• Scénario de film amateur

     

    Un vieux proverbe chinois dit : "quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner du poisson : Confucius". Même si c'est un peu technique, ces lignes serviront certainement aux passionnés de la camera en quête d'idées et d'astuces. Je partage volontiers le peu de connaissance en la matière, acquise depuis mes débuts dans le cinéma amateur, dans les années soixante dix. Acette époque, aucun renseignement sur cet art à des centaines de kilomètres à la ronde, la documentation était rare et pas facile à retrouver.

     

    On commence par ce petit exemple de scénario, un fragment d'un film adapté et réalisé par George Régnier d'après une nouvelle d'Emmanuel Roblès : "Le Rossignol de Kabylie".

    Cette nouvelle qui était écrite en partie à la première personne, donnant la parole au personnage principal, un vieux poète kabyle (c'est lui qu'on a surnommé : "Le Rossignol de Kabylie") a amené l'adaptateur à utiliser la forme du "monologue intérieur" ou, dans le jargon du cinéma : de la voix "off" c'est-à-dire que le personnage présent sur l'écran ne s'exprime plus seulement par le dialogue mais nous met aussi dans 1a confidence de sa pensée.

     

    L'action se passe en Algérie, en 1960 c'est-à-dire en pleine guerre. Un jeune lieutenant français Humez, se présente dans la maison du vieil Ahiéddine un poète, dans le village kabyle habité par celui-ci. C'est le point de départ de l'histoire... C'est aussi le moment précis de l'exemple de scenario que vous pouvez suivre sur le tableau et le film ci-dessous.

     

    Le rôle du scénario

    Certains auteurs de films, partisans d'une forme très achevée du découpage, prétendent (qu'un film est déjà fait)) lors- qu'il est mis sur le papier. C'est vouloir exprimer qu'un film est "écrit" avant d'être "réalisé" et que les difficultés qui surviendront ensuite, seront purement matérielles. Ainsi, sont célèbres, pour la précision de leur écriture et leurs détails, les découpages de René Clair, Au contraire une école plus moderne dit " vouloir être inspirée par ce qui se passe devant la caméra, plutôt que de l'inspirer". On tourne d'après un simple cane-vas, comme jadis on jouait la "Commedia dell'Arte" Aux comédiens d'avoir du talent ! On aboutit ainsi au "happening" c'est-à-dire à l'improvisation, tant des acteurs que de la caméra. On est alors évidemment très loin du découpage.

    Quelle technique le cinéaste amateur adoptera-t-il ?

    On serait tenté de lui dire : celle qu'il sent la plus proche de son tempérament.

    Il n'a certes pas besoin de scénario s'il ne fait que rassembler des souvenirs ou enregistrer les images d'un voyage ou celles d'un reportage, mais le scénario lui sera très utile pour tout genre de film plus construit : documentaire ou film romancé. En outre, il y a dans le fait de découper un récit pour le mettre en images, une nécessaire prise de position du cinéaste en face de son sujet. Il se voit obliger de le penser avec des images et non plus seulement avec des mots, de le concrétiser dans son esprit, de s'en donner la représentation à soi-même. Certes, il restera toujours une marge d'imprécision entre cette vue de l'esprit et les éléments concrets qui devront en suite la traduire. C'est dans cette marge d'adaptation, d'improvisation que joueront les qualités propres du réalisateur, mais elles s'exprimeront d'autant mieux que son dessein aura été précisé.

                                                                                                                                               Georges Régnier

     

     

     

    N° de Plan

    Technique

    Action

    commentaires ou dialogue. Effets

     

     

     

    12

    Pl. Rap

     

     

     

    Recul à P. M.

    Le lieutenant Humez entre

    Il s'arrête un instant sur le seuil

     

     

    Pour inclure Ahiéddine dans le cadre

    Humez ôte son béret

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ahiéddine demande le café (en kabyle) à sa femme. Il fait geste pour faire entrer le lieutenant et pousse la porte derrière lui.

    HUMEZ. Ahiéddine Aït Kaci ?

    AHIEDDINE. Oui.

    HUMEZ. Lieutenant Humez…

    Est-ce que je peux entrer ?

    AHIEDDINE. Entre.

     

    AHIEDDINE. (méfiant). Que veux-tu de mois... Je suis vieux je ne sais rien de la guerre.

    HUMEZ. Je ne qu'à pas ici pour la guerre... enfin... pas dans ce moment. Mon régiment est cantonné à Béni-Douala; de suis venu pour te... (iI se reprend) pour vous saluer, Ahiéddine.

     

    AHIEDDINE. Tu me connais donc ?

    HUMEZ. Ahiéddine Ait Kaci. Le Poète, est connu... même des Français. Je sais qu'on vous a surnommé "L e Rossignol de Kabylie".

     

    AHIEDDINE. A thamettouth ! souggahd el qahoual

     

     

     

    13

    Pl. Rap. Pano,

    pour suivre Ahiéddine, Ahiéddine revient vers son hôte, dépose natte enroulée, fait signe à Humez de s'asseoir.

    Il s'assied lui-même en face du lieutenant et l'observe en silence

     

    AHIEDDINE. (voix off). Que me veut-il ?... Il dit qu'il me connaît. Sans doute, veut-il des renseignements... Il va me poser des questions sur les fellagha... mais je ne sais rien et le peu que je sais, je ne le dirai pas. (A voix articulée). Comment peux-tu me connaître ?

     

     

     

    14

     

    14 PI. Rap.

    Le lieutenant dépose son béret à coté de lui

    HUMEZ. J'ai entendu à Alger des disques que vous avez enregistrés… Je connais un peu la langue kabyle – oh, très peu. J'avais commencé de l'étudier, à l'école des langues orientales, mais il y a eu la guerre. Il y a longtemps que j'attendais cette occasion. Je m'avais dit : si je passe un jour dans le D'jbel des Souaïs j'irais saluer Ahiéddine Aït Kaci… lui dire que j'aime sa poésie, même si je ne la comprends pas très bien.

     

    15

    Gros Plan

    Ahiéddine écoute, un peu surpris

    AHIEDDINE. Pourquoi fais tu la guerre si tu aimes la poésie ?

    16

    Gros Plan

    Humez hausse les épaules.

     

    Retire son chèche en le faisant glisser de son cou.

    On entend la porte s'ouvrir.

    HUMEZ. Pourquoi fait on la guerre ?… Je ne la fais pas volontiers. J'aime ce pays, je l'aimais déjà avant de le connaître… Je ne pensais pas venir ici avec des armes.

    17

    Pl. Rap. Recul à Pl. Moyen

    La femme entre, pose devant Ahiéddine le plateau avec la cafetière et les deux petites tasses.

    (On resserre le cadre.) Ahiéddine verse le café.

    HUMEZ. A Paris j'avais des amis Algériens. Je voulais écrire une thèse sur la poésie berbère… J'aurais voulu venir ici en ami… J'ai cru que même dans la guerre, il pouvait encore y avoir place pour la compréhension, pour l'amitié…Maintenant que je suis ici, je ne vois plus que la haine… la haine et la peur.

     

    18

    Pl. Rap. (avec amorce)

    Ahiéddine a rempli les tasses. Il en tend une au lieutenant. Il boit lui-même une ou deux gorgées en observant l'officier.

    AHIEDDINE. (Voix off). Peut être ce qu'il dit est vrai… Il a l'air sincère; il ne pose pas de questions.

    19

    Pl. Rap.

    Le lieutenant boit aussi une gorgée, puis reprend :

    Il vide la tasse de café.

     

    HUMEZ. J'aurais voulu me promener seul dans ces montagnes… recueillir des chants comme ceux que vous composez…

    20

    Gros Plan

    Ahiéddine vide la sienne à petites gorgées.

    AHIEDDINE. (Voix off). Il a de l'amertume dans sa voix… et dans ses yeux…

    De l'amertume et de la tristesse.

    21

    Gros Plan

    Le lieutenant repose la tasse.

    HUMEZ. Ahiéddine, je voudrais vous demander quelque chose…

    22

    Reprendre n° 20

    Ahiéddine pose, lui aussi, la tasse en plissant un peu les yeux.

    AHIEDDINE. (Voix off). Ah, nous y voilà ! Est-ce que je me serais trompé?... (à voix articulée) Oui demande.

     



     
     
     
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