Gerboise bleue réalisé par Djamel Ouahab Critiques > 17 février 2009
ATOMES ET HÉMATOMES
Gerboise bleue n’est pas une enquête poussée sur les dessous des essais nucléaires en Algérie. Tout juste rappelle-t-il les faits par quelques cartons : entre 1960 et 1967, l’armée française réalise dix-sept tirs officiels atomiques dans l’atmosphère. « Gerboise bleue » est le premier des quatre tirs réalisés à Reggane, d’une puissance quatre fois supérieure à Hiroshima. Djamel Ouahab n’a pas anglé son film en tant qu’enquêteur historique ou journalistique. Le réalisateur, qui fut membre actif de l’ACID (Agence du Cinéma Indépendant pour sa Diffusion) et dont c’est le premier documentaire, livre ici un film-témoignage. Un espace de parole donné pour la première fois aux acteurs de ces essais, aux vétérans de Reggane, Béryl, du Hogar. Lucien, Gaston et d’autres encore, dont les séquelles se lisent parfois violemment sur les visages, se battent pour que la France reconnaisse qu’elle les a mis en danger. Tous les personnages du film de Djamel Ouahab lui confèrent un ton de sensibilité − au détriment, parfois, d’une véritable réflexion − qu’il ne quittera pas un instant.
Djamel Ouahab met un coup de projecteur sur les essais atomiques français en Algérie : il éclaire tour à tour la vision de ses vétérans, celle de leurs médecins et des scientifiques. C’est aussi parce qu’il vient d’Algérie et de France que le cinéaste a voulu faire en quelque sorte œuvre de mémoire et contribuer à faire connaître cet épisode méconnu des relations tumultueuses entre les deux pays. Le montage du film, naviguant entre les images d’archives en noir et blanc sur lesquels les commentaires des vétérans viennent apporter un nouvel éclairage, quand le commentateur télé de l’époque vantait la sécurité totale de la recherche nucléaire française. La forme souligne ainsi l’abandon par les autorités de ces vétérans. Djamel Ouahab a pu se rendre pour la première fois au point zéro de « Gerboise bleue ». C’est aussi pour les populations des oasis de Reggane, en plein Sahara, frappées à jamais par l’éclair de lumière aveuglant de ce 13 février 1960, que le réalisateur a souhaité filmer ces histoires. Et malgré quelques imprécisions et parfois la gêne ressentie face à des blessures physiques très choquantes, Gerboise bleue devrait faire avancer le combat des derniers vétérans de la bombe.
Sarah Elkaïm