?Guerre d?Algérie. La déchirure?, un documentaire de première nécessité
hechache2
7 Août 2013
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‘Guerre d’Algérie. La déchirure’, un documentaire de première nécessité
Par Claude Schopp - Le 09/03/2012
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Le 18 mars, cela fera un demi-siècle que les accords d’Evian, marquant le cessez-le-feu en Algérie, ont été signés. L’historien Benjamin Stora signe, avec le réalisateur Gabriel Le Bomin, un exceptionnel documentaire sur des « événements » dont il a fallu près de quatre décennies pour qu’ils soient qualifiés de « guerre » . Diffusé en deux parties dimanche 11 mars sur France 2 (avant de sortir en DVD en avril), ce film donne, par son souci de justesse et d’équilibre, un sens, un vrai, à l’expression invoquée si souvent à tort et à travers, « le Devoir de mémoire ».
Gabriel le Bomin et Kad Merad, (c) France 2Leçon d’histoire. Leçon de narration (cinématographique). C’est le jugement synthétique qui s’impose spontanément, quand, au générique de fin, défilent sur l’écran des images de députés reconnaissant que ce qui était jusqu’alors nommé les événements d’Algérie constituaient bel et bien une guerre : c’était le 18 octobre 1999 au cours de la séance de l’Assemblée nationale. La leçon d’histoire est l’œuvre de Benjamin Stora, originaire lui-même d’Algérie, qui, depuis plus de trente ans se consacre à l’histoire de la colonisation et de la décolonisation de l’Algérie, concevant, entre autres, en 1991 pour Antenne 2, Les Années algériennes, qui marquait pour ce conflit la fin des années d’oubli et de refoulement. Cette série adoptait la structure de bien des documentaires, entremêlant images d’archives et entretiens avec les acteurs de ce qu’on appelait aussi le drame algérien. Cet appel à la mémoire, éngendrait naturellement un flux passionnel, qui pouvait estomper voire recouvrir la vérité historique.
Guerre d'Algérie, (c) France 2Occasions manquées
Le nouvel ouvrage n’est composé que d’images d’archives, tenues ensemble par le fil d’un récit serré, - dit par un Kad Merad, né le 27 mars 1964 à Sidi Bel Abbes, dépourvu de tout pathos vocal -, essaie de tenir à distance l’émotion provoquée par ces horreurs de la guerre, bien qu’il ne puisse s’empêcher de céder à la pitié devant les jeunes appelés au casse-pipe ou les pauvres montagnards des zones interdites déplacés en masse. Si tout n’est pas dit, parce tout ne pouvait être raconté en deux films de cinquante-cinq minutes (1954-1958 et 1958-1962), rien n’est oublié d’essentiel. Ce récit remédie à l’amnésie dans laquelle on retombe généralement, quand est évoquée cette guerre, parce que l’on cherche, de part et d’autre de la Méditerranée, à l’instrumentant en en gommant des vérités gênantes ou blessantes, pour leur substituer des déformations légendaires à fins de propagande. Ce qu’il montre admirablement, c’est l’inexorable engrenage des faits, la terreur appelant la terreur, c’est la succession des occasions manquées, par manque de courage ou de clairvoyance. Mais n’était-il pas de toute manière trop tard. On assiste au déroulement d’une guerre perdue d’avance, même si certains combats comme la bataille d’Alger apparemment gagnants, guerre perdue d’avance parce qu’elle allait à contresens de l’histoire. Et, quête de la vérité fuyant les trémolos et les effets de manches, ce récit indiscutable dans sa clarté et son honnêteté est là pour suppléer, quand l’image manque, lorsqu’elle s’arrête, par exemple, sur le seuil de la villa Mahiedinne où se pratiquait la torture.
Guerre d'Algérie, (c) France 2Rouvrir les plaies
La leçon de narration appartient à Gabriel Le Bomin, même si parfois il est, bien sûr, malaisé de démêler l’apport particulier de chacun des auteurs. Pour qui se souvient de son bouleversant film de fiction, Fragments d’Antonin, qui évoquait avec force les traumatismes consécutifs à la guerre de 1914-1918, cette Guerre d’Algérie apparaît comme la poursuite naturelle d’une réflexion entamée. La guerre d’Algérie, la déchirure qu’évoque le titre, est une blessure encore pantelante, que l’on ne peut soigner qu’en rouvrant les plaies, ce que le cinéaste opère d’une façon aussi franche que délicate. De plus de cent heures de rushes, puisées aux sources les plus diverses, dans les archives du ministère des armées aussi bien que dans les archives des pays de l’Est, peu exploitées jusqu’alors, il a extrait les séquences lui permettant un récit le moins lacunaire possible, tout en répondant à un projet artistique affirmé ; aussi a-t-il choisi celles, travellings, zooms, mouvements rapides ou violents à l’intérieur du plan, qui possédaient leur propre dynamisme, lequel, accentué par un montage remarquable (Barthelémy Vieillot et Bertrand Collard), restitue au plus près l’inexorable enchaînement des causes et des conséquences qui conduit au dénouement de ce qu’il faut bien considérer comme une tragédie politique. Par ailleurs, issus d’une époque où le noir et blanc concurrencait encore la couleur, il a opté pour une discrète colorisation, afin d’effacer l’impression de rupture, qui aurait pu naître de l’alternance de l’un à l’autre. Continuité, rythme haletant, continuellement tenu, entraînent le spectateur à vivre ou revivre un épisode crucial de son histoire , c’est-à-dire à lui restituer un pan perdu de son passé. Être devant son poste de télévision le soir où le film sera programmé relève du devoir de mémoire.
Guerre d'Algérie, (c) France 2Guerre d’Algérie. La déchirure par Benjamin Stora et Gabriel Le Bomin. Réalisateur : Gabriel Le Bomin. Avec la voix de Kad Merad. Les deux films seront diffusés le dimanche 11 mars à 20 h 35 sur France 2, suivis d'un débat animé par David Pujadas. DVD, en vente le 18 avril 2012.
Voir : l'interview de Kad Merad sur le documentaire Guerre d'Algérie. La déchirure.
« ‘Guerre d’Algérie. La déchirure’, un documentaire de première nécessité »
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