Oscar 2014

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1. Il est issu de l’art contemporain
Avant de s’imposer avec "12 years a slave" dans le temple du cinéma mainstream, Steve McQueen avait déjà gagné le respect du petit monde de l’Art contemporain dans les années 90. Formé à la Chelsea School of Art et au Goldsmith's College à Londres, puis à la Tisch School of the Arts de New York où il reste un an, le cinéaste londonien ne tarde pas à se faire remarquer par ses vidéos expérimentales, exposées dans les musées les plus prestigieux - Guggenheim, Tate Gallery, etc. Pour autant, ses films n’en demeurent pas moins accessibles, régis par quelques principes simples qui percutent l’œil immédiatement : puissance de l’image, radicalité du cadre (la caméra braque le ciel au dessus du front d’un homme – McQueen – durant les 9 minutes de "Just above my head" en 1996), situations extrêmes et cruciales comme la femme funambule dont on suit la progression dans "Five Easy Pieces" (1995). "Deadpan" (1997) reste sa vidéo la plus célèbre. McQueen revisite un gag de Buster Keaton en filmant la façade d’une maison s’effondrer sur le sol. Mais l'édifice épargne un homme situé à l’endroit exact où tombe l’encadrement d’une fenêtre.
2. Il est fasciné par les sujets tabous
McQueen le disait lui même à CinéObs durant la sortie française de "12 years a slave" : tous ses longs métrages abordent la question "de la violence sociale imposée aux individus. Dans "Hunger", il s'agissait de la guerre en Irlande, de l'IRA, du traitement infligé à Bobby Sands (héros du film, activiste de l’IRA, soumis à la violence carcérale anglaise NDLR), de sa mort, et "Shame" décrivait l'addiction sexuelle (d'un héros nymphomane incarné par Michael Fassbender NDLR)provoquée par l'envahissement des médias par la pornographie. De même que personne ne veut parler de tout cela, personne ne souhaite s'interroger sur la vraie nature de l'esclavage."L’essentiel de son travail repose sur ce principe : montrer ce qui est interdit, embarrassant et transformer ces tabous en oeuvres d'art. Dans "Hunger", il filme les excréments étalés sur les murs de leur cellule par les détenus de l’IRA comme une fresque d’art contemporain – de même que les humiliations et les tortures policières appréhendées comme autant de "performances" arty. Dans "12 years a slave", il montre l’asservissement radical d’un homme libre : le sang qui jaillit après une kyrielle de coups de fouets, son renoncement face à l’autorité, son acceptation progressive de la servilité, traitement qu’il infflige autant à son héros qu’au spectateur.
3. Sa signature de réalisateur : l’enregistrement clinique
Pas étonnant que Steve McQueen cite à de nombreuses reprises Robert Bresson. C’est vrai qu'il y a dans "Twelve years a slave" une frontalité évoquant (du moins dans l’esprit) "Un condamné à mort s’est échappé". McQueen se revendique également de la Nouvelle Vague et d’Andy Warholdont il reprend le principe d’enregistrement clinique. Une tendance lourde du cinéma expérimental qu’il exporte volontiers dans ses longs métrages sur un mode éminemment glauque et grave. "Hunger" n’était structuré que par ses plans fixes embrassant sans ellipse ni pause sur le calvaire de Bobby Sands (Michael Fassbender) – tortures policières et délitement physique par la grève de la faim. De la même façon, " 12 years a slave" saisit les bastonnades et les coups de fouet dans leur durée intégrale. C’est au spectateur de détourner le regard, puis d’accepter et de partager l’état d’engourdissement et de résignation des victimes à l’écran.
Certes, la méthode McQueen a ses adeptes, comme en témoigne le triomphe de "12 years a slave" et les nombreux prix glânés par les films précédents. Mais il n’est pas interdit de se montrer sceptique quant à l’ambiguïté du procédé. Dans tous ses films, la frontière entre la captation clinique et le racolage actif demeure tout de même assez mince.
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