Roman Polanski

Mais où se cache Polanski ? Derrière sa tripotée de décorateurs, menuisiers, maquilleurs, et cascadeurs. Oliver Twist est à l’image du dossier de presse : pompeux et coûteux. Véritable engin de guerre, ce film échappe à un cinéaste noyé dans une mer d’argent. Belle intention : adapter Dickens en l’intégrant dans une veine tragi-comique populaire.
Malheureusement, et c’est le premier point, Polanski est complètement à côté de ses pompes et dégorge un film de 2h05, submergé par le savoir-faire des techniciens : rues insalubres et étroites, bâtiments victoriens écrasants, maisons de brique rouge délabrées, le vieux Londres victorien est rendu de manière tatillonne et pointue, tellement pointue que le spectateur s’ennuie dans un décor de cinéma. Les personnages caricaturaux, fagotés impeccablement à l’ancienne, outrageusement maquillés n’accèdent à aucune sorte de réalité ; Barney Clark (Oliver Twist) trahit innocemment cette tendance du film dans le dossier de presse : « Ben Kingsley [dans le rôle de Fagin] était impressionnant, (...) j’avais du mal à croire que c’était lui avec ses sales dents, ses gencives et sa barbe » : on salue les talents du maquilleur, pas la performance de l’acteur.
L’inauthenticité de ce film-performance a une première conséquence : ennui mortel pour un spectateur découragé par la longueur monotone de ces plans impersonnels. Montage très neutre, très lent : Polanski n’a pas su créer le rythme indispensable à une fresque sociale et historique de cette ambition. Et si seulement notre héros mettait un peu de sel dans cette grande industrie... Mais pas d’attendrissement pour cet Oliver Twist (Barney Clark) à la gueule d’ange (qu’on soupçonne de jouer au polo le dimanche après-midi entre deux gorgées de Twinings) alors que naïvement on imaginait un dur à cuire (un Jean-Pierre Léaud au flegme tout anglais, à vrai dire).
Et l’on en vient au deuxième point : de la difficulté de l’adaptation d’un texte littéraire. L’ironie du texte de Dickens échappe singulièrement à Polanski : le cinéaste s’endort sur une adaptation moralisante parce que partant de sentiments trop bon marché. L’insipidité du jeu des acteurs (due à la mauvaise direction d’acteurs à mettre sur le compte d’un nombre considérable de figurants et de comédiens, voir la fiche artistique...), la banalité des dialogues, négligés au profit du souci de rentabilisation de décors et costumes, autant d’éléments qui participent de l’oubli de la veine satirique de Dickens, réputé pour l’humour grinçant de ses portraits au vitriol. Deuxième conséquence : attiédir Dickens et le faire passer pour un passable emmerdeur.
En définitive, on en revient toujours à cette première interrogation : où donc est passé Polanski ?
Chloé Larouchi
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