Sharon Stone. Actrice américaine : «Le cinéma américain ne reflète pas la réalité du monde arabe»
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le 08.12.13 | 10h00

 
	Sharon Stone à Marrakech.

| © D. R.
Sharon Stone à Marrakech.

C’est une Sharon Stone qui se défausse de la truculente image d’Epinal du film Basic Instinct que nous avons rencontrée. Nous avons découvert une star américaine se disant sexy, activiste contre le sida, entière, humaniste, passionnée, très intelligente, ayant de l’humour, parlant de son âge sans complexe. Elle critique les médias américains, elle honnit l’ancien président George Bush et le vice-président Dick Cheney, elle encense le président Barack Obama et l’ex-secrétaire d’Etat Hillary Clinton et espère que celle-ci se présentera à la prochaine élection présidentielle américaine.

-Qu’est-ce qui motive votre engagement agissant pour l’AmFar (The Foundation For Aids Research) ? Où puisez-vous cette force ?

Je pense que nous sommes tous destinés pour une vocation. La mienne n’est pas unilatérale. Et parce que j’aime le fait d’être une actrice. C’est une partie d’un tout. C’est une partie pour atteindre l’humanité. Et permettre à l’humanité de voir ô combien nous sommes les mêmes. Quand vous allez au cinéma, vous vous voyez dans le rôle à l’écran.

-Dans le bon et le mauvais rôles…

Le bon et le mauvais. Et vous aimez cela. Parce que vous êtes libre, seul dans le noir d’être le bon ou le mauvais. Et c’est excitant ! Et vous apprenez sur vous-même. Vous vous éclairez dans le sombre.

-Vous êtes la plus rapide «collectrice» de fonds dans la recherche contre le sida pour l’AmFar…

Quand je travaille sur la collecte de fonds, je permets aux gens de comprendre qu’ils se sentent bien, en abordant quelque chose de mauvais et difficile. Cela permet encore de prendre conscience, de changer à propos de choses qu’ils ignoraient, même de quelque chose de terrible, sombre  et  inatteignable que le sida. Vous pouvez vous amuser lors des soirées caritatives de AmFar ! Mais le faire mieux !

-Et l’activisme pacifique…

Comme j’ai fait de l’activisme dans le cadre de la lutte contre le sida à travers les voyages globaux, je ferai certainement de l’activisme de paix.

-Que ressentez-vous quand vous regardez dans le rétroviseur de votre carrière filmique ?

Oh, mon Dieu ! Vous savez, quelquefois cela ressemble lorsqu’on regarde des photos de bébés. Quand j’étais en train d’attendre dans le back-stage tout à l’heure (un clip retraçant sa filmographie a été projeté juste avant son entrée), je me suis dit : Waow ! Je fais du cinéma depuis longtemps ! Je me sens bien en regardant cela. C’est bon ! Parce que je me sens mature. Je pense  que quand vous êtes une mère, vous regardez les choses avec objectivité par opposition à l’ego juvénile. Quand vous prenez de l’âge, vous regardez objectivement avec des perspectives. Et maintenant que je suis âgée, je pense : «Jésus, je suis superbe ! (Rires). Je m’aime vraiment ! C’est tout bon pour moi ! J’ai une longue carrière. Et maintenant, j’ai de la chance. N’est-ce pas super ? j’espère continuer à faire du cinéma». Je veux dire que je suis plus calme, encore plus relax à propos de toutes les choses. Et à ce moment (de la cérémonie), je me suis sentie vraiment ravie d’être honorée en recevant cet Award rendant hommage à ma carrière. J’ai dit : «Hey ! C’est mon travail, ça ! Quelle chance que j’ai». J’étais vraiment heureuse.  

-Que pensez-vous des changements ayant prévalu dans le monde arabe ?

Je ne sens pas que j’ai assez de compréhension, comme Américaine, de tous les changements pour donner une réponse complète ou énoncer un bon jugement. Je ne sais pas ce qui se passe exactement. J’ai une idée générale. Mais je n’ai pas été assez éclairée. Parce qu’on ne voit pas assez de cinéma du monde en Amérique.  

-Le cinéma américain reflète-t-il la réalité du monde arabe ?

Christ (juron manifestant la colère ou l’indignation), que non ! Je pense qu’il y a plus d’honnêteté dans les informations d’Al Jazeera (chaîne TV d’infos continue du Qatar) que dans celles américaines. Il y a une sorte d’immaturité dans notre socialisation. Vous savez, à l’étranger, des pays sont plus engagés les uns envers les autres, parce que certains sont plus petits, d’autres parce qu’ils ne sont pas des superpuissances. Leur force mutuelle engagée fait qu’ils soient actuellement plus culturellement raffinés. L’Amérique n’est pas un environnement culturellement sophistiqué. L’Amérique est un environnement culturellement narcissique. Tout porte sur l’Amérique. Nous n’avons pas une large perspective du monde. Nous avons une sorte de perspective simpliste du monde. Bon Dieu ! Nous avions un Président qui n’est jamais sorti en dehors de l’Amérique. George Bush n’a voyagé nulle part avant d’être président. Comment cela peut arriver ? (deux fois avec colère, en tapant sur la table). C’est ridicule ! Il était président quand il a visité l’Europe. A 20h, il est parti au lit, au lieu d’aller dîner.
Comment pouvez-vous prendre des décisions d’ensemble si vous n’avez pas vu le monde. Je suis tellement excitée à propos de la possibilité de voir Hillary Clinton briguant un mandat présidentiel. Parce qu’elle a passé toutes ces années à sillonner le globe en faisant un travail sur le plan  international et de la politique. Oh Dieu, j’espère qu’elle prendra John Kerry (secrétaire d’Etat US actuel) comme vice-président. Parce qu’il a passé un peu de temps à travers le monde, en exerçant de la structuralisation. Parce que nous avons besoin d’avoir une perspective globalisée dans notre nation.

-Et le président Barack Obama…

Oh, j’aime Obama. Parce que je pense qu’Obama s’intéresse plus à notre futur. Je pense qu’il a une compréhension mûre et intelligente et une protection sociale (healthcare). Parce que nous vivons plus longtemps, qui va prendre soin de notre vieillesse ? Sûrement pas notre narcissique jeunesse, qui est totalement engagée dans ça : (Sharon Stone imitera les jeunes scotchés au portable qui envoient des SMS). Alors nous avons besoin d’une protection sociale qui va nous aider. A 54 ans (l’âge de Sharon Stone), ce n’est pas le moment pour moi d’avoir un Award saluant une carrière et d’être retraitée. Maintenant, on commence une nouvelle vie. Nous devons avoir une couverture sociale pour la seconde tranche de notre vie. Obama a fait revenir l’industrie automobile en Amérique ; il y a tout juste une semaine, il a ramené à une réalité globale l’esclavage sexuel, il a pris vraiment au sérieux la pornographie infantile. Il ne cherche pas à être populaire. Il cherche à opérer de réels changements dans le monde. Et il agit en interaction sur un niveau global. Et j’apprécie cela. C’est juste très loin de Dick Cheney qui nous vend un peu partout.

-N’avez-vous pas peur de vieillir ?

Laissez-moi vous dire quelque chose : «Je serais toujours sexy !» (Rires). Vous savez, j’ai trois enfants qui ont 7, 8 et 13 ans. Maintenant, je suis habituée à être mère depuis longtemps. C’est drôle de ramener la réalité dans un film (comme Lovelace). Au début de ma carrière, je ne me considérais absolument pas comme sexy. Et il a été très difficile pour moi de décrocher des rôles sexy.

-Comment avez-vous fait ?

Je devais utiliser mon intelligence pour trouver comment être sexy. J’avais une très bonne amie qui était éditrice de photos du magazine Playboy. Alors, je me suis dit que ce serait un pas intelligent pour moi. Parce que si je dis aux gens que je suis sexy, ils penseront que je le suis. J’ai juste à dire : «Hey look I’m sexy» (Eh regardez, je suis sexy !) Donc, j’ai dit à mon amie ce qu’elle pensait si je posais pour des photos en noir et blanc, à condition de faire une interview plutôt intelligente et drôle. Et elle a accepté. Et je l’ai fait. Cinq minutes plus tard,  j’ai décroché le rôle dans  Basic Instinct. (Rires)

-Le rôle de Catherine Tramell dans Basic Instinct vous colle-t-il à la peau ?

Cela est ma carrière. Ce n’est pas un job, un travail. Ce n’est pas une chose que tu fais, mais ce sont toutes les choses, tout le temps. Cela ne m’ennuie pas. Et ça ne me dérange pas ce que les gens pensent. Je donne le meilleur de moi-même au public, et il le prend comme il veut.

K. Smail
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