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Le film documentaire de Lina Soualem Leur Algérie, projeté dimanche soir à la cinémathèque de Béjaïa, a remué plus d’un. Et l’on ne sort pas indemne du visionnage de ce film, intimiste et très émouvant. Le public cinéphile béjaoui a été littéralement bouleversé. Il s’est reconnu dans la vie de ce couple d’Algériens, très touchant et qui a vécu la douleur de l’exil durant des décennies. Le travail a commencé en 2017, raconte Lina Soualem à son auditoire, qu’elle retrouve après plusieurs années. Elle a eu à filmer trois longues années, poursuit-elle, toute seule, le couple : sa grand-mère, une éternelle optimiste en dépit des épreuves vécues et des vicissitudes de la vie, et son grand-père, un taiseux invétéré, Algérien typique des années 1950.
L’élément déclencheur : le divorce de ce couple, ses grands-parents, après 62 ans de vie commune. À partir de cette séparation, qui n’en est pas une, la grand-mère ayant continué à s’occuper de son mari – “décédé avant la sortie du film”, regrette Lina Soualem –, elle dit : “Je ne comprenais pas pourquoi ils se séparaient, je ne savais pas ce qu’il y avait entre eux et du coup c’était vraiment le moment décisif pour moi : la séparation a été un peu un électrochoc qui m’a fait aller vers eux. J’avais besoin de comprendre leur histoire, d’où ils viennent, quel est leur lien à l’Algérie, leur lien à la France aussi.” La diplômée en master en relations internationales à la Sorbonne a beaucoup travaillé sur “l’histoire des sociétés arabes contemporaines”.
Elle décide alors d’aller à la quête de son histoire, celle de ses grands-parents, de son père, Azedine. “Mon père, comédien, qui se réfugie dans des rôles, a fini par s’impliquer” dans son projet. Mais confesse que “tout s’est fait dans la douceur”. Quand elle a entrepris ce travail, Lina Soualem ne connaissait même pas le nom du village de ses grands-parents, Laaouamer, dans la commune d’Amoucha à Sétif. “Leur silence m’est revenu dans la figure.” Sa problématique : “Comment ce couple a vécu dans la grande histoire ?” Aussi, quand ils se sont séparés, elle les a filmés car il était important pour elle de “visualiser leur mémoire”. C’est la première fois qu’elle prend une caméra entre les mains.
Et plus est, au quotidien, ce n’était pas évident non plus. Avec le grand-père qui se complaît dans son silence. “Je sais qu’il y a cet humour de ma grand-mère. Mais je sais intimement que leur silence est la traduction de leur souffrance.” Forcément, elle avait mis du temps à questionner ce grand-père. Plus encore, expliquera Lina, “on n’a jamais parlé de cette période”. Sa grand-mère a dit avoir laissé tout derrière elle. Et dit qu’elle a effacé tout de sa mémoire et avoir vécu des débuts difficiles et une fin tout aussi difficile. Elle fait allusion à sa séparation avec son ancien compagnon.
Heureusement qu’entre les deux périodes “j’ai eu des enfants, des petits-enfants et des arrière-petits-enfants”. Quant au grand-père, il n’a commencé à s’y intéresser qu’après le voyage entrepris en Algérie à Laaouamer (Amoucha) par sa petite-fille. Lina a réussi à le reconnecter, par l’esprit, à cette terre qu’il a dû laisser depuis des décennies.
M. OUYOUGOUT