Cinéma: Algérie pour toujours mais gare au navet!

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cine-oranLes promoteurs et financiers du film Algérie pour toujours, en tournage dès cette semaine à Oran risquent, contrairement à la volonté exprimée de vendre une image positive du pays, de voir se produire l’effet contraire.

Le projet de cette fiction de catégorie «action», pour ne pas dire «navet», a été présenté en grande pompe vendredi soir au Méridien. Jean-Marc Minéo à qui a été confiée la réalisation est un illustre inconnu dans le domaine du 7e art. Intitulé Bangkok renaissance, son seul long métrage, réalisé en 2011, est tourné en Thaïlande (financements locaux). Un extrait de la bande annonce a été projeté et c’est ce contenu qui donne déjà un avant-goût de ce que sera le film financé par les Algériens, un échange de coups de poings et de coups de pieds comme dans des séances d’entrainement d’arts martiaux. Une équipe thaïlandaise et française de spécialistes et de champions de sports de combat séjourne déjà sur place et a entrepris de former de jeunes karatékas locaux. En dehors de la noblesse du sport, voilà un exemple de transfert de savoir-faire dont on peut très bien se passer !

Le réalisateur lui-même est issu de ce milieu et passe pour avoir séjourné dans un temple Shaolin en Chine. Mais cette sagesse et cette philosophie séculaire chinoise n’entre apparemment pas en compte dans les préoccupations de son prochain film.
Jean-Marc Minéo s’est dit ravi d’être en Algérie et la revendication d’une grand-mère algérienne ajoute du piment à sa motivation, c’est-à-dire en plus de l’argent qu’il va toucher. Avec lui, le célèbre comédien Smaïn qui renoue une fois encore avec son pays d’origine.
«Je reviens toujours avec la même émotion», s’est-il exclamé avant de se permettre une suggestion : «Il est temps de passer à autre chose, le cinéma algérien est caractérisé par la critique sociale…»

Curieuse réflexion pour quelqu’un qui doit justement sa carrière et sa renommée à cette critique subtile et judicieuse où il excelle. «Du héros de la guerre d’Algérie, on passe aujourd’hui au héros…», ajoute-t-il en marquant un long moment de réflexion avant de lâcher le mot «héros actuel». Le synopsis du film fait état d’un complot OAS, ce qui convient parfaitement à ce genre de film, où l’histoire, pour être simpliste, exige que le méchant soit unanimement et bien identifié. Evidemment, on est loin des préoccupations historiques, car l’intrigue (s’il y en a) se déroule aujourd’hui, c’est-à-dire 60 ans après la naissance de cette funeste organisation, mais on voit bien que, contrairement à ce que pense le beur qui n’est jamais devenu président, que la «guerre d’Algérie est toujours là». Mais il faut savoir que toute une panoplie d’acteurs algériens participe au projet, comme Adjaïmi ou Bahia Rachedi, obligée de faire des pubs pour arrondir les fins de mois.
Les pauvres comédiens sont théoriquement au chômage à défaut d’une industrie cinématographique (ou plutôt d’un cinéma tout court) algérienne.

La fiction promet d’être sans épaisseur et le comprend mieux avec la participation de la chanteuse (malheureusement sans carrière) Yasmine Amari, dans l’uniforme d’un colonel des services secrets. Une autre chanteuse, française cette fois, est mise à contribution : Lorie (pour Laure Pester, ancienne patineuse connue aussi pour son apparition dans un épisode du feuilleton Les feux de l’amour). La référence Bangkok, pour le public local, c’est aussi une parodie des arts martiaux, un film d’«action» (distribué sur support CD) fiancé par une agence de voyages oranaise et mettant en scène le comique Mustapha Bila Houdoud dans la peau d’un ninja. Il est évidemment de la partie dans ce nouveau film en compagnie de son comparse Barracuda (L’Oranais, pas celui de l’Agence tous risques). Présenté comme une cerise sur le gâteau, les animateurs de la rencontre ont annoncé la participation de Mike Tyson qui séjournera en Algérie pour une semaine afin, déclare le réalisateur, de tourner avec lui les scènes qui le concernent. On a tendance à l’oublier, mais ce boxeur, ancien champion, a été condamné pour viol. En fin de carrière, se retrouvant en faillite, il fait des exhibitions pour payer ses dettes. Un bloggeur qui a analysé «le maxi navet du cinéma français réalisé par Jean-Marc Minéo en Thaïlande» a eu cette réflexion sur le Net qui reste à méditer : «Le cinéma algérien n’avait franchement pas besoin d’un tel boulet pour assombrir son blason. Et il ferait mieux de financer ses authentiques talents.»

Djamel Benachour, El Watan
 
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