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le 17.01.14 | 10h00 Réagissez
- Zabana !, le fruit d’une commande ?
Pas le moins du monde. L’idée a commencé à germer sur le tournage de Vivantes ! (2007, ndlr). Une «commande» voudrait dire aussi un budget confortable, sauf qu’en dinars constants, Zabana ! aura été un des films, de ce genre, au budget le moins-disant. Et avec ça, Yacine Laloui (Laïth Media,ndlr) a construit une monumentale prison de Barberousse (à l’identique), fait rarissime en Algérie... Tout l’argent du film, on le voit à l’écran… Donc à ce jour, la seule commande dont j’ai connaissance reste La Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo.
- On évoque souvent le terme «officiel» pour définir un cinéma passéiste, propagandiste, n’ayant pas réellement de résonnance avec le présent. Qu’en est-il pour Zabana !
A mon souvenir, aucun film algérien n’entre dans cette grille de lecture dite «officielle». Certes, jusqu’au démantèlement du Caaic, les cinéastes étaient des salariés, mais le résultat final leur incombait. Bien plus, lorsque «7 cinéastes en colère» sont intervenus dans les colonnes d’Algérie Actualité, ils ont été destinataires d’une commande (pour les calmer ?) et la plupart d’entre eux ont réalisé des films qui ont fait date. Entre autres, Noua de Abdelaziz Tolbi ou Ettarfa de Hachemi Cherif. Un «cinéma passéiste» ? Je ne vous ferai pas l’injure de penser qu’il y a risque, chez vous, de faire l’amalgame entre des films qui évoquent le passé de l’Algérie et ceux qui égrènent la théorie bien connue du genre «avant c’était mieux»…
- Certaines productions algériennes reçoivent la subvention du Fdatic. Quelques-unes d’entre elles semblent traversées par une conception du cinéma plus libre, inventive (au niveau des formes), moins cadenassée, et où l’on sent moins le poids de l’histoire. Alors que d’autres continuent de perpétuer l’héritage du cinéma post-indépendance avec son héros, ses thèmes sociaux…
Les films où l’on sentirait «moins le poids de l’histoire» sont ceux… qui ne traitent pas du passé ! Pour ce qui est des «thèmes sociaux», aucun film n’y échappe, puisqu’il faut un ancrage à toute narration. Personne ne dit que Arnaud Desplechin aborde des faits sociaux, tout autant que Demy ou Klapisch, sans parler de Godard. Pour ce qui est de l’inventivité, c’est une appréciation toute relative. Zabana !, lors de sa projection en France il y a deux semaines, a fait dire que c’était «le premier film algérien qui parlait de la guerre au lieu d’être sur la guerre». Et puis, franchement vous pensez que les discussions avec mon Chef op’ tournait autour du rendu de «l’image officielle» ? Non ! Nous discutons peinture… (danoise !), par exemple, de même qu’avec l’étalonneur (de The Artist, excusez du peu), on vibre pour ce que l’on aime, le ton juste et parlant. Et puis, cessons d’incriminer des «officiels» qui ne nous ont rien demandé. La seule «censure» est là, sous mes yeux, cette note de lecture, oubliée dans le scénario d’Ombres blanches (1991), qui relevait «un sentiment contre la religion, parce que l’auteur parle de hadjs trabendistes et a une conception marxiste de la société», sous prétexte que l’histoire se déroule dans le milieu des éboueurs ! En revanche, et la précision s’impose, je suis fier que mes films soient aussi financés par mon pays ! Comme le serait un Français aidé par le CNC où la Télévision publique de l’Hexagone. Sans complexe aucun. Pour autant, je ne suis pas aveugle et je l’ai d’ailleurs dit, un jour, à un producteur algérien : «Mon film, je le referai autrement, à 40% au moins». Je parle d’une réflexion sur le cadrage, que l’on n’a pas pu mener jusqu’au bout, parce que le temps manquait et donc l’argent qui va avec... Mais ni le spectateur ni le critique ne peuvent voir cela. C’est une cuisine interne…
- Si nous mettions Zabana ! dans la case du cinéma officiel, quelle serait votre réaction ?
Ma réaction ? Un grand sourire et un clin d’œil à mes amis, le producteur Yacine Laloui, et mon coscénariste Azzedine Mihoubi.