mésaventures" qui ne sont nullement péjoratifs.

Il ne s'agit pas d'entrer dans une surenchère d'événements catastrophiques et d'actions rocambolesques. Il ne vous est pas demandé de faire de votre comptable amoureux de sa secrétaire un James Bond ou un Indiana Jones. Mais d'imaginer les divers états par lesquels il pourra passer et, surtout, de percevoir sur un plan événementiel la façon dont votre scénario progressera avec, pour axe central, votre personnages, son enjeu, ses problèmes, son action.

En effet, si vous gérez votre personnage avec trop d'introspections, de retenues, de non dits, d'hésitations et de renfermement, vous risquez d'oublier de faire du cinéma. Ce n'est pas certain, mais c'est un risque.

Cependant, votre rôle de créateur tient aussi au fait de savoir et de définir jusqu’où vous pouvez aller trop loin… Il vous faut savoir dramatiser tout en restant crédible. Mais c’est un autre problème, et nous y reviendrons dans un cours prochain.

 

 

 

 

 
L’idée

Il s’agit pour vous de rester fixé sur votre thème et de le transformer en "personnage principal". Dans Le bal d’Ettore Scola, le thème titre sert d’élément conducteur. L’auteur nous raconte la “vie” d’une salle de bal à travers les années mais, au terme de la projection, le spectateur lambda (le bêta aussi) n’a pas réellement l’impression de s’être enrichi d’une histoire.

Ainsi, pourrait-on fort bien imaginer un scénario prenant pour point de vue scénaristique une chambre d’hôtel. Nous y verrions passer une multitude de personnages différents et, dois-je l’avouer, le résultat pourrait s’avérer tout à fait probant. Probant pour vous, probant pour moi, probant pour certains autres, mais pas pour ceux – fort nombreux – qui attendent d’un scénario une narration construite.

Ce faisant, votre rôle n'est pas non plus de rechercher à tout prix le genre dramatique et la gestion narrative les plus vendeurs. Vous êtes un scénariste, un auteur, pas un commerçant. Nul ne peut exiger de vous d'écrire un épisode deSous le soleil si vous n'aimez pas ce feuilleton. Par contre, quel que puisse être votre choix narratif, pensez toujours, à l'instant de construire et à celui d'écrire, au public que vous souhaitez toucher par votre film.

Pour en revenir à "l'idée", la série des Bronzes fait également partie des films basés sur l'idée. Et là, commercialement, ça a fonctionné comme une mobylette toute neuve. Les films à sketchs ont également pour règle de s’attacher uniquement à une idée donnée et imposée. Nous sommes alors en plein exercice de style. Avis aux amateurs… mais prenez garde, pas pour un premier film.



L’action

Dans Le jour le plus long de Darryl F. Zanuck, le débarquement en Normandie sert de fil conducteur. Les personnages quant à eux sont de valeur égale. En l’occurrence, donc, on ne parlera pas de rôle principal.

Le scénariste, lors de l’écriture d’un film de ce style, doit porter un maximum d’attention au déroulement de l’action. Son plan de travail doit être extrêmement précis. Il doit savoir, minute par minute, ce qui va se passer, avant même de commencer la rédaction de son œuvre.

Autant un personnage peut parfois surprendre son propre auteur, surtout dans la phase préparatoire de son travail, autant l’action demande pragmatisme, précision et rigueur dès le départ. Il faut sauver le soldat Ryan, traite du même thème central que Le jour le plus long mais ne s'articule pas autour du même point de vue scénaristique. En effet, le film de Steven Spielberg prend le personnage pour fil conducteur.

Votre rôle, avant même de songer à construire votre histoire, consiste à parfaitement vous situer face à son point de vue.  Mais croyez moi, pour un premier scénario, opter pour le personnage est idéal.

 
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