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La 11e édition du Festival international du cinéma d’Alger se poursuit à l’Oref et au Palais de la culture jusqu’au 10 décembre. Dimanche, le public a pu découvrir le dernier film de Mila Turajlic, une habituée du Fica, ainsi que le documentaire Silence radio.
Projeté dans le cadre du focus dédié au 60e anniversaire de l’indépendance, Ciné-Guérilla de la réalisatrice serbe Mila Turajlic dresse un portrait haut en couleur du caméraman yougoslave Stevan Labudovic qui a accompagné et filmé les révolutionnaires algériens.
La cinéaste suit ce guérillero de l’image envoyé par le président yougoslave Josip Tito pour soutenir l’ALN dans sa contre-propagande. En le filmant de près et en recueillant sa parole, elle capte l’esprit de toute une époque : celui d’un pays qui n’existe plus (la Yougoslavie), fil d’Ariane de toute sa cinématographie (Cinema Kommunisto, L’envers d’une histoire, Les non-alignés), celui d’une guerre de libération qui a marqué l’Histoire (l’Algérie) et celui d’un contexte politique international marqué par le démantèlement des empires coloniaux.
Mila Turajlic n’y va pas par quatre chemin : son dispositif classique mais efficace parvient à mettre en place un récit bien rythmé qui captive l’attention du spectateur tout au long du film. Elle alterne les témoignages de son personnage principal ainsi que de ses compagnons avec les images du maquis algérien, prises par Labudovic, et les archives de l’époque.
Passionnée par son sujet, la réalisatrice garde, néanmoins, une mécanique documentaire bien huilée où il n’est pas question de sortir du cadre. L’émotion ne viendra pas donc d’une quelconque réinvention cinématographique de son sujet mais bien des personnages eux-mêmes.
La salle Ibn Zeydoun a abrité, le même jour, un des films documentaires en compétition, Silence radio, de la Mexicaine Juliana Fanjul qui est aussi un portrait saisissant d’une combattante de l’info. La réalisatrice suit la journaliste d’investigation Carmen Aristegui qui vient d’être licenciée de la radio mexicaine suite à sa révélation de la corruption du président Pena.
Infatigable et incorruptible, elle lancera avec son équipe sa propre radio sur internet et continue de hanter les cauchemars des puissants, qu’ils soient du gouvernement ou des cartels. Ces deux derniers se confondent d’ailleurs souvent dans un Mexique gangréné par la corruption, la pauvreté et la violence. Soutenue par des centaines de milliers d’auditeurs, Carmen encaisse les intimidations, les menaces et les campagnes de calomnie, sans broncher.
Avec son éthique chevillée au corps et un devoir d’informer proche de la mission sacrée, elle devient une héroïne populaire dans un paysage médiatique mexicain acquis au pouvoir. Juliana Fanjul adopte un cinéma direct, parfois cru, à l’image de la réalité mexicaine, pour mettre en miroir le parcours éprouvant de cette journaliste impassible et la «malédiction» politique et sociale qui dévore le pays depuis des années.
Film-tract, Silence radio prend parti et fustige, probablement plus ardemment que son personnage qui, elle, se contente d’étaler les faits au grand public. Émouvant parce que radical, ce documentaire séduit également par sa forme hybride qui passe souplement d’un ton revendicatif à une poésie éthérée sans jamais perdre de sa force politique.
Le Festival international du cinéma d’Alger dédié au film engagé se poursuit jusqu’au 10 décembre avec une soixantaine de films au programme, dont les très attendus Nos frangins de Rachid Bouchareb et La dernière reine de Adila Bendimerad et Damien Ounouri.
Sarah H.