On ne part pas sans prévenir ! ? Monsieur Lazhar
On ne part pas sans prévenir ! – Monsieur Lazhar
Philippe Falardeau, réalisateur de Congorama entre autres, présente son nouveau long métrage. Une toile du Québec conjuguée à l’imparfait, rêvée au plus-que-parfait et racontée au passé. Un film qui trace le parcours difficile d’un immigrant fuyant la réalité injuste et difficile de son pays mais surtout fuyant sa vie, se réfugiant dans une école, loin de ses souvenirs : « Pour beaucoup le voyage c’est être sans papiers, déraciné, dans un pays où on ignore la culture. »
« Monsieur Lazhar » s’ouvre sur une cours d'école en plein milieu de Montréal. Si l’affiche ne l'annonçait pas en grand et si fièrement, on n’aurait jamais pu imaginer que Fellag incarnerait le personnage principal de ce film si simple mais magnifique. Plein de sens et de sous-entendus, ce film raconte l’exil, le deuil mais surtout l’adaptation culturelle qu’impose l’immigration voulue ou subie et les incohérences auxquelles tout immigrant, Algérien ou autre, doit faire face.
C'est un Fellag qui incarne l'algérien issu de l'ancien enseignement français, de l'école coloniale, stricte, rigide et ancestrale; un conservateur éducatif avec ses monologues et son sarcasme qui apparaît tout d’un coup, pour sauver une classe traumatisée, mais aussi à la recherche de son propre salut.
Dans la peau de Bachir Lazhar, Fellag devient un réfugié politique fuyant l'Algérie, une Algérie post-décennie noire, post-réconciliation nationale : « On a libéré beaucoup de criminels […] une voix d’une femme qui s’élève dérange.»
A la suite de menaces de mort contre sa famille Bachir quitte l’Algérie pour le Canada, sa femme et ses enfants n’auront pas la même chance. Son deuil il le vit en secret, en attendant la régularisation de sa situation. Un deuil qui coïncide avec sa rencontre du Québec mais aussi avec le traumatisme vécu par ses élèves face au suicide de leur enseignante.
Ce film qui au Québec représente une ode à l’enseignement, rend hommage au dur travail que doivent accomplir les enseignants encadrés par des règles et des restrictions, absurdes ou logiques , clairement et distinctement explicitées par le personnage de Marie-Frédérique, un personnage rigide et à cheval sur les règles de fonctionnement de l’établissement dans lequel ils se trouvent. En effet, au Québec les relations entre l’enseignant et l’élève sont régies par des lois et des interdictions qui transforment une des relations fondamentales de l’enfant en échange froid, sec mais surtout dépourvu d'humanité: Interdit de toucher, frapper, donner une accolade ou même une petite tape d’encouragement dans le dos, sans oublier l’interdiction de soigner des étudiants malades, ou de trop parler aux étudiants sur des sujets sensibles : « Mon petit gars est revenu avec une brûlure au deuxième degré sur le dos parce que le moniteur n’avait pas le droit de lui mettre de la crème solaire! »
Enfin dans le personnage de Bachir Lazhar, on voit toute la subtilité du grand acteur, algérien de souche parlant un français ancien, lourd et rigide, et vivant une rupture et choc culturel difficile à expliquer mais apparent à travers ses interactions avec son nouvel entourage et environnement. Fellag, exceptionnel et humain s'illustre dans ce film et montre l'étendue de son talent et la diversité de son art. « Monsieur Lazhar », représentera le Canada pour la sélection des films de la prochaine cérémonie de remise des Oscars pour la catégorie du Meilleur Film Étranger. Un honneur pour l’Algérie qui voit un de ses bijoux artistiques incarner un rôle important dans une des plus importantes productions québécoises de l’année. Réalisé par Philippe Fallardeau, le Québec illustre sa diversité, sa tolérance et un portrait autocritique de la société et de ses institutions.
Bande annonce du film:
Par notre corréspondante de Montréal Rosa Hamadouche.