La femme est-elle l?avenir du cinéma maghrébin ?
La femme est-elle l’avenir du cinéma maghrébin ?. |
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Corrélativement à la mutation de ses thèmes et de ses valeurs, le cinéma maghrébin voit de plus en plus de femmes intégrer son univers. de fait, depuis un peu plus de 30 ans, elles investissent tous les secteurs - production, réalisation, distribution, exploitation – jouant un rôle en nette et constante évolution. Une génération de réalisatrices (Benlyazid, Nejjar, Bourquia, Beccar, Tlaltli, Chouikh, …) ont ainsi fait une entrée éblouissante dans un monde jadis propriété privée de l’homme. Et ce n’est pas seulement au niveau de la réalisation que le septième art se féminise, le phénomène touche tous les secteurs : montage, scénario, cadrage, effets spéciaux, maquillage, production, distribution… Un coup d’œil sur les génériques des films des années 70 et sur ceux des années 2010 permet de constater que la femme n'est plus simple comédienne, elle est désormais aussi derrière la caméra, ou occupe des postes de décision exigeant des choix esthétiques, sociologiques et culturels. Ce nouveau regard féminin ne se contente pas de se confronter au statut de la femme maghrébine dans la société, il va plus loin en dénonçant les images traditionnelles : femme faible, docile, dangereuse, diabolique, etc. façonnées par les l’homme, afin de rendre compte de manière plus approfondie et plus complexe de l’être maghrébin. C’est pourquoi le cinéma maghrébin a besoin du regard provocateur et batailleur des femmes. Après les indépendances, le cinéma maghrébin a mis les femmes dans des situations d’exclusions professionnelles. L'objectif de ce système était de les évincer des structures de production et de réalisation, alors qu'elles avaient longtemps été les meilleures critiques et historiennes de la cinématographie maghrébine. Les métiers dits féminins leur étaient toutefois ouverts: scriptes, maquilleuses, monteuses, chefs-monteuses et scénaristes.
La notion de frontière et de rupture, entre deux univers régis par la séparation sexuelle est clairement pointée dans des films tels que, en Algérie, Le Vent des Aurès (1966) etChronique des années de braise (1974) de Mohamed Lakhdar Hamina, L’Opium et le Bâton (1969) d’Ahmed Rachedi. En Tunisie : Houria (1987) de Sid Ali Mazif, Halfaouine (1990) de Férid Boughédir et Tunisiennes (1998) de Nouri Bouzid marquent deux décennies. Il convient aussi de citer le travail de Nedjia Ben Mebrouk dans Trace (1988). Au Maroc, Jillali Ferhati, dans Poupées de roseaux (1981) a le mérite de poser le problème de la sujétion féminine à l’ordre social. Les hommes leur eboîtent le pas, en 1995 le public marocain est séduit par une comédie de Mohamed Abderrahmane Tazi, À la recherche du mari de ma femme. Ainsi, le cinéma maghrébin, avec ses hauts et ses bas, a souvent été à l'avant-garde de la cause des femmes. Dès les premières heures de sa naissance, il a essayé de réhabiliter celles-ci dans son instinctive exigence de dignité, d'égalité et de vérité.
En réalisant leurs propres films, les femmes ont réussi à transformer l'expression cinématographique en un espace de création contre l’oppression, se faisant porte-paroles des mémoires, des souffrances, mais aussi des espoirs au féminin.
Laakri Cherifi
07/12/2012 |