Vincent Mariette, cinéaste français

Jeune réalisateur français, Vincent Mariette présente son dernier court-métrage, « Les Lézards », au 11es Rencontres cinématographiques de Béjaïa.  Dans ce film qui met à l’écran le duo virtuose Vincent Macaigne et Benoît Forgeard, on est plongé dans une atmosphère éthérée, onirique, où deux copains attendent dans un hammam l’arrivée d’une femme. On les écoutera deviser sur des dialogues étranges, remplissant l’espace du film tant par la présence imposante, bien que nuancée, de leurs corps, que par la densité de leurs échanges. Un court-métrage à l’esthétique vaporeuse et tout à fait captivante, d’où l’on sort avec le tournis, mais surtout avec la certitude d’avoir assisté à un beau moment de cinéma. Vincent Mariette a également réalisé deux autres courts-métrages : « Double Mixte » (2011) et « Le Meilleur ami de l’homme » (2010). Il prépare actuellement son premier long-métrage, « Tristesse Club ».

Propos recueillis par Sarah Haidar

Algérie News : L’idée de filmer ces deux personnages (dans « Les Lézards ») en noir et blanc s’est-elle imposée à vous du fait de l’atmosphère pesante du hammam ? Ou relève-t-elle d’un pur choix esthétique ?
Vincent Mariette : Disons qu’il s’agit d’un tout et surtout, pour moi, d’une évidence. Pour la première fois, je voyais un film en noir et blanc alors que je l’écrivais. Mais je crois qu’il y a deux raisons principales. Il me semblait d’une part, que cela conviendrait assez bien à l’atmosphère doucement onirique que je voulais faire ressentir, cette espèce de moment hors temps et, aussi un peu hors réalité, et d’autre part, cela tient au fait que je ne voulais pas rendre compte de la crudité des corps. Ça n’allait pas dans le sens du film et il me semblait que le noir et blanc permettait « d’adoucir » ce rapport aux corps du film.

Justement, alors que Léon et Bruno sont quasiment nus, le spectateur (moi en tout cas) ne ressent pas cette rencontre frontale avec la chair. On se demande alors s’il s’agit là d’une pudeur ou d’un désir d’instaurer le paradoxe entre la recherche de l’amour (le rendez-vous donné à la femme) et la « non-nécessité » du corps ?
Je voulais plutôt installer le film ailleurs, plus du côté du « Buddy Movie » que de la rencontre amoureuse, plus du côté de la rêverie aussi (l’apparition du varan, les personnages étranges). Disons que j’étais parti d’un vague postulat à la « En attendant Godot » : deux types qui attendent quelque chose qui met du temps à advenir. Qu’en font-ils ? Que se passe-t-il ? En plaçant cette histoire dans un hammam et son esthétique attenante (la vapeur, la chaleur), je me suis dit que je pouvais me permettre un peu ce que je voulais (une jolie femme aux seins nus, un type bizarre, un reptile), que je pourrais le justifier par l’incongruité du postulat et l’attente si longue dans cet endroit si chaud… Bref, je pouvais me permettre des mirages ; comme si l’attente et la parole (le fantasme de la rencontre) permettaient cette parenthèse, jusqu’à ce que la fille, finalement, et alors qu’ils ne l’attendent presque plus, arrive.

Les quelques attouchements entre Bruno et Léon (d’une rare tendresse), nous laissaient penser qu’ils découvriront une homosexualité refoulée (voire un amour refoulé). On était un peu surpris (peut-être frustré) de voir le contraire…
Je comprends mais, pour moi, ce n’était pas le propos. Je pense même que cette direction aurait été un cliché  : les deux garçons désœuvrés qui finissent par se tourner l’un vers l’autre. A ce moment-là, quand ils ont « la peau toute douce », ils s’aperçoivent dès lors qu’ils sont en train d’affleurer ledit cliché : des caresses entre hommes dans un espace moite. Si j’avais voulu mener mes personnages vers le désir homo, je pense que j’aurais fait le film autrement… Disons que je vois dans cette caresse entre potes un pendant à la scène de fin de «Superbad» (Un film de Greg Mottola, ndlr).

Vous avez également joué (sciemment, je pense) sur une certaine opposition physique entre les deux : Léon, rondelet, un peu velu et la calvitie manifeste ; tandis que Bruno est plus proche de l’archétype du séducteur (svelte, un peu musclé, chevelu et le regard charmeur)… Pouvez-vous nous expliquer ce choix  ?
Toujours dans l’idée d’aller vers le Buddy Movie. Un duo fonctionne toujours mieux quand les personnages sont physiquement et moralement à deux endroits différents. Néanmoins, je ne voyais pas le personnage de Bruno comme un séducteur, sinon il serait allé plus facilement vers la jolie fille aux seins nus…

Comment s’est faite votre rencontre avec Vincent Macaigne, comédien célèbre après sa collaboration avec Guillaume Brac ?
On se connaissait vaguement avant de passer du temps ensemble au Festival de Clermont Ferrant 2012 où nous avons sympathisé… J’écrivais le scénario à ce moment-là et ai pensé à lui assez naturellement ; assez simplement donc. Depuis nous sommes potes. Et il va jouer dans mon long-métrage…

Pouvez-vous nous en parler ?
Ça s’appelle « Tristesse Club », c’est une sorte de comédie amère. Il est plutôt dans le ton des lézards. Ça se déroule dans une ville thermale désertée suite à la tempête de l’an 2000 en France, où trois personnages (deux frères et une fille se prétendant être leur demi-sœur) cherchent à savoir pourquoi on leur a dit de se rendre à la crémation de leur père alors qu’il n’y a pas de cérémonie funéraire et que personne ne sait ce qu’est devenu ledit père.

S. H.

 
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