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LECON DE SCENARIO #7
Aimez-vous votre film ? |
Par Jean Marie ROTH |
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Septième étape de l’approche du scénario par Jean-Marie Roth auteur du livreL'écriture de scénarios aux éditions Chiron
Mais qu'il est bête ce type ! Évidemment que je l'aime mon film ! Depuis le temps que j'y bosse ! Non mais ! …. En êtes-vous si sûr ?
Dans une leçon précédente, j'avais abordé le sujet de l'auteur face à son œuvre. J'y posais – mais très délicatement, comme sur un coussin – cinq ou six questions de base servant à se positionner quelque peu face à son récit. Le succès de ce cours fut tel que, sous les ovations d'auteurs en délire, je conçus sous la pression de la foule de pousser plus loin l'analyse.
Plus sérieusement, fort de certaines questions que je me pose régulièrement en analysant tel ou tel scénario, ou en travaillant avec tel ou tel auteur, l'idée m'est venue de formaliser cette "grille d'écoute" de façon plus factuelle, afin de savoir, concrètement, si l'auteur, au bout du compte, aimait son film.
- Mais qu'il est bête ce type…
- S'il vous plaît…
S'ensuit un long questionnaire. Long mais souvent révélateur.
De plus, pour vous aider à aborder chaque question, j'ai ajouté à la suite dudit questionnaire un exemple concret.
Il y est autant question de l'auteur face à son projet que du projet en lui-même, ainsi que des personnages servant le projet et du "regard extérieur anticipé" face au projet. Tout un projet, non ?
Pour l'avoir expérimenté en cours, je sais qu'il permet souvent à l'auteur d'avoir une vision plus précise de son projet et de se poser "les bonnes questions" quant à ses intentions. Ainsi, il est advenu que des stagiaires prennent conscience du fait que leur thème ne correspondait pas à leur projet. Qu'ils se trompaient d'histoire ou de genre. Et que leur blocage ou leur insatisfaction provenait de là.
Toujours par expérience, je sais qu'il est très fréquent qu'un auteur se positionne mal face à son scénario et que cela mène invariablement à l'échec et au découragement.
Comme il n'y a rien de pire pour un auteur que de se tromper lui-même, je vous soumets donc ici mon questionnaire.
À consommer sans modération avant, durant, et même après écriture de votre scénario… ne serait que pour consolider votre enthousiasme avant de rencontrer un producteur.
Avant qu'il ne soit trop tard pour vous rendre compte que, peut-être, vous n'aimez pas…
- Mais qu'il est…
- Lisez plutôt !
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4 - A qui s'adresse mon scénario ?
Tintin peut se targuer de passionner les 7 à 77 ans, bien que cela puisse paraître réducteur lorsque l'on sait que d'ici une quarantaine d'années, avec les progrès de la science, l'espérance de vie sera de 140 ans.
Mais vous, aujourd'hui, pour qui écrivez-vous ?
Plutôt les femmes ? Plutôt les hommes ? Ou plutôt les deux ?
Plutôt les jeunes générations ? Ou plutôt les personnes âgées ?
Plutôt les classes moyennes ? Ou plutôt les piliers du 16ème ?
Plutôt les gens simples ? Plutôt les intellos ? Ou plutôt les intellectuels ?
Drôles de questions, non ?
Pourtant, il est très fréquent d'entendre des auteurs répondre - quant à l'une ou l'autre des séquences de leur scénario - qu'ils l'ont écrite pour faire plus jeune, pour plaire aux retraités, pour ne pas froisser la gente masculine, pour ne pas oublier les chômeurs, pour évoquer la banlieue parce que ça fait moderne, pour ne pas se mettre à dos les homosexuels, etc.
Quelle aberration !
Concrètement - sauf cas d'exception - votre souci premier doit être de vous adresser à tout le monde, sans distinction de sexe, de race, de religion, d'âge, de niveau intellectuel ou social. Finalement, votre but est d'écrire une histoire avec son lot d'émotions et il serait absolument prétentieux et erroné de vouloir sérier ou étiqueter les spectateurs.
Alors, de grâce, ne tombez pas dans le piège monumental qui consiste à vouloir plaire à tout le monde au moins un petit peu. Votre rôle est d'écrire une histoire, pas de faire une étude de marché.
Croyez-moi, à la question : à qui s'adresse mon scénario, il n'y a qu'une réponse possible : "à ceux qui aimeront le film !"
5 - Pour qui écris-je mon scénario ?
Cette question, proche de la précédente dans sa formulation, se situe en fait à l'opposé exact de cette dernière.
A cet endroit, analysez le pourquoi du comment. L'acte d'écriture est rarement gratuit. Sa pulsion première peut être conséquence de deux phénomènes :
" J'écris pour évacuer quelque chose qui me tient à cœur.
" J'écris pour adresser un message à mes proches.
Souvent, les deux peuvent se confondre.
Bien entendu, le propos sert de prétexte. Une fois encore, il est clair que vous n'allez pas directement raconter votre vie (comme nous l'avons vus au second point).
Donc, il n'est plus tant question ici de vérifier le lien unissant votre récit à votre existence, que de vérifier votre volonté éventuelle d'agir sur votre entourage.
Certains écrivent simplement pour prouver aux leurs qu'ils en sont capables. Dans ce cas de figure, le message adressé aux proches est celui d'un manque de reconnaissance. Même si l'intrigue, en elle-même, n'y fait aucunement allusion.
D'autres écrivent pour séduire celle ou celui qu'ils aiment.
D'autres encore pour gagner en notoriété.
Le but ici est donc davantage de s'attacher aux mobiles de l'acte d'écriture, plutôt qu'à ses alibis.
Cette question, contrairement aux précédentes, n'a d'importance que le fait de pouvoir l'évacuer en y répondant. Et croyez-moi, il n'y a aucune honte à admettre que l'écriture puisse également posséder une vocation interne, voire stratégique.
Enfin, lorsque ces cinq points seront très clairs pour vous, parlez-en à ma charcutière. C'est pour me faire remarquer d'elle que j'écris pour scenario-mag.
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