Cinéma Algérien

 

Interview avec Boukhalfa Amazit, journaliste et scénariste

 

Entre médiocrité des scripts et commémorations officielles 

 

  

 

Plume connue dans le monde de la presse, par son expérience, sa gouaille et son talent, Boukhalfa Amazit s’est spécialisé dans l’écriture des scénarios historiques. Il se confie à Bab edd’Art. 

 

Pour avoir de bons films historiques, il faut de bons scénarios. A-t-on en Algérie, de bons scénaristes ?

 

De la qualité de la pâte dépend celle du pain. Sans un bon scénario, il n'est pas de bon film. Les films algériens ont hélas souvent souffert et souffrent encore, de l'indigence des scripts qui les portent. S'agissant du film historique vous me direz qu'il s'agit de se  baisser pour ramasser les sujets. La richesse du patrimoine aussi bien que la virginité du domaine, plaident pour une scénarisation diversifiée de notre héritage. Ce n'est pas toujours le cas même si nous devons à la vérité de dire et c'est un fait constaté, qu'il y a de plus en plus de talents qui se révèlent. Le scénario comme tout autre produit intellectuel s'apprend. Il répond à des techniques de narration dont les écoles dispensent l'enseignement. L'autre solution consiste à travailler directement avec un réalisateur. Le talent conjugué des deux intervenants fondamentaux du film, peut donner des fruits.. Autrement dit, si elle la confirme, l'exception ne fait pas la règle. On ne s'improvise pas du jour au lendemain scénariste.   

 


Pensez-vous que les médias algériens accordent de l'importance aux écrits sur la mémoire algérienne ?

 

Je ne pense qu'il existe sur terre plus orpheline que l'histoire de l'Algérie. Elle mendie un regard, un intérêt quelconque de ses enfants. Ils l'ont abandonnée dans un asile comme on abandonne ses parents à l'assistance. Elle est atteinte d'un "commémoratisme" stérilisant. On la convoque quand on en a besoin. Il faut bien se montrer avec elle comme pour dire qu'on descend de quelque part et qu'on a un passé. On la vêt à ces occasions d'oripeaux politiques justifiant les pouvoirs qui se succèdent et les hommes du pouvoir qui bombent le torse en se photographiant avec elle. L'histoire est tripatouillée, triturée, malaxée, pétrie à l'envie. Au grand dam des historiens et surtout des acteurs, pour ce qui concerne l'histoire de la guerre de Libération. C'est une histoire administrée ! Le président Ben Khedda parlait de "fonctionnaires de la Vérité" ! Les médias pas plus que les autres secteurs de la communication et de la culture sont à mille et une lieues de traduire l'immensité de ce passé d'où chaque citoyen algérien puise sa force et sa fierté.

  

Vous travaillez notamment avec le commandant Azzedine, comment expliquer cette complicité ?

 

Mon amitié avec le commandant Si Azzedine date de près d'une quarantaine d'années. Je l'ai connu après qu'il eut publié son deuxième livre après "On nous appelait fellagas", qui s'intitulait : "Et Alger ne brûla pas". Il a été un des tous premiers acteurs de premier plan de la guerre de Libération nationale qui a écrit sur ce moment sans doute le plus important de notre histoire nationale en tous les cas de la période s'étalant sur tout le 20ème siècle. Cette complicité est née de mon intérêt pour la grande guerre patriotique pour l'indépendance nationale et de sa volonté de transmettre son expérience et celle de tous ceux qui comme lui ont se sont donné corps et âme pour la liberté.

Nous avons commencé par faire le premier film politique de l'histoire du cinéma algérien qui s'intitulait "Le Moulin de M. Fabre", réalisé par Ahmed Rachedi, film qui est resté dans ses boîtes deux ans durant après qu'il fut produit pourtant par l'ONCIC qui était un organisme public. Nous avons écrit plus tard "C'était la guerre" avec Jan Claude Carrière, une coproduction entre les télévisions algérienne et française (France 2). Egalement réalisé pour la partie algérienne par Rachedi et Maurice Failvic pour les Français.  Un fil en deux parties (2 fois 90mn), il n'est jamais passé sur la télé nationale. Pourtant il a obtenu le FIPA d'or de Cannes équivalent de la palme qui récompense le cinéma. Nous avons également écrit "Point Final", un docu-fiction produit par le ministère des Moudjahidine et mis en scène par Rachedi et enfin Krim Belkacem dont Rachedi vient de terminer le tournage et qui en est à sa phase de montage.

 

Un projet en préparation ?

 

Ainsi que l'a annoncé Si Azzedine la semaine dernière, nous sommes sur le script d'un fil sur la prise d'otages de Tiguentourine (In Amenas). C'est un autre sujet mais il s'agit toujours de l'Algérie. Ancienne ou moderne l'histoire de notre pays est une source inépuisable d'inspiration. Il n'est qu'à se retourner et se servir. 

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