Cinéma algérien : la nouvelle vie de L’Archipel de sable
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le 12.10.13 | 10h00

 
	Le réalisateur Ghaouti Bendeddouche.

zoom | © D. R.
Le réalisateur Ghaouti Bendeddouche.

Ghaouti Bendeddouche, habile metteur en scène, a fait un film de pure fiction, avec un ton historique, lyrique et allégorique,
qui est récemment ressorti sur l’écran du Mougar.

Il y a des films algériens qui mûrissent en vieillissant. L’Archipel de sable, de Ghaouti Bendeddouche, qui a subi les aléas de la distribution en Algérie, a fait une réapparition inattendue et certainement très méritée, car c’est une œuvre brillante et très peu académique. Saluons au passage le programmateur du Mougar qui l’avait remise sur l’écran et qui reçoit toujours si gentiment les journalistes... L’Archipel de sable possède beaucoup de qualités. C’est un travail de mise en scène, de bonne tenue et qui, dès le départ, rompt de manière originale avec la tendance courante de productions qui marquent les grandes dates anniversaires. Nombre de productions pour le 50e anniversaire sont de second ordre.

Pas L’Archipel de sable : scénario et dialogue très brillants du poète Mourad Bourboune, images du grand chef opérateur, directeur photo Allel Yahiaoui, musique originale de Mohammed Rouane, production exécutive du joyeux et remuant Bachir Derraïs, et enfin, il faut le redire, un travail de mise en scène éminemment sérieux, sans faute. Ajoutons à cette excellente équipe d’un film tourné dans les régions de Biskra, El Oued et Laghouat, les bons acteurs que sont Hamid Remmas, l’ingénieux rescapé du TNA, entouré d’Emmanuel Texerand, Yves Colignon, Frank Jazede. On est à la veille de la Seconde Guerre monndiale.

L’Algérie est marquée de révoltes populaires contre la domination coloniale, Zaâtcha et beaucoup d’autres soulèvements puissants. Ces menées subversives vont saper l’arrogance de l’occupation et de la dépossession, comme le dit Jacques Berque. Le héros de cette histoire est un artiste peintre, frère imaginaire de Dinet, qui quitte le glauque climat de France et arrive dans le sud de l’Algérie. C’est un pacifiste, et très vite, il se heurte frontalement aux représentants du régime colonial. Toute la mise en scène de Ghaouti Bendeddouche tord le cou aux thèmes habituels de certains films algériens qui laissent croire qu’il y a, d’un côté, les bons Algériens et, de l’autre, les méchants Français. Ici, dès le départ, Berthier, le peintre, prend ses distances du pouvoir militaire d’occupation et se lie d’amitié à Gacem, responsable d’une confrérie soufie, qui lui a sauvé la vie.

Du coup, devant la repression aveugle, l’artiste prend en intimité profonde l’armée étrangère et néanmoins celle de son pays. Tous les forts en thème réunis autour de cette œuvre, acteurs, mise en scène, dialogues, images, musique se sont aussi appuyés sur des éléments visuels extraordinaires. Les décors du sud de l’Algérie sont superbement rendus à l’écran par Allel Yahiaoui. Toutes ces dunes de sable magnifiques et pourtant L’Archipel de sable est à mille lieues des films exotiques, clinquants ou folkloriques. Dunes, hommes, chameaux, chevaux, tout ici fontionne très bien. On voit même des scènes réjouissantes de chevauchées en chameaux, malgré le contexte tragique.

A ce propos, les scènes de violence, de repression, l’abandon des villages incendiés sont placés sous le signe d’une mise en scène vibrante, frappante de tragique vérité. Et aussi, cette séquence d’anthologie où on n’entend que des prières : le deuil autour du corps du patriarche, père de Gacem. Un moment d’une qualité rare, très sobre et très émouvant à la fois. Bref, c’est un grand plaisir de voir et revoir L’Archipel de sable, belle œuvre du cinéma algérien présent et qui restera un classique du cinéma tout court.

 

Azzedine Mabrouki
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