«Les djounoud du noir et blanc» exposés au MAMA

La guerre d’indépendance algérienne a, dès son déclenchement, suscité une large vague de soutien international, notamment auprès des intellectuels et artistes. Parmi eux, des photographes se sont engagés à témoigner sur ces sept années de combat. Certaines de leurs œuvres sont exposées au MAMA.

Le Musée d’art moderne et contemporain d’Alger (Mama) accueille jusqu’au 30 août une exposition en grande partie inédite de photographies de guerre, réalisées par des photographes algériens et étrangers durant la lutte anticoloniale. Elle s’intitule « Les djounoud du noir et blanc » et réunit plus de 200 clichés réalisés par 17 photographes. Qu’ils aient travaillé dans les maquis, les camps de réfugiés ou au cœur des villages algériens, ces photographes se révèlent non seulement des témoins précieux sur une histoire visuelle tout aussi importante que celle contenue dans les livres, mais aussi des artistes sensibles qui, au cœur de la tourmente, ne négligent nullement l’esthétique et l’éloquence de l’image.

Bien sûr, l’exposition propose des photographies rendues célèbres telle que celle de Larbi Ben Mhidi après  son arrestation ou encore des séquences de films à l’instar de ceux de Djamel Eddine Chanderli, René Vautier ou Pierre Clément. Mais la plus grande partie de « Les djounoud du noir et blanc » renferme des œuvres inédites.
Mohammed Adem bascule entre les maquis de l’ALN et la vie quotidienne des Algériens, avec une affection particulière pour les enfants dans leur milieu scolaire. Même si son travail fait partie d’un plan global de guerre médiatique et d’internationalisation de la cause, ses photos sont fortement marquées par un souci esthétique indéniable et surtout par le désir de célébrer la beauté et la dignité de ses concitoyens.

Celle qui fut surnommée « Madame Courage » par les Algériens est également exposée au MAMA. Il s’agit de la journaliste-photographe suédoise Almgren Gerd, qui fut l’une des rares journalistes à traverser la frontière tuniso-algérienne, pour couvrir la guerre de libération. Ses prises de position en faveur du combat du FLN lui ont valu une forte réprobation de la télévision suédoise, dont elle finit par démissionner… Quant à l’Algérien Mohammed Lounès Ben Soula, dit Cherouki, il nous entraîne dans une série de portraits et de photos de groupe des soldats de l’ALN où le sourire est toujours de mise et la pose parfois ostentatoire pour les besoins de la lutte médiatique… Plus loin, on retrouve plus de composition et de nuances chez Dominique Berretty, dont les photos sont tirées de ses reportages sur la guerre d’Algérie qu’il réalisa pour le compte du magazine américain « Life ». On y voit, entre autres, ce superbe cliché d’un char français roulant près d’un mur où une grande affiche de cinéma est collée, il s’agit du film «Les démons de minuit ! Il signe également une photographie poignante où l’on voit deux soldats français battre sauvagement un Algérien. Berretty immortalisera également les réjouissances du 5 juillet 1962. De l’Italie, nous avons les photographies du reporter Contino Vittorugo qui témoigne sur les camps d’entrainements de l’ALN, les écoles rudimentaires dans les villages isolés, mais aussi sur la vie des femmes dans les maquis.

Le célèbre Marc Garanger qui, pendant son service militaire dans l’armée française, a réalisé une somme impressionnante de clichés, est également présent dans cette exposition. Mais au-delà de ses fameuses photos d’identités de femmes algériennes, on retrouvera des images moins connues telle que la photo d’un enfant âgé d’à peine quatre ans sur qui un soldat français braque son arme, ou encore celle d’un prisonnier algérien fixant l’objectif avec un air à la fois absent et altier. Le massacre du 17 octobre 1961 est aussi convoqué dans cette exposition à travers les clichés de Elie Kagon, dont la célèbre photo du noyé, les manifestants arrêtés et l’injustement méconnue et néanmoins importante manifestation de femmes algériennes  le 20 octobre.  D’autres images réalisées par des anonymes sont tout aussi éloquentes, et parfois même cocasses ! A l’instar de ce villageois qui a collé sur le flanc de son âne une «fiche de suspect » au nom de Robert Lacoste !

S. H.

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