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La dernière reine est actuellement en projection à Alger. Cette fiction historique réalisée par Adila Bendimerad et Damien explore une zone cinématographique vierge en Algérie mais le rendu s’avère peu convaincant.
Après des mois d’attente, une première projection annulée en décembre et des informations contradictoires sur une éventuelle interdiction, le long métrage La dernière reine est enfin disponible dans les salles algériennes.
Coréalisée par Damien Ounouri et Adila Bendimerad qui joue également le rôle principal, cette fiction historique repose sur deux partis-pris : briser la pénurie de cinéma sur l’Algérie anté-coloniale et réinventer le rôle des femmes dans l’Histoire.
Dès sa sortie à l’étranger, les rumeurs allaient bon train sur les thèses du film, la «véracité» historique de son récit ou encore son approche «blasphématoire» pour certains, «salutaire» pour d’autres, quant à la présence ottomane en Algérie. Cette agitation n’a laissé que très peu de place à l’appréciation de la démarche cinématographique.
Finalement, quel film est La dernière reine ? Quelle est la proposition formelle du binôme Bendimerad-Ounouri à partir de cet Alger mi-fantasmé, mi-historique ?
D’abord, un certain malaise devant le texte introductif, censé historiciser le contexte, qui brandit une assertion aussi hasardeuse qu’oxymorique : Alger était une espèce de «république monarchique».
On a très vite une impression de manque de sérieux, renvoyant directement à ces royaumes enchantés des contes de fées où le roi est bon, aimé de tous et où la justice règne !
Mais passons, nous entrons dans le film par le biais d’une scène lumineuse et bucolique où la reine Zaphira (Adila Bendimerad), épouse du roi d’Alger Salim Toumi (Mohamed Tahar Zaoui), s’amuse avec ses suivantes dans un patio fleuri. Parallèlement, on voit Arroudj Barberousse (Dali Bensalah) fendre sur les Espagnols à Béjaïa, une bataille où il perdra son bras.
Nous sommes en 1516, Alger est assiégée par les Castillans et les chefs de tribu convainquent Salim d’appeler Arroudj à la rescousse. Au lendemain de la victoire, le premier est assassiné dans son bain, probablement sur ordre du corsaire qui veut régner sur Alger.
S’engage alors un duel féroce entre Arroudj et Zaphira, passée de reine insouciante à femme à poigne, qui doit désormais venger son époux, protéger sa ville et résister à ses frères qui veulent l’enfermer au nom de l’honneur.
Visuellement saisissant avec ses décors somptueux conçus par l’architecte Feriel Issiakhem et ses costumes plus vrais que nature signés Jean-Marc Mireté, mais aussi ses scènes de bataille impressionnantes, La dernière reine séduit davantage par sa maîtrise technique que par sa direction d’acteurs, lesquels sombrent souvent dans une théâtralité excessive.
On peut certes apprécier la prestation sobre et élégante de Imen Noel dans le rôle de Chegga (la première épouse de Salim Toumi) et quelques fulgurances de Adila Bendimerad, mais on s’agace très souvent devant des comédiens surjouant leurs émotions et déclamant des dialogues classieux, le tout semant de fait une distance infranchissable entre les personnages et les spectateurs.
Si on se laisse porter par la plastique du film, à mi-chemin entre un tableau de Delacroix et le film 300, et surtout son genre inédit en Algérie, on a du mal à s’approprier ce récit trop encombré de sentences et de psychologies peu fouillées.
Quand on connaît les atmosphères singulières de Damien Ounouri, révélées dans Fidaï (2011) et Kindil El Bahr (2016) et le jeu subtil et complexe de Adila Bendimerad dans ses précédents films, on ne peut que constater une certaine superficialité généralisée propre aux peplums et autres drames historiques moult fois consommés ailleurs.
Un manque d’épaisseur qui semble engendrer cette surenchère quasi-permanente qui atteint son paroxysme avec la «glamourisation» de la relation Zaphira-Arroudj qui bascule finalement dans une sorte d’amour-haine sensuel, là encore galvaudé par l’industrie hollywoodienne.
La dernière reine est en projection dans plusieurs villes du pays depuis vendredi dernier. S’il n’est pas le grand film qui réinvente le genre auquel on pouvait s’attendre, il demeure néanmoins un divertissement à découvrir.
Sarah Haidar