Cinéma 2013
The World's End
de Edgar Wright
Edgar Wright (après le sommet Scott Pilgrim) conclut une "trilogie" débutée par les formidables Shaun of the Dead et Hot Fuzz, avec son film le plus sombre mais aussi le plus fou. Cela débute comme une comédie de potes nostalgiques et cela finit comme un épisode deDoctor Who tourné par une équipe ivre (avec l'une des meilleurs bande-originale « compilation » de l'histoire du cinéma pour lier le tout). A la fois similaire aux deux épisodes précédents dans son appropriation des codes d'un genre pour mieux les dynamiter, The World's End repose davantage sur ses antihéros. Dans cet opus les auteurs versent dans le contre emploi, avec Nick Frost interprétant de manière tout à fait crédible le quadra responsable et Simon Pegg survolté en junky maniaco-dépressif. C'est moins un retour vers la jeunesse idéalisée qu'une acceptation du temps qui passe sans mettre de côté le plus important : être heureux, quelle que soit la forme que puisse prendre ce bonheur. Tout en dressant un nouveau portrait inimitable de la « génération X », celle des ados des années 90. The World's End va encore plus loin, en appuyant bien fort là où ça fait mal, en particulier lorsque le film s'en prend à l'uniformisation du monde, où toute personnalité (des êtres, des lieux, des désirs) se trouve nivelée, voire gommée. Il faut donc clamer (et réclamer) haut et fort la liberté de l'homme, quand bien même cela passe par la destruction de la planète. The World's End est un pamphlet d'humanisme militant. Personne ne peut nous obliger à nous plier à sa volonté, ni la société, ni le progrès, ni les bonnes âmes, ni Dieu, ni maître. La vraie liberté de l'individu est d'avoir la totale emprise sur lui-même et ses décisions, bonnes ou mauvaises. Au final chacun trouve sa parcelle de bonheur dans un monde bouleversé et surtout libéré de la dictature de la technologie et du conformisme. On pourrait croire l’œuvre anarchiste, elle est d'ailleurs joyeusement punk, mais le message est bien plus subtil que cela. La majorité des protagonistes trouveront leur apaisement dans l'accomplissement de rêves simples. Évidemment, seul contre tous, roi des parias, roi des humains, Gary King continuera à vivre comme un personnage de fiction, héros d'un univers enfin à sa mesure. The World's End est drôle et triste, joliment stupide, imparfait et fragile. A notre image. |
Monstres Academy
de Dan Scanlon
Offrir une suite (en forme de vraie-fausse « préquelle ») à l'un des meilleurs films du studio n'est pas une chose inédite pour Pixar. Après tout, une grande partie du public s'est inclinée devant le talent de Toy Story 2. Pas de quoi s'inquiéter donc et le défi est relevé avec le brio habituel. Sans être au niveau de Monstres & cie (qui demeure l'un des plus grands films d'animation du 7e art), ceMonstres Academy ne cesse de s'en approcher. Certes, l'effet de surprise n'est plus là, c'est nettement moins hilarant et la construction dramatique demeure classique. Cependant les principaux éléments sont bien présents et traités avec toujours la même justesse. Car si le personnage de Boo était évidemment une des clefs de la réussite du premier opus, c'est bien l'amitié entre les deux monstres qui a toujours été l'épine dorsale de l'histoire. Ici il est question de la naissance de cette camaraderie, mais c'est davantage une ode à Mike Wazowski. Le petit cyclope vert qui incarne tous les archétypes de « l'underdog », ce perdant attachant qui finit, par son obstination, par triompher des obstacles. Tous les clichés sont au rendez-vous mais transcendés par la subtilité propre à Pixar, qui sait si bien rendre ses œuvres intemporelles. Tout aussi habile, le style visuel cartoon, qui débute dans la droite lignée du premier film, avant d'étaler les avancées technologiques sans jamais rien perdre de son charme. Les concepteurs en profitent aussi pour faire une démonstration de force lorsqu'il s'agit de décrire le monde « réel » avec un réalisme atmosphérique. C'est également, de toute évidence, un film de campus, ancré dans la culture américaine et il fait ainsi partie des Pixar les moins immédiatement universels. Pourtant il ne faut pas bien longtemps pour y retrouver le soucis du détail, le rythme comique imparable, la bienveillance omniprésente qui rendent les œuvres du studio toujours aussi uniques en leur genre. L'amitié, la réalisation des rêves, le temps qui passe, trois thèmes pour résumer la quasi intégralité du travail de Pixar. Monstres Academy ne dévie pas de ces obsessions et les transforme en une sorte d'idéal de récit « scolaire ». C'est drôle, fin et intelligent. Après le novateur et encore plus remarquable Rebelle, Pixar prouve une nouvelle fois que le studio à la lampe domine l'industrie du divertissement de la tête et des épaules. |
Star Trek Into Darkness
de J.J. Abrams
Genre lyrique par excellence de la science-fiction cinématographique, le Space Opera n'est malheureusement pas si fréquent. Car cela coûte cher de faire virevolter des vaisseaux ou des corps dans l'espace et le public n'a plus la même avidité de chorégraphies stellaires que du temps de Star Wars. C'est d'ailleurs grâce au succès de la première trilogie de George Lucas que la série Star Trek avait été ressuscitée, d'abord sur grand écran, puis sur le petit. C'est cette période-là qui fit sortir de l'oubli la version télévisée des année 60, gentiment kitsch mais riche d'un univers potentiellement passionnant. Depuis, Star Trek est venu concurrencer Star Wars dans une guerre fratricide qui ne connaîtra probablement jamais de fin. S'il est difficile de nier que la première trilogie Star Wars domine de la tête et des épaules les films de la série classique de Star Trek, c'est à présent le contraire qui a lieu, tant ce rajeunissement de l'équipage de l'Enterprise efface sans mal la deuxième trilogie de Lucas. Savoir que J.J. Abrams va prendre les rênes de Star Wars est d'autant plus savoureux et on n'est pas trop inquiet du résultat s'il met autant de cœur à cet ouvrage. En ce sens, le rachat de la franchise par Disney ne cesse d'être une réjouissante nouvelle. En attendant, Kirk et Spock assurent l'intérim avec un tel brio qu'on en vient à oublier Han Solo et sa clique. Revanche tardive mais méritée, d'une saga trop longtemps associé aux pires travers des geeks (élitisme, ridicule, beaucoup de bruit pour pas grand-chose). Depuis le redémarrage aussi malin que spectaculaire effectué en 2009, Star Trek est devenu accessible et attachant. Le résultat d'une alchimie de blockbuster parfait où tout semble soigneusement réfléchi sans jamais rien perdre de sa fraîcheur. Star Trek Into Darkness retrouve en particulier le même sens du rythme que son prédécesseur, en démarrant très fort, en développant très vite et en finissant sur une apothéose qui donne l'impression d'aller au cinéma pour la première fois de sa vie. Quasi épuisant, le film explose en tout sens sans jamais se perdre pour autant. Derrière le spectacle, une caractérisation plus subtile qu'il n'y paraît se poursuit. Le cœur du film reposant sur le resserrement des liens d'amitié débuté dans l'opus précédent. Certes, on n'a pas le temps pour les grands monologues et une philosophie profonde, mais Star Trek n'est pasSolaris et ce n'est pas ce qu'on lui demande. On demande une bonne histoire, de bons personnages, de bons effets spéciaux et une grande évasion vers l'espace infini. A tous ces niveaux, Into Darkness ne déçoit jamais. Même lorsqu'il revient sur Terre, le film ne donne jamais le sentiment de céder à la banalité des blockbusters habituels. On n'est pas là pour casser des voitures ou se battre entre deux immeubles. Ce n'est pas une énième production Marvel ou Michael Bay. Le lyrisme évoqué au début de cette critique est omniprésent, ne serait-ce que par le formidable thème musical de Michael Giacchino, l'une des rares mélodies à avoir fait sa place dans l'histoire du 7e art des années 2000. Associé aux images iconiques d'Abrams, cela donne toujours des instants grandioses, très évocateurs. C'est du cinéma mythologique, avec ses archétypes et ses péripéties plus ou moins attendues, mais toujours traité avec le juste équilibre. Il suffit de découvrir le principal antagoniste, judicieusement incarné par Benedict Cumberbatch. On le sait depuis le début, mais l'interprète de Sherlock est né pour jouer les méchants. Il vole le film à chacune de ses apparitions. Il est un maillon essentiel dans cette relecture du second opus de la série cinématographique classique, La Colère de Khan. Miroir astucieux de ce qui reste pour beaucoup le meilleur film Star Trek, Into Darkness lui fait écho et l'améliore à presque tous les niveaux. Bien sûr, les fans reconnaîtront toutes les références, nombreuses. Quant aux autres, ils profiteront de la quintessence de cet univers. Comme avec la reprise de Doctor Who depuis 2005, les Star Trek de J.J. Abrams héritent de 50 années d'enrichissement, tout en y apportant les innovations nécessaires à l'époque. Respectueux du passé, mais aussi totalement lié à son temps, Star Trek Into Darkness est, on le répète, avant tout et surtout un divertissement, qui nous précipite à toute vitesse dans son monde et nous abandonne, deux heures plus tard, au bord de l'épuisement, mais ravis. On en redemande, et cela fait bien longtemps qu'un blockbuster n'avait pas paru aussi court. Puisse cette franchise vivre longtemps et prospérer. |
Le Monde Fantastique d'Oz
de Sam Raimi
Mettons tout de suite de côté le fait que cette « préquelle » soit mise en scène par Sam Raimi. Cela pourrait être Tartempion ou Martin Campbell derrière la caméra que ça ne changerait pas grand-chose. Il faudrait être un exégète du réalisateur d'Evil Dead et de Spider-Man pour repérer les quelques hommages à sa filmographie glissés ici et là. Pour le reste c'est du Disney violant les classiques, premier rejeton évident du triomphe d'Alice au Pays des Merveilles. Mais là où Tim Burton parvenait à faire surnager quelques incongruités intrigantes, Raimi ne fait que remplir le cahier des charges au fil d'un scénario patapouf qui enchaîne les péripéties prévisibles. Sur un faux rythme qui s'éternise quand il faudrait s'emballer et qui accélère quand on aimerait qu'il développe, les scènes attendues se succèdent sans créer la moindre empathie. Il faut dire qu'on aura rarement vu caractérisation aussi sommaire, même au sein d'un blockbuster familial. Il faut remonter à l'horrible trilogie du Monde de Narniapour s'approcher de ce fiasco.
On pardonnera le visuel kitsch qui dégorge de couleurs numériques et qui font ressembler certains plans à des tests pour daltoniens. Après tout, le film de Victor Fleming était déjà une certaine apogée du kitsch cinématographique. Au même titre que l’œuvre de Raimi, l'originale avait été entièrement tournée en studio, avec la pointe des effets spéciaux (dangereux) de l'époque. Reste que c'était aussi une comédie musicale, et à part une tentative avortée de manière méprisante au 2/3 du métrage, et l'inévitable « tube » effroyable dans le générique de fin, aucune chanson à l'horizon de cet Oz 2013. Reste la tapisserie musicale de Danny Elfman, plutôt correcte, en tout cas à peu près au même niveau que celle d'Alice. La forme a coûté cher, ça se voit, et la 3D essaie de te sauter à la figure à la moindre occasion (c'est d'autant plus drôle en 2D).
L'essentiel repose donc sur les personnages et les comédiens. Là, ça devient triste. N'ayant que très peu à défendre, chacun fait de son mieux. Sauf James Franco, avec sa bonne tête de camé perpétuel, qui semble n'en avoir rien à faire. Tout en pensant au gros chèque qui l'attend à la fin, il réfléchit sans doute à sa prochaine performance surréaliste au sein du plus improbable film indépendant du moment. C'est sans doute ce que se dit aussi Michelle Williams, même si le rôle de Glenda, la gentille sorcière du Sud, n'a jamais été conçu comme un monument de nuances. Cela aurait pu être bien mieux pour Mila Kunis et ses yeux qui font naturellement peur. Mais Theodora subit un traitement catastrophique, qui expédie toute forme d'évolution en deux temps trois mouvements. Quant à Rachel Weisz, elle assure le minimum syndical, tranquillement, gentiment, en attendant aussi la paye. Ceci dit, toute une génération de petits garçons va probablement connaître ses premiers émois devant ce défilé de sorcières toutes plus émoustillantes les unes que les autres. En ce sens Raimi mélange les deux designs prévus pour la sorcière de l'Ouest dans le film de Fleming. Belle comme la méchante reine de Blanche-Neige avant sa transformation, mais aussi laide comme une sorcière plus traditionnelle (c'est cette apparence là qui fut finalement retenue).
Bref, à la sortie de la salle, votre petit frère saura sans doute s'il préfère les blondes ou les brunes, mais il ne retiendra sans doute pas beaucoup plus du film. Pour les petites filles, il reste de beaux costumes et un joli personnage de poupée de porcelaine, merveille d'effets spéciaux, auquel le scénario ne rend pas du tout justice. Encore. Deux très longues heures de vide, qui n'offrent même pas le divertissement léger et spectaculaire qu'on était en droit d'attendre. Comme si Disney se donnait la possibilité de créer d'autres suites situées avant le classique de Fleming, après tout c'est tout à fait envisageable. Une manière comme une autre de remplir le porte-monnaie sans avoir besoin de beaucoup d'imagination, en prenant juste la peine de créer quelques séquences qui pourront directement être adaptées en attractions pour Disneyland. Tout le contraire d'un certain Return to Oz, le très singulier film culte des années 80, qui dépasse en tout point ce regrettable ratage.
|
Mama
de Andres Muschietti
Il faut bien l'avouer, sur le papier Mama n'a pas grand-chose pour donner envie. Tous les clichés sont là. Cela débute même dans la cabane abandonnée au fond des bois dont on ne saura jamais vraiment à quoi elle sert, à part à être la cabane qui fait peur au fond des bois et que les divers protagonistes n'auront de cesse de visiter qu'une fois la nuit tombée, en dépit parfois de toute continuité temporelle. Cela se poursuit avec les mômes à la fois dangers et victimes, de préférence au sein de la maison américaine typique, dont on se demande, de Poltergeist au navrant Insidious en passant par Amytiville, si ce n'est pas toujours la même depuis les années 70. Donc il y a un fantôme, triste et légèrement jaloux, qui a adopté deux petites filles perdues et qui cherche à les protéger. Ne vous inquiétez pas, ces révélations tiennent dans le premier quart d'heure du métrage. Ensuite il ne se passe quasiment plus rien et Mama ne fonctionne que sur une suite de scènes attendues et au déroulement mécanique. Parfois ça marche à peu près, parfois ça patine dans le vide, la faute aussi à quelques effets spéciaux pas très convaincants qui donnent une artificialité très numérique à un monstre pourtant conçu avec des techniques à l'ancienne. Bref, production Del Toro oblige, on se retrouve avec une sorte d'Echine du Diable sans éclat, taillé pour le public américain. Certes, les quelques incongruités s'avèrent intéressantes et on aime bien les gamins bizarres. Mais le film reste toujours à la surface et semble se retenir plus que de raison. Par ailleurs, Jessica Chastain, en héroïne rockeuse sur le retour, affiche un décolleté perturbant mais ne transcende jamais un rôle extrêmement limité. Seule la fin, qui rend tellement hommage à Tim Burton qu'elle flirte avec la parodie, se révèle vraiment réussie. On ne regrette donc pas d'avoir tenu jusque là, car, s'il n'est jamais passionnant, le film se laisse regarder, comme une petite série B qui abuse des « jump scares » pour essayer de maintenir l'attention du public. Pour le genre, c'est finalement assez correct, surtout si on compare avec des machins aussi ridicules que Paranormal Activity ou le Insidious cité plus haut. Mama ne vole pas bien haut mais réussit son crescendo et nous laisse sur une note plaisante. |
Samsara
de Ron Fricke
Si on connaît essentiellement Ron Fricke pour Baraka, son précédent documentaire mélancolique sans parole et en musique, il ne faut pas oublier qu’il fut d’abord le directeur de la photographie de Koyaanisqatsi de Godfrey Reggio. Une association lumineuse qui créa un genre à elle seule. Un principe de mise en perspective de l’humanité face à la nature, par la seule force des images. Au-delà du travail photographique, Koyaanisqatsiinventait un langage purement cinématographique où toutes les possibilités de sa grammaire y étaient exploitées. Accélérations, ralentis, plans fixes, zooms, mouvements d’appareils en tout genre, et même l’intervallomètre permettant de filmer sur de très longues durées le rythme du monde. Révolutionnaire, Koyaanisqatsi l’était aussi sur le fond, plus complexe qu’il n’y paraît, avec ses prophéties bercées par la musique de Philip Glass.Baraka reposait davantage sur un éblouissement, et même s’il y avait quelques scènes plus sombres, le mysticisme de Fricke s’avérait plus innocent que celui de Reggio.
|
A La Merveille
de Terrence Malick
Que faire après avoir offert l’un des plus grands films de l’histoire du cinéma ? Au-delà du jugement artistique subjectif, impossible de nier que The Tree of Life est l’œuvre la plus personnelle et essentielle de Terrence Malick. Libéré de cette création écrasante, l’auteur se trouvait devant un choix radical : s’élancer vers une liberté nouvelle ou prendre sa retraite. A la surprise de certains, qui n’ont probablement rien compris à son travail, Malick a préféré la première option. A La Merveille arrive donc sur les écrans sans l’attente et l’aspect événementiel qui accompagnaient habituellement les apparitions du réalisateur. Moins ambitieux que The Tree of Life, moins ouvragé, plus réaliste, ce nouveau film est ancré sur Terre et surtout dans le présent.
|
Argo
de Ben Affleck
Bon, à l’heure où j’écris ces lignes Argo est largement le favori à l’obtention de l’Oscar du meilleur film lors de la prochaine cérémonie des bonshommes dorés. Après avoir remporté des Golden Globes et autres reconnaissances critiques plus ou moins obscures, le troisième opus de Ben Affleck en tant que réalisateur a déjà brillamment rempli son contrat. Le comédien conspué de Daredevilet de Pearl Harbor, le comparse catastrophique de Jennifer Lopez, qui cherchait à toute force à s’acheter une crédibilité artistique derrière la caméra, a réussi son pari. Il faut dire qu’il a sorti le grand jeu. Le thriller politique 70’s avec reconstitution parfaite, sujet fort et suspens consistant. En prime, le dynamisme et l’humour qui font défaut au Zero Dark Thirty de Kathryn Bigelow. Ici pas de polémique, c’est du propre, du carré, et la propagande de la CIA ne prend même pas la peine d’avancer masquée.
|
Cloud Atlas
de Andy et Lana Wachowski et Tom Tykwer
Ecoutez, écoutez les clameurs autour de vous. Peut-être y participez-vous. Ecoutez… « Ohlala, les blockbusters ça vole pas bien haut, hein », « ohlala, c’est juste du bruit et des effets spéciaux », « ohlala, c’est du divertissement mais c’est quand même très mauvais », « ohlala, on dirait un téléfilm ». Oui, le cinéma ne ressemble parfois plus beaucoup à du cinéma. Ou du moins on nous apprend à nous contenter de peu. Mais, et c’est là le paradoxe qui nous intéresse aujourd’hui, dès qu’une anomalie émerge, elle est battue par la foule en colère encore plus sûrement que le dernier des spectacles décérébrés.
|
Django Unchained
de Quentin Tarantino
Seul un film de Tarantino peut procurer le plaisir d’un film de Tarantino. Depuis son chef-d’œuvre, Kill Bill, le bonhomme s’était un peu perdu en route, réussissant à moitié des opus ambitieux mais maladroits (Boulevard de la Mort et Inglourious Basterds). On croyait avoir perdu le sale gosse de Pulp Fiction au profit d’un Auteur trop content de faire la une des Cahiers du Cinéma avec son moindre éternuement. De l’expérience Basterds, le réalisateur a retenu le jeu avec la réalité historique mais ici elle ne vient jamais écraser la série B qui domine. Encore un récit de vengeance, bien sûr, après tout Tarantino ne sait faire que cela, encore un western, il ne sait faire que ça aussi, même si pour la première fois le genre avance à visage découvert. En ce sens Django Unchained a quelque chose de l’œuvre somme, celle qui sommeillait depuis Reservoir Dogs. Mais en plus humble qu’Inglourious Basterds, en modèle réduit, à l’image du dîner dans la plantation de l’affreux monsieur Candie. Un terrible suspens, deux fois plus long que la séquence de l’auberge, moment-clef du film précédent, avec résolution sanglante cent fois plus spectaculaire.
|
Silver Linings Playbook
de David O'Russell
Renommé de manière absurde Happiness Therapy en France, Silver Linings Playbook ne va pas révolutionner le monde de la comédie romantique, mais il en propose une variation aussi classique dans ses grandes lignes que charmante dans ses détails. Avec plus ou moins de succès David O’Russell (Les Rois du Désert, I Heart Huckabees) aime à investir des schémas classiques pour leur redonner du lustre. Rien de bien transcendant a priori ici : deux maniaco-dépressifs vont se trouver au fil de deux heures de quête existentielle faite de hauts et de bas. Une touche de drame familial pour le bon dosage et plein de jolies paroles sur l’amour, l’amitié, la filiation, le courage dans toutes les situations de la vie, enfin, le cahier des charges bien rempli. Des comme ça, il en sort toutes les semaines. La différence, bien sûr, est dans l’exécution.
|
The Master
de Paul Thomas Anderson
The Master est un peu le versant cérébral de l’épidermique Martha Marcy May Marlene. Deux approches complémentaires du mécanisme d’endoctrinement. Si le film de Sean Durkin évoquait surtout les conséquences, celui de Paul Thomas Anderson s’interroge sur les commencements. Création d’un mouvement sectaire (ici la Scientologie, jamais nommée mais souvent évoquée de manière détournée) et recrutement d’un sujet alpha. Sur le terrain de la plus grande détresse psychologique, la manipulation fait son nid. Les méthodes pseudo psychanalytiques de Ron Hubbard sont dépeintes lors d’intenses scènes promptes à secouer le spectateur.
|