Le documentaire "Sacro GRA", vainqueur surprise du Lion d'Or à Venise
Le documentaire "Sacro GRA", vainqueur surprise du Lion d'Or à Venise
 
Le réalisateur Gianfranco Rosi.
 
© TIZIANA FABI / AFP

"Sacro GRA", documentaire italien de Gianfranco Rosi, a remporté le Lion d’or à la Mostra de Venise samedi soir. "Miss Violence" d'Alexandro Avranas et "Stray Dogs" de Tsai Ming-liang ont également été récompensés.

 
Par FRANCE 24  (texte)
 

À la surprise générale, le jury de la 70e Mostra de Venise a remis le Lion d’Or au documentaire "Sacro GRA", dirigé par l’Italien Gianfranco Rosi. Le film, qui s’attache à la vie autour du boulevard périphérique qui contourne Rome, le Grande Raccordo Anulare (GRA), a été acclamé par la presse et le public italiens, mais a suscité peu d’enthousiasme chez les autres critiques de cinéma.

 

 

 

Le Lion d’argent du meilleur réalisateur est revenu à Alexandro Avranas pour son long métrage "Miss Violence", chronique d’une famille dysfonctionnelle qui tourne au cauchemar. L’équipe du film est également repartie de Venise avec la statuette du meilleur acteur pour Themis Panou.

 

 

 

Palmarès étonnant

La troisième récompense - le Grand prix du jury - a été remise à Tsai Ming-liang pour "Stray Dogs", portrait sombre d’une famille pauvre de Taipei. Si ce long métrage a quelques défenseurs passionnés, il a mis à mal la patience de beaucoup de journalistes, avec son abondance de plans fixes interminables. Dans une scène longue de 11 minutes, qui a été amplement commentée par tous les festivaliers, un homme se pelotonne contre un chou, puis le dévore tout en réprimant un gros sanglot.

Du côté des comédiens, le prix de la meilleure actrice a été attribué à Elena Cotta pour sa performance de femme âgée dans "Via Castellana Bandiera", une comédie noire signée Emma Dante. Beaucoup de critiques de cinéma auraient aimé que Judi Dench rafle cette récompense pour son rôle dans "Philomena", un tire-larmes apte à plaire aux foules proposé par Stephen Frears. Mais ce film a finalement remporté le prix du meilleur scénario. Chez les hommes, le jeune Américain Tye Sheridan a reçu, à juste titre, la statuette du meilleur jeune espoir, pour un rôle difficile d’adolescent vivant un enfer chez lui dans le long métrage "Joe" de David Gordon Green.

Le jury laisse en revanche perplexe lorsqu’il choisit de saluer le dernier film de Philip Groning, "The Police Officer’s Wife", un long métrage très maniéré de trois heures sur les violences domestiques.

 

 
De gauche à droite : l'actrice Dakota Fanning, la réalisatrice Kelly Reichardt et l'acteur Jesse Eisenberg, à la Mostra de Venise.

 

De façon générale, la critique a été déboussolée par ce palmarès, alors que beaucoup de journalistes avaient misé tous leurs espoirs sur lefilm au suspens digne d’un Hitchcock signé Xavier Dolan, "Tom à la ferme" ; sur l’œuvre de Kelly Reichardt, "Night Moves", un film épineux sur trois militants de l’environnement dans l’Oregon – qui a d’ailleurs été primé au festival de Deauville ; ou encore sur le dernier opus de Hayao Miyazaki, "The Wind Rises".

"Under the Skin", film de Jonathan Glazer mettant en scène Scarlett Johansson en extraterrestre dans un environnement de science-fiction, a également eu ses fervents défenseurs, mais est reparti de Venise les mains vides.

 

 

 

Polémique sur les films américains

Ce palmarès inattendu est emblématique d’un festival aventureux et inégal, qui n’a pas réussi à mettre tout le monde d’accord sur un film, comme c’était le cas à Cannes avec "La vie d’Adèle" d’Abdellatif Kechiche.

Il est étonnant de mesurer l’écart entre les propos du directeur du festival, Alberto Barbera, qui se vantait, lors de la conférence de presse en juillet, de la présence en compétition d’importants films américains et britanniques, et le palmarès de samedi soir, où aucun de ces longs métrages n’a été primé.

Plus inquiétant, dans une interview au quotidien "Le Monde", Alberto Barbera s’est ouvertement plaint de l’attitude des producteurs et distributeurs américains, qui réservent leurs sorties pour le public américain dans les festivals de Telluride (États-Unis) et Toronto (Canada), et boudent un festival de renommée internationale comme Venise. "Avec les Américains, ça devient un cauchemar", résume le directeur.

Alberto Barbera est allé jusqu’à dénoncer nommément le réalisateur britannique Steve McQueen, qui a réservé un film choc sur l’esclavagisme, "12 Years a Slave" avec Michael Fassbender, Brad Pitt et Chiwetel Ejiofor, pour une avant-première à Toronto et à Telluride. Le cinéaste n’acceptait de venir à la Mostra qu’à condition que le festival paie le déplacement pour une équipe de 50 personnes.

Les deux festivals nord-américains - Toronto et Telluride - n’ont certes pas le glamour bien rôdé de Venise ni son prestige, mais attirent néanmoins un très large public et programment des films à Oscar comme celui de Steve McQueen.

La Mostra de Venise a tout intérêt à présenter, pour sa 71e édition l’année prochaine, des noms incontournables du cinéma, afin de protéger la réputation du festival comme l’un des événements incontournables du cinéma international, et faire oublier son palmarès un peu pauvre de samedi soir.

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