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La fascination de Bill Viola pour l’eau

GUY DUPLAT, ENVOYÉ SPÉCIAL À PARIS Publié le <time datetime="2014-03-16 17:16:29" title="dimanche 16 mars 2014 à 17h16">dimanche 16 mars 2014 à 17h16 </time>- Mis à jour le <time datetime="2014-03-17 12:53:40" title="lundi 17 mars 2014 à 12h53">lundi 17 mars 2014 à 12h53</time>

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ARTS VISUELS

Magnifique rétrospective du vidéaste américain, artiste majeur de l’art contemporain, au Grand Palais à Paris. Un voyage d’une beauté époustouflante aux sources de nos émotions et de nos existences : qui sommes-nous ? Où allons-nous ? Une immersion dans l’eau, le feu et l’esprit.

Bill Viola, 63 ans, un des pères fondateurs de l’art vidéo, est aussi un des plus grands artistes des XXe et XXIe siècles. Admiré et exposé partout dans le monde, c’est cependant sa première rétrospective seulement en France qui s’est ouverte au Grand Palais. L’exposition phare de ce début d’année à Paris, avec 20 œuvres magnifiques (une trentaine d’écrans, 2,5 heures pour visiter convenablement), choisies dans toute sa carrière, de 1977 à aujourd’hui.

Bill Viola cherche son inspiration dans la peinture ancienne (les Italiens de la Renaissance), dans les monastères tibétains du Ladakh, dans les philosophies bouddhiste zen, mystique ou soufie, créant des œuvres bouleversantes qui parlent de la naissance, de la vie, de la mort, revenant aux fondements même de la vie et de l’émotion. On se souvient ainsi de l’extraordinaire exposition à la "National Gallery" de Londres en 2004 ("Passions"), où ses vidéos dialoguaient avec l’art ancien.

Méditation

Depuis trente ans, Bill Viola nous offre des vidéos d’une beauté soufflante, avec des mouvements souvent ultra-ralentis, propices à la méditation, qui souvent aussi partent d’œuvres anciennes et nous parlent de nos émotions essentielles. Pour le passage à l’an 2000, il créa "Five Angels" dans le gazomètre d’Oberhausen, parlant de la naissance, de la mort et de la résurrection, où chaque vidéo mettait en scène un plongeon ou le jaillissement d’un corps.

On retrouve au Grand Palais quelques œuvres majeures. Comme le somptueux diptyque réalisé pour "Tristan et Isolde" avec Isolde prise par les flammes et se jetant dans l’eau et Tristan qui lévite sous une pluie averse. On découvre l’immense installation de cinq vidéos ("Going Forth by Day") couvrant tous les murs d’une salle comme les fresques dans une église toscane. On y voit le "déluge" (comme un tsunami emportant toute une rue où cheminait l’humanité) et le "voyage" (un mort qui embarque vers l’autre rive de l’existence). On revoit sa première vidéo célèbre ("The Reflecting Pool") où un homme saute dans une piscine et se fige en l’air. On découvre ses dernières œuvres : Adam et Eve de Cranach, vieillards inquiets de la déliquescence de leurs corps, et "Dreamers", portraits de personnes sous l’eau.

Un peintre, un coloriste

Bill Viola fut un pionnier de l’art vidéo. C’est la RTBF, à l’époque où elle programmait les géniales "Vidéographies" (sous Robert Stéphane) qui fut une des premières à montrer Viola !

Bill Viola agit en peintre, mais son art est un "art-temps". Le temps dilaté, ou brusquement accéléré dans des moments d’explosion, donne une autre dimension à la peinture. Le son, aussi, est très important chez Viola car il multiplie les effets de la peinture comme l’écho dans les églises de la Renaissance participait à l’extase des fresques.

Les films les plus récents de Bill Viola, réalisés en étroite collaboration avec sa femme, Kira Perov, sont des tournages de cinéma. Avec mises en scène, décors et castings. Les cinq vidéos de "Going Forth by Day", nécessitèrent 125 techniciens, spécialistes d’effets spéciaux, cascadeurs et constructeurs de décors et plus de 200 figurants. Bill Viola est aussi à la pointe de la technique, utilisant les dernières caméras dont il mélange parfois les images haute définition (dans "Three Women") avec celles prises avec d’anciennes caméras qui créaient un "grain" qu’il aime beaucoup.

Mais Bill Viola reste, avant tout, un peintre et un coloriste. Comme on le voit dans son "Isolde" qui se termine sur un fond doré d’icône byzantine. Ou dans "Ascension" où il filme longuement les irisations de la lumière dans l’eau mauve ou dans "Pool" où la piscine à l’avant-plan forme un tableau abstrait vert.

Bill Viola est imprégné par les éléments fondamentaux : le feu et, surtout, l’eau. Il explique être tombé à six ans dans l’eau et avoir cru se noyer tout en y découvrant une beauté infinie. L’eau revient sans cesse dans ses vidéos, celle qui donne la vie, qui fait passage (le baptême, l’Achéron), le déluge meurtrier aussi.

L’histoire de l’art

Dans sa recherche des émotions, dans ses représentations de la compassion, du vieillissement, de l’écoulement d’une existence, dans ses expériences mystiques, il s’inspire directement des maîtres anciens. Sa vidéo "The Sleep of Reason" renvoie à la gravure du même nom de Goya. Quand les sauveteurs, dans ses cinq fresques vidéo, sont assoupis et ne voient pas le corps surgir de l’eau pour monter au ciel, ils ont les poses des soldats endormis de Piero della Francesca autour du Christ ressuscité. Le corps de Tristan est celui du Christ mort d’Holbein et les Passions sont celles qui entourent le couronnement d’épines de Bosch.

Bill Viola rejoint ainsi la grande histoire de l’art. Il nous l’expliquait il y a trois ans : "L’art est là pour exprimer les sentiments. Il doit reproduire, chaque fois à sa manière, les grandes histoires de l’homme, les grandes expériences que l’humanité a connue, génération après génération. Chaque génération d’artistes doit repenser et refaire ces histoires et idées de l’humanité pour pouvoir mieux refléter le monde contemporain".

 

"Bill Viola", Grand Palais à Paris, jusqu’au 21 juillet. Fermé le mardi. Beau catalogue avec un DVD sur l’artiste. Avec Thalys, Paris est à 1h20 de Bruxelles. 25 trajets par jour.

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