Un scénariste qui s’attaque à un projet de sa seule initiative prend le risque considérable que son scénario finisse son existence sur une étagère. Convaincre un producteur d’investir sur son script est une démarche longue et frustrante, et, pour qu’elle ait une chance d’aboutir, l’auteur doit mettre toutes les chances de son côté. La première étape consiste à préparer le dossier qui accompagnera, présentera, mettra en valeur le scénario, et souvent même, le remplacera dans le processus de négociation.
Après des mois de recherches, de documentation, de réflexion et de préparation, le scénariste peut enfin se lancer dans la phase d’écriture. Il se peut qu’il travaille en convention avec un producteur, ou un réalisateur, un diffuseur (chaîne de télévision), auquel cas le projet sera suivi à chacune de ses étapes (traitement, continuité dialoguée) par les divers intervenants. Le scénario sera réécrit plusieurs fois, jusqu’au moment où le producteur donne le feu vert pour le tournage. Certains scénaristes supportent difficilement d’être « encadrés » de la sorte durant leur phase de création, mais cette collaboration a deux énormes avantages pour un auteur : il est payé durant l’écriture de son scénario et il a de grandes chances que son ouvrage soit tourné.
LE SYNOPSIS
C’est une pièce maîtresse du dossier car, dans la plupart des cas, elle remplacera le scénario. Si le scénario lui-même fait partie du dossier, c’est à la lecture du synopsis que le destinataire décidera de lire ou non la continuité dialoguée. En clair, si le synopsis est mauvais, le script ne sera même pas feuilleté. C’est d’autant plus vrai que, dans la plupart des cas, les sociétés de production demandent expressément aux auteurs de n’envoyer que le synopsis. Il y a deux raisons à cela. Tout d’abord, certains producteurs reçoivent tellement de projets qu’il n’ont pas le temps de tous les lire, c’est pourquoi un résumé de l’histoire leur permet de faire un premier tri. Ensuite, il est rare qu’un producteur ou un réalisateur soient à la recherche d’un projet « clés en main », ils souhaitent s’impliquer dans l’aventure dès sa genèse.
LE SYNOPSIS est un court texte (une ou deux pages pour un court-métrage, entre cinq et dix pour un long métrage) qui résume l’intrigue du film, le déroulement de l’histoire. Il résume succinctement l’action qui se déroule dans les scènes, mais en aucun cas les dialogues. Mais attention ! Il ne faut pas confondre le texte que l’auteur va écrire à la va vite au moment où jaillit l’idée et le texte qu’il enverra à un producteur pour le convaincre d’investir, ce serait suicidaire. Nous l’avons vu, le synopsis va devenir le porte parole, l’emblème du futur film, aussi doit-il en défendre les couleurs et l’esprit. Lorsqu’on lit un synopsis, la structure du film, la construction de l’intrigue, doivent être palpables. Les grands traits de caractère des personnages doivent aussi apparaître dans ce document, le texte doit retranscrire fidèlement l’atmosphère du script, les thèmes qu’il aborde, les questions qu’il soulève… Autant dire que l’écriture d’un bon synopsis ne prend pas cinq minutes. Certains auteurs expriment leur frustration de ne pouvoir envoyer qu’un synopsis pour défendre leurs projets. Ils ont l’impression que tout le temps consacré à l’écriture de la continuité dialoguée est perdu. Mais le moment où un scénariste est le plus en mesure d’écrire un synopsis fidèle et efficace se situe justement après l’écriture du scénario, alors que le projet est déjà mûri, élaboré. Quand un auteur a la chance de nouer un contact, de décrocher un entretien avec un producteur, un réalisateur, grâce à un synopsis, il doit alors être en mesure de répondre à de nombreuses questions, il n’a pas le droit à l’hésitation ou à des réponses vagues, approximatives. Lorsqu’on se lance seul dans l’aventure d’un scénario, il faut être prêt à travailler « à perte », c’est-à-dire sans être rémunéré, il ne faut ménager ni son temps, ni sa peine, tout en gardant à l’esprit que le projet n’aboutira peut-être jamais…
LA NOTE D’INTENTION
C’est l’autre grande alliée du scénario. Il s’agit pour l’auteur d’écrire un texte qui explique son envie de raconter cette histoire et pas une autre. Beaucoup de jeunes auteurs vivent cette étape comme une contrainte, parce qu’il ne savent pas en fait ce qu’ils vont dire dans cette lettre. Mais, au fil des ans, et des refus, ils finissent presque toujours par se rendre compte à quel point ce fameux document peut leur être utile, voire indispensable, parce qu’ils comprennent qu’un scénario ne peut séduire personne s’il n’est pas ouvert. Quand on sait que le potentiel de l’histoire sera jugé sur le seul synopsis, on réalise l’impact que peut avoir une note d’intention. Même le plus brillant des synopsis ne peut pas exprimer tout le potentiel d’un projet.
LA NOTE D’INTENTION est un texte qui permet de présenter les personnages, les thèmes abordés dans le film, leur résonance avec l’actualité, leur universalité, bref, tout ce qui constitue l’univers du scénario. Lorsque l’histoire se déroule à une autre époque, dans un autre pays, voire sur une autre planète, la note d’intention permet à l’auteur de poser les bases, de dresser le décor, de son œuvre. C’est aussi l’occasion, et c’est un passage obligé, pour le scénariste de défendre l’intérêt de son histoire, l’originalité de son point de vue, l’impact que le film peut avoir sur le public. C’est un document très personnel dans lequel l’auteur et sa sensibilité se dévoilent, il n’y a don pas d’exemple type. Néanmoins, voici quelques pièges à éviter :
_se présenter comme le nouveau Kubrick, Spielberg, Lynch, Audiard…
_se monter obtus, trop vouloir expliquer au réalisateur potentiel comment filmer le scénario
_dénigrer les films du même genre
_faire de la psychanalyse de « bazar » à propos des personnages (expliquer ce qui est limpide)
_n’écrire que dix lignes
_écrire vingt pages
_être complaisant ou imbus de soi-même
_raconter sa vie au lieu de parler du film
En résumé, la note d’intention doit compléter avantageusement le synopsis, présenter le projet sous son meilleur jour, donner envie au destinataire de lire (enfin !) le scénario.
LE SCENARIO ou CONTINUITE DIALOGUEE
Rien n’empêche l’auteur de le joindre au dossier. Parfois, dans le cadre des concours par exemple, c’est même demandé.
LE SCENARIO est la transcription fidèle de tout ce que le spectateur verra à l’écran. C’est un outil de travail et en aucun cas un texte littéraire, il s’agit de créer des images. Scène après scène, il décrit les décors, les personnages et leurs actions et, bien entendu, on y trouve les dialogues. Pour plus d’informations, voir l’article « Le métier de scénariste ».
En ce qui concerne la présentation du scénario, je ne saurais que trop vous conseiller l’ouvrage de Philippe Perret et Robin Barataud (voir bibliographie dans « le métier de scénariste ») qui explique et détaille toutes les conventions de cette écriture particulière. Revoyons tout de même quelques règles et conventions de base :
· une page de scénario = une minute à l’écran
· conclusion logique, un scénario de long métrage qui comporte 30 pages, ou 300, paraîtra suspect et desservira le projet
· il faut séparer distinctement les intitulés de scènes, les didascalies et les dialogues
· si la familiarité, voire la grossièreté peut trouver sa place dans les dialogues, elle est inacceptable dans les didascalies
· la grammaire et l’orthographe doivent être irréprochables, c’est évident en théorie, mais en pratique…
· il faut numéroter les scènes, sinon, le lecteur s’y perd
· il vaut mieux numéroter les pages du scénario
· les didascalies doivent être claires et concises, pas littéraires et poétiques
· pas de dessins, petites fleurs, œuvre impressionniste ou fresque rupestre sur la couverture, c’est inutile et signe d’amateurisme
· nul besoin d’indiquer le numéro de dépôt sur la couverture, c’est encore une marque d’amateurisme, le dépôt est considéré comme un fait acquis
Enfin, le scénariste ne doit pas oublier l’aspect budgétaire de son œuvre, nous ne sommes pas aux Etats-Unis. Don, exit l’accumulation d’effets spéciaux hors de prix, de décors et de lieux de tournage dignes de George Lucas…
La protection de l’œuvre
C’est une étape fondamentale et antérieure à toute démarche professionnelle. Non pas que le vol de scénario soit monnaie courante, mais parce qu’un scénario passe dans de nombreuses, très nombreuses mains (sauf dans le cas bien connu de la case « poubelle ») et que c’est le seul moyen légal pour l’auteur de revendiquer la paternité de son œuvre. Divers organismes proposent un service de dépôt de manuscrits, la SACD et la SGDL entre autres, vous trouverez leurs coordonnées dans l’article « Le métier de scénariste ».
Attention cependant ! S’il est très simple de protéger un scénario, c’est une démarche beaucoup plus difficile et sujette à caution en ce qui concerne un synopsis. En effet, on ne peut pas protéger légalement une simple idée mais la manière de la traiter. Et, n’en déplaise à l’ego de certains auteurs, aucune idée n’est à la base unique et révolutionnaire. Or, nous l’avons vu précédemment, le synopsis est justement le document que le scénariste va devoir présenter en premier. C’est une raison de plus pour que ce document soit le fruit d’un travail scrupuleux, élaboré, afin qu’il démontre sans équivoque l’originalité et le professionnalisme du projet et de son auteur.
Copyright©Nathalie Lenoir 2002