• NARIMANE MARI BENAMER, RÉALISATRICE, À L'EXPRESSION

    "Mon film est un hommage à la liberté"

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    «Au-dessus du réel...»«Au-dessus du réel...»

    Plage. Enfants. Guerre. Militaire. Masque. Rencontre. Un appelé. Et puis ce désir: la paix? Pas de chance, c'est le temps du pet. La cause? La Loubia hamra, titre à la fois sanglant et naïf donné par la réalisatrice algérienne Narimane Mari Benamer à son intrigant long métrage, signé d'une façon incroyable et décalée. Une fiction poétique, puissamment tendre et bouleversante, drôle et sensible. Un hymne à la liberté, à la joie et à la vie vu par le regard d'un enfant. Non, nous ne raconterons pas le film. Trois fois primé au Festival international du cinéma de Marseille, Loubia hamra est à voir absolument...

    L'Expression: Votre film est une fiction assez déroutante puisqu'elle fait appel à un travail sur le langage cinématographique qui est proche de la métaphore et à l'intelligence du spectateur. Un film qui ne se regarde pas juste avec les oreilles...cela parle de la Guerre d'Algérie mais avec une trame assez particulière, le prisme des enfants. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi ce choix?
    Narimane Mari Benamer: 
    Mais aussi, il se regarde beaucoup avec les oreilles.La bande son est très importante pour atteindre le but que je me suis fixé, celui de faire ressentir le film pour le comprendre physiquement, sans raisonnement intellectuel. Et faire jouer des enfants était la meilleure manière de transcender mon sujet brutal. Je serai incapable de montrer les marques physiques de la guerre ou même, d'utiliser des engins de guerre. Il fallait un imaginaire fort et les seuls qui soient capables de porter cette puissance imaginative, ce sont eux, les enfants. Dans ce film, pour faire leur coup, ils passent au-dessus du réel, ils ont donc cette force d'ignorer le contexte pour atteindre leur but. Malgré cela, et c'est très important, on est dans la véracité. Le film ne trompe pas, j'ai pu le vérifier avec le public du FID à Marseille, algérien et français. Et, comme vous le dites, mon sujet c'est la liberté, celle de ce pays mais aussi la nôtre, individuelle, j'ai donc pris des libertés sur la forme en ignorant les lois narratives.

    Nous entendons effectivement dans votre long métrage un poème d'Antonin Artaud qui exhorte justement à être...
    A être plutôt que d'obéir oui. C'est la conclusion du film.
    J'ai découvert ce poème tout à la fin de la réalisation. Je ne pouvais pas finir ce film sur la mort, surtout s'agissant de l'enfance.
    Ce poème associé à l'image de ces enfants, petits poissons flottants dans la mer, nous dit que la vie est là, toujours, qu'elle continue, même si c'est sous certaines conditions.

    Comment dans ce cas signifier le colonialisme sans tomber dans la caricature?
    Je ne sais pas, mais, encore une fois, j'ai fait le choix d'une narration sensorielle, et ça évite les pièges. Quelqu'un m'a dit que la présence des colons était très forte, même s'ils sont au bord du cadre, hors cadre. On les ressent alors qu'on ne les voit presque pas. Décrire la réalité colonialiste reviendrait aussi à montrer l'horreur. Même si à un moment du film, j'ai symboliquement parlé de l'histoire de ma mère, française, rejetée par sa famille à cause de l'amour qu'elle a porté à l'Algérie et à un homme algérien avec lequel elle eu des enfants. Il y a aussi la relation d'un militaire gradé à un appelé, qui est innocent, à mes yeux. Ce gradé est un personnage ravagé qui porte, en quelques mots, la brutalité du pouvoir, mais ce n'est pas lié au colonialisme, c'est lié au pouvoir, qui en plus est perdu.

    Narimane Mari Benamer, est issue d'une relation mixte. L'on ressent bien dans votre film cet appel à la fraternité et à l'entente puisqu'il y a une scène où on voit justement cet appelé se lier d'amitié avec les enfants «arabes». Etait-ce voulu ce message de conciliation ou réconciliation pour la nouvelle génération d'aujourd'hui?
    J'ai pensé à la paix en faisant ce film, sans vouloir apporter ce message en particulier, j'y ai pensé au fond de moi, dans la trame de mon écriture, et ça se ressent sûrement. Comme je vous l'ai dit ce film fête l'indépendance, il ne veut surtout par relancer une guerre. A Marseille, un homme dans le public a rappelé combien, dans cette ville, le conflit sur les origines était fort. Il a aussi dit quelque chose qui m'a beaucoup touchée, combien la poésie et l'humanité du film pouvaient apaiser ces tensions. J'ai d'ailleurs reçu une mention spéciale de Marseille Espérance, une association oecuménique qui reconnaissait à mon film sa dimension humaine.

    Il faut donc tourner la page ou pardonner?
    Dire l'un ou l'autre est impossible, surtout dans un film qui ne dure que 77 minutes. Aucune durée ne permettra de répondre. J'ai plutôt voulu libérer la guerre de son poids historique, parce qu'elle appartient à tout le monde, dans les mémoires, dans les souvenirs de nos parents, de nos voisins, mais aussi dans notre imaginaire.
    Me concernant, je ne pardonnerai jamais à quiconque est responsable d'horreurs de guerre, qu'il s'agisse de la nôtre ou de n'importe quelle guerre.
    Libérer l'Histoire c'est aussi se permettre de vivre de nouvelles aventures, de se remplir d'autres récits, c'est ça que j'ai envie de faire. C'est d'ailleurs ça que mes parents ont fait, se libérer de leur histoire pour s'aimer, c'était un bon début, je continue.

    Narimane Mari Benamer, vous êtes réalisatrice de Loubia hamra certes, mais vous revêtez aussi la casquette de productrice. Pourriez-vous vous présenter à nous brièvement et nous dire aussi quels sont les autres films que vous avez réalisés?
    Je suis productrice, particulièrement de documentaires engagés et j'ai créé ma structure à Alger Allers retours films parce que j'avais envie que les Algériens, qu'on entend si peu, prennent la parole. En ce moment je produis une jeune réalisatrice, Bahïa Bencheikh-El-Fegoune qui a des sujets formidables. Elle finalise son premier long métrage documentaire H'na barra, qu'elle a co-réalisé avec Meriem Achour Bouakkaz. C'est un film qui parle du corps des femmes dans l'espace public masculin, un film aidé, lui aussi, par le ministère de la Culture. Elle réalise également son second film en ce moment.
    Pour ma part, avant Loubia Hamra qui est ma première fiction, j'ai fait un film sur l'artiste-peintre Michel Haas et des clips aussi. C'est toujours amusant de mettre en images la musique. Il y en a un que j'ai pris beaucoup de plaisir à faire dans les rues d'Alger, très spontanément, avec Badji Bahri qui nous chante Mama Mya. J'ai également réalisé Les savants en terre d'Islam pour la télévision algérienne avec Ahmed Djebbar. Un rappel de notre riche histoire.


    Votre prochain sujet se passera donc dans le Sud?
    Je continue mon sujet, l'occupation, la folie de la guerre et des conquêtes.
    Je m'intéresse à celle du Sahara entre 1850 jusqu'en 1900. Il y a eu des expéditions qui portaient le nom de «tournée d'apprivoisement», on ne peut pas ne pas le dire. Il s'agissait de soumettre les indigènes. Mais surtout je vais utiliser tout le potentiel cinématographique du désert, il est très riche autant dans le réel que dans sa dimension mystique. Je vais aller assez loin dans cette recherche et je vais utiliser différentes formes visuelles et sonores, sans que cela ne devienne un objet expérimental. Mais avec Nasser Medjkane toujours, qui a fait cette image fragile et pleine de grâce de Loubia hamra, et le compositeur Neman et l'ingénieur du son, nous allons y travailler en décembre, pendant les repérages. Là, je suis en train de finir de l'écrire.

    Quel est maintenant l'avenir de Loubia hamra?
    Le montrer très vite en Algérie et aux enfants qui ont magnifiquement joué.
    Mais je dois hélas me plier aux différentes exclusivités exigées par les festivals dans le monde. C'est très dommage, mais comme je suis encore en dettes de postes de post-production, je dois y faire attention. En dehors de cet aspect financier qui nous empêche souvent, les trois prix du FID Marseille ont fait un accueil magnifique à ce film. Et partout je vais garder le titre Loubia hamra, quel que soit le pays et la langue. J'aime beaucoup que ce mot algérien soit prononcé avec des tas d'accents différents.
    Pour l'instant, alors que je ne l'ai pas soumis à sélection, il a été invité en compétition officielle à Montréal, en Italie, en Argentine, à Dubaï, à Cordoba, Copenhague, et j'attends encore des réponses et je devrais faire des choix sûrement. La sortie est envisagée en Février, avec une première à Alger fin décembre, ce serait pas mal.

    Votre film a t-il bénéficié du soutien financier de l'Algérie?
    Oui, il a été soutenu par le ministère de la Culture, le FDATIC. C'est d'ailleurs les seuls à m'avoir aidée, alors que j'avais déjà commencé un tournage coûte que coûte, donc difficile. Et j'en ai été très touchée parce que je ne m'y attendais pas. Je n'attendais plus grand chose, j'étais lancée et je devais faire avec ce que j'avais. J'ai pu croire que mon approche non historique, en ce cinquantenaire, pouvait être mal perçue, mais il a été soutenu par la commission à l'unanimité, c'est le cinéma qui l'a emporté et très sincèrement, je les remercie.
    Le CNAP, Centre national des arts plastiques à Paris m'a aidée en postproduction également.
    Je voulais aussi remercier tous les parents des enfants qui ont eu confiance en moi mais surtout en leurs enfants qui sont devenus de très bons comédiens. Tous, sans exception se sont engagés dans leur rôle tels des professionnels, avec courage et endurance.
    La véracité du film, dont on a parlé, repose beaucoup sur leur jeu extraordinaire.

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  • L’Algérienne Safinez Bousbia récompensée aux 20ième Journées du Cinéma Européen à Tunis

    El Gusto est élu meilleur long métrage maghrébin par le public

    TunisieAlgérieEvènements et festivals

    L’Algérienne Safinez Bousbia récompensée aux 20ième Journées du Cinéma Européen à Tunis

    Le vendredi 7 juin, la Tunisie a vu se clôturer ses 20ème Journées du Cinéma Européenqui se sont déroulées du 28 mai au 12 juin dans les villes de Tunis, Sousse, Sfax, Gafsa et Djerba.

    Organisées par la Délégation de l'Union Européenne et les ambassades des États membres en Tunisie, en collaboration avec le ministère tunisien de la Culture, les Journées du Cinéma Européen célébraient cette année leur 20ème édition.

    La cérémonie de clôture au CinéMadart de Carthage a également été l'occasion de dévoiler le palmarès 2013.

    Et c’est le film algérien El Gusto de Safinez Bousbia qui remporte haut la main le Prix du meilleur long métrage maghrébin. Le film relate avec émotion et bonne humeur comment la musique a réuni Arabes et Juifs au sein d’un même orchestre.

    C’est le public, massivement présent lors de cette édition, qui a accordé le prix au film grâce à ses votes.

    Selon Oubeyd Ayari, membre de l’organisation du prix du public, cette initiative a démarré lors des Journées du Cinéma Européen de 2008.

    « Le public a rapidement adhéré à cette opération et s'est prêté au jeu des urnes et des bulletins de vote. Cette année 14 longs métrages Européens, 6 longs métrages maghrébins et 16 courts-métrages ont été présentés en compétition. Nous avons ainsi pu recueillir 2368 bulletins de vote toutes catégories confondues. Un décompte s’est fait après chaque projection et une moyenne sur quatre a été comptabilisée selon le nombre de bulletins et les notes attribuées par le public. Finalement, et avec les moyennes obtenues pour chaque film, nous avons pu établir un classement selon les catégories. »

    Le Prix du meilleur long métrage européen a été décerné à Cool kids don't cry de Dennis Bots et le Prix du meilleur court-métrage est allé à Nadie tiene la Culpa (Personne n'est coupable) de l’Espagnol Esteban Crespo.

    Signalons aussi que le film Le mur vous demande: ça va? du Tunisien Ahmed Hermassi, vainqueur du concours de courts-métrages MADE in MED, organisé par Euromed Audiovisuel, a été projeté lors de la clôture du Festival.

    Le mois précédent,  Ahmed Hermassi avait été invité au Festival de Cannes par Euromed Audiovisuel. En plus de participer au Short Film Corner, ce voyage a été pour lui l’occasion  de rencontrer de nombreux professionnels du cinéma. Cette expérience lui a ouvert de nombreuses portes.

    « Ce qui a surtout compté pour moi ce sont les rencontres avec les producteurs et les directeurs de festivals avec lesquels j'ai pu échanger des coordonnées. Depuis beaucoup m'ont recontacté, le PCMMO, le Festival international du court-métrage Passaggi d’Autore: intrecci mediterranei, le festival Cinésud… »

    « Pour pouvoir optimiser tous les contacts pris lors du festival et les nouveaux qui arrivent chaque jour, j'ai préféré les faire partager avec mes amis jeunes réalisateurs et cinéastes qui travaillent avec moi à travers des projets communs. Mon souhait est de monter un réseau de jeunes qui travaillent en free-lance en Tunisie pour permettre aux plus grand nombre d’accéder aux moyens de production, faciliter l'emploi des jeunes diplômés de l'audiovisuel et repérer ceux qui ont du potentiel et du talent. En Tunisie les structures de la production audiovisuelle ne répondent plus à la réalité et aux exigences des jeunes du domaine. Ce besoin se fait sentir de plus en plus et j'ai commencé à réunir un bon groupe de passionnés autour de cette idée. Il reste maintenant à la faire aboutir, convaincre des bailleurs de fonds ou des sponsors ou encore trouver du soutien à l’extérieur », a-t-il conclu.

    Sources : Kapitalis, Euromed Audiovisuel.

    Plus d’information sur les Journées du Cinéma Européen 2013 ici.

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  • Belkacem Hadjadj, cinéaste algérien

    « L’improvisation au cinéma est devenue une règle chez nous »

    Algérie

    Belkacem Hadjadj, cinéaste algérien

    Le cinéaste Belkacem Hadjadj a animé le week-end dernier un atelier débat sur le découpage technique du scénario et sur l’adaptation des œuvres littéraires au 7ème art, à la faveur des 2èmes Journées cinématographiques de Saïda, en Algérie.

    Le journal El Watan a rencontré le cinéaste.

    « En règle générale, il faut un bon scénario pour faire un bon film. On peut avoir un bon scénario et rater le film, mais on ne peut pas avoir un bon film sans scénario. Il y a des cinéastes qui ne passent pas par le scénario pour élaborer des œuvres. C’est une exception. On n’improvise pas dans le cinéma et je le dis avec colère. L’improvisation au cinéma est devenue une règle chez nous, cela fait d’énormes dégâts. C’est du gâchis à tous points de vue. L’étape du scénario est extrêmement importante, capitale. Elle permet au cinéaste de faire des efforts avant qu’il ne soit trop tard. Quand on est sur le plateau, c’est fini !», a-t-il martelé.

    Le débat s’est ensuite élargi à la situation actuelle du cinéma en Algérie. « Dans n’importe quel pays, le cinéma existe à travers une production permanente et un contexte. Il faut qu’en amont, il y ait de la matière première. C’est à dire des théâtres, des comédiens, des gens qui écrivent. Quand un cinéaste arrive, il sait qu’il y a des comédiens et des scénaristes à qui il peut s’adresser. Quand il va commencer à tourner un film, il trouvera les gens dont il en a besoin, comme les régisseurs, il va trouver les moyens pour terminer son film à la fin du tournage. Et, une fois le film prêt, le cinéaste sait que des salles existent où sa production sera projetée. Ce contexte-là, n’existe pas partout malheureusement », a-t-il constaté.

    Il a estimé qu’en Europe ou en Amérique du Nord, des centaines de films sont produits chaque année. « Mais les films qui émergent, ceux que nous verrons plus tard, sont les meilleurs. Tous les films produits par les Français ou les Américains ne sont pas bons. Cette production de films permet toutefois l’émergence de génies. Le problème en Algérie, c’est qu’il n’existe pas de production. Celle-ci est réduite à trois ou quatre films par an. On ne peut pas avoir plus. Sans production, comment voulez-vous que des génies apparaissent chez nous ? », s’est-il demandé. Selon lui, le Maroc a adopté une véritable politique de production de films.

    « Une volonté politique existe dans ce pays. Il ne s’agit pas de donner de l’argent, comme on le fait ici, pour faire du cinéma. Le Maroc a compris qu’il faut d’abord mettre en place un contexte pour relancer le 7ème art. Deux ou trois écoles de cinéma ont été ouvertes. Les Marocains ont mis en place une mécanique de production de films étrangers qui, non seulement, leur assurent des rentrées d’argent, mais des formations pour les jeunes qui terminent leurs études. Les producteurs étrangers sont obligés de prendre des stagiaires marocains. Et dès qu’on se retrouve avec une équipe américaine, on apprend à tous les coups. En plus, il existe plusieurs festivals de cinéma au Maroc. Des studios ont été construits aussi. Cela s’appelle une politique de production. C’est ce qui manque chez nous ! », a souligné Belkacem Hadjadj.

    Il a relevé que malgré la faiblesse de la production cinématographique algérienne, des films arrivent à décrocher des prix dans les festivals à l’étranger. « Je dis bravo ! Car, ce n’est pas évident. On ne peut pas faire de la politique avec le cinéma. Par exemple, on donne de l’argent parce qu’on célèbre le cinquantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie. Cela tue le cinéma. Car, il n’y a pas de production, pas de techniciens, pas de formation. Quand on donne de l’argent pour produire dix films, il sera difficile de trouver des techniciens pour assurer la fabrication. Les cinéastes seront forcés de prendre n’importe qui pour respecter leurs engagements. De faux régisseurs vont se prendre alors pour de vrais techniciens. Ils auront des repères et des normes qui ne sont pas professionnels. Aujourd’hui, dans le cinéma algérien, les vrais professionnels sont noyés dans le bricolage », a estimé le réalisateur d’El Manara.

    Il a appelé à un engagement citoyen en faveur du cinéma. « Si chacun, dans cette société, œuvrait pour ce qu’il aime, les choses iraient mieux. C’est facile de se lamenter dans les cafés. Mais, c’est tellement mieux de déployer des efforts pour faire quelque chose quelle que soit la qualité de ce qui est entrepris », a plaidé Belkacem Hadjadj.

     

    Source : El Watan

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  • Hachemi Zertal, producteur et distributeur algérien

    « Il faut des salles de cinéma dignes de ce nom en Algérie »

    Algérie

    Hachemi Zertal, producteur et distributeur algérien

    Producteur, distributeur, Hachemi Zertal reste un inconditionnel du cinéma, fidèle à lui-même, à des principes qu’il juge inaliénables. À travers un réquisitoire sévère et attristé sur l’état des salles de cinéma en Algérie, il évoque, pour Le Provincial, le 7ème Art, qui est toute sa vie.

    Depuis 1962, le nombre de salles de cinéma a baissé de façon dramatique. A quoi est due cette situation ?

    Voilà une grosse question que vous me posez là. D’abord, les salles de cinéma sont fermées et le peu de salles qui existent est mal géré, et l’est de manière administrative. Je le dis très simplement : la culture ne peut pas être gérée administrativement et on ne peut pas gérer une salle de cinéma comme on peut gérer une administration avec des fonctionnaires.

    On est dans l’art, on est dans le cinéma, on est dans la culture. On doit continuer la gestion du secteur auquel on s’adresse. Il ne s’agit pas ici d’une administration qui ouvre à 8 heures et qui ferme à 17 heures. D’ailleurs, c’est à 17 heures que les gens sortent de leur lieu de travail et qu’ils décident d’aller voir un film pour la soirée.

    Avec un faible nombre de salles et très peu de projets de réhabilitation ou de construction de salles neuves, la distribution de films en Algérie n’est-elle pas, justement confrontée à un sérieux obstacle ?

    C’est justement l’obstacle majeur parce que la destination d’un film, c’est la salle de cinéma. Et quand il n’y a pas de salle de cinéma, le film peine à arriver au public. Bien sûr, il y a un programme de restauration des salles de cinéma et je trouve cela formidable, parce que le public a le droit de regarder un film dans des conditions correctes, c’est-à-dire sur un grand écran, avec un son idéal, assis dans un fauteuil confortable. Aujourd’hui, si on rassemble les moyens financiers pour restaurer les salles, mais le film n’est pas disponible, ça ne sert strictement à rien de les remettre à neuf. D’autant qu’il faut être à jour quant aux sorties internationales de films.

    Aujourd’hui, il y a une multiplicité de réseaux pour le cinéma : les gens sont connectés à internet, disposent d’antennes paraboliques pour capter les chaînes européennes, américaines ou arabes, et aujourd’hui, tout le monde est au courant que tel film va sortir dans deux ou trois mois. Même le début et la fin du tournage d’un film est l’objet d’une information. Le public algérien est consommateur d’images,  apprécie le cinéma et a envie de voir des films. Et il sait par avance que tel film va sortir à telle date et si ce film n’est pas disponible il va essayer, par tous les moyens, de le voir soit en le piratant via internet, soit en achetant des DVD piratés, parce que le piratage est florissant ici. Et si le film est enfin distribué dans les normes 6 mois plus tard, pourquoi voulez-vous qu’il aille le voir dans une salle de cinéma ?

    Il faut, pour que le film soit disponible de suite en salle, obtenir immédiatement le visa d’exploitation de telle manière à ce que le film soit vu au moment-même de sa sortie internationale. D’ailleurs, la preuve en a été faite avec des films comme Harry Potter, qui ont été programmés avant leur sortie américaine. Le problème n’est donc pas au secteur, mais plutôt à la gestion et à la configuration qu’on veut donner aux salles de cinéma.

    La ministre de la Culture a évoqué, un jour, l’idée que des superproductions internationales seraient tournées en Algérie. Est-ce réalisable, concrètement, lorsque l’on sait que certains films algériens, qui mettent pourtant en scène l’Algérie, sont encore tournés à l’étranger ?

    Ça me fait un peu sourire d’entendre de tels propos. A ma connaissance, je ne connais pas beaucoup de films à budget international tournés en Algérie. Et il est malheureux, effectivement, de constater que beaucoup de cinéastes qui sont censés réaliser des films ayant trait à l’Algérie préfèrent les tourner en Tunisie ou au Maroc.

    Pire encore, il y a beaucoup de cinéastes algériens dont le propos est l’Algérie qui vont tourner au Maroc ou en Tunisie tout simplement parce que la situation n’est pas du tout facile pour qu’on tourne allègrement dans notre pays et je le regrette vivement. Et quant à voir des cinéastes désirant tourner en Algérie, je n’en ai trouvé aucune trace à ma connaissance, du moins pour le moment. Sauf si, effectivement, on leur offre un joli cachet, peut-être que le tournage peut se faire.

    On peut dire que le cinéma, c’est toute votre vie. Vous êtes même un « chercheur de films », puisque vous distribuez aussi bien des films nationaux qu’étrangers. Comment se passe l’acquisition des droits de distribution ? Quels genres de films avez-vous distribué ?

    Non seulement je distribue des films de cinéma, mais en même temps je produis puisque que je vais produire, après le Ramadan et dans votre région [Annaba], un film avec un réalisateur qui réside aux Pays-Bas et j’espère qu’une fois tourné, il pourra être présenté dans une salle de cinéma.

    J’ai produit et coproduit plusieurs films, dont un qui a été diffusé il y a deux semaines de cela sur France 5. J’ai coproduit La Chine est encore loin de Malek Bensmail, film que j’avais présenté à l’Institut Culturel Français. J’ai d’autres projets de productions et de coproductions à l’avenir et je vous tiendrai davantage au courant. Je compte revenir sur Annaba pour une journée pendant le Ramadan et après le mois sacré pour des repérages.

    Que faire pour redonner envie aux Algériens d’aller au cinéma ?

    D’abord, il faut qu’il y ait des salles de cinéma et qu’elles soient confortables avec un son et une image agréables et surtout qu’il y ait des films intéressants. Sinon, comment voulez-vous voir un film qui est sorti il y a de cela trois, six mois ou une année ? On va au cinéma pour voir un film qui vient de sortir.

    Et d’autre part, il faut que les salles de cinéma fonctionnent normalement selon les règles de commercialité. Il faut que le contrôleur ait en envie que vous soyez assis confortablement, que l’opérateur-projectionniste s’assure d’une belle projection pour que vous reveniez plus tard. S’il n’y a pas ces éléments-là, autant rester chez vous à regarder un film avec un DVD pirate. Je le dis et je le redis, il faut des salles de cinéma dignes de ce nom en Algérie.

     

    Source : Le Provincial

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  • Femmes méditerranéennes dans les films et la télévision : Samia Meziane, comédienne algérienne

    « Nous voulons, en tant que comédiens, que les films soient confrontés au public »

    Algérie

    Femmes méditerranéennes dans les films et la télévision : Samia Meziane, comédienne algérienne

    A l’affiche du dernier film de Chérif Aggoun,L’Héroïne, Samia Meziane a accordé un entretien à El Watan Week End dans lequel elle revient sur son expérience de tournage, le cinéma algérien, les problèmes de sa distribution, mais aussi son expérience au théâtre. Rencontre avec une actrice qui ne manque ni de dynamisme ni d’ambition.

     

    Dans L’héroïne, le dernier film de Chérif Aggoun, vous êtes une mère-courage. C’est un peu un retour au cinéma après Un voyage à Alger, de Karim Bahloul…

    Chérif Aggoun m’a contactée pour interpréter le rôle de Houria. Il m’avait vue justement dans Voyage à Alger. Il y avait une bonne ambiance lors du tournage, surtout avec les jeunes comédiennes. Le tournage s’est déroulé à Sidi Moussa. Il a duré six semaines. Il m’est difficile de juger le film après l’avoir vu à l’écran. On a toujours tendance à dire qu’on n’a pas fait ceci ou cela, que j’aurais dû réagir de cette manière, pas comme celle-là, faire mieux.

    Et le jeu avec Khaled Benaïssa ?

    Cela fait longtemps qu’on n’a pas joué ensemble. Dans le film, on a encore joué le mari et la femme ! (Samia Meziane et Khaled Benaïssa le sont dans la vraie vie, ndlr). C’était plutôt sympa.

    Le film évoque la période des années 1990. Gardez-vous des souvenirs de cette période trouble ?

    On n’oublie jamais les années 1990. Même si à cette époque j’étais très jeune. Avec des films tels queL’héroïne ou d’autres qui évoquent cette période, on se rappellera toujours. Car j’ai l’impression qu’on a tendance à y penser de moins en moins.

    Vous parliez de Voyage à Alger. Comment avez-vous travaillé avec Karim Bahloul ?

    Le personnage de Maghnia dans Voyage à Alger était très fort. Jamais je n'aurais pensé avoir un rôle aussi important. Il y avait une pression sur moi, puisque Bahloul évoquait l’histoire de sa propre mère dans le film. Dans certaines scènes, il a réussi à me transmettre une certaine émotion en me parlant de sa mère. Cela m’a aidée à mieux interpréter le rôle.

    Pourtant, le public algérien n’a pas encore vu Voyage à Alger...

    Je ne comprends pas. Le cinéma est un art populaire par excellence. On fait des films pour qu’ils soient vus par le public. On ne fait pas des films pour des avant-premières où ils ne seront vus que par les journalistes et les professionnels. Voyage à Alger a fait le tour du monde, primé dans plusieurs festivals… Il est donc malheureux de ne pas pouvoir voir ce film en Algérie. Nous voulons, en tant que comédiens, que les films soient confrontés au public. C’est le public qui juge, qui nous dit ce qu’il pense.

    Le problème des salles de projection de films est toujours posé. Et vous constatez que les professionnels du cinéma n'élèvent pas beaucoup la voix pour demander l’ouverture de ces salles au public...

    On s’est quelque peu habitués à cette situation. J’ai rencontré des jeunes de la trentaine qui n’ont jamais mis les pieds dans une salle de cinéma. Ils ne savent pas ce que c’est. Pour eux, cinéma et télévision, c’est la même chose.

    Quel regard portez-vous sur les films algériens produits ces dernières années ?

    C’est irrégulier. Il y a des films bons et d’autres qui le sont moins. A mon avis, il y a un véritable problème de préparation avant la réalisation des films. On ne va pas au détail. Avant de commencer le tournage, on ne cale pas tout comme il faut. Les tournages ne se font pas en studio, mais dans des décors réels. On va donc toujours subir des inconvénients, des éléments externes. Souvent, on n’est pas préparés à cela. Parfois, le scénario est modifié en raison des ces imprévus.

    Il est question parfois de mauvaise direction d’acteurs dans certains films…

    J’éprouve à chaque fois le besoin d’être dirigée, besoin d’avoir confiance dans le réalisateur qui a une vision précise de ce qu’il veut et qui sait communiquer avec moi. Je peux à ce moment-là apporter quelque chose en étant à l’aise (…). Nous avons de bons comédiens. Il ne faut pas que les cinéastes les confinent dans les mêmes rôles, les mêmes personnages, les mêmes gestes. En cela, je pense que l’Algérie doit avoir une école spécialisée en cinéma pour former non seulement des comédiens, mais aussi des chefs opérateurs, des ingénieurs du son, etc. Aujourd’hui, les techniciens du cinéma ne sont pas nombreux. Il n’y a pas eu de relève malheureusement. Si le tournage de quatre films démarrent au même moment, nous aurons un problème pour trouver un ingénieur de son, compte tenu de ce manque.

    Entre la télévision et le cinéma, votre choix semble bien fait, n’est-ce pas ?

    Je préfère de loin le cinéma à la télévision. On a l’impression de voir toujours la même chose à la télévision, le même feuilleton avec la même histoire. On n’ose pas aller vers d’autres choses, aborder des sujets difficiles, casser les tabous… A un moment donné, on s’en lasse.

    Peut-être que les cinéastes et les réalisateurs de télévision ont tracé des lignes rouges à ne pas franchir...

    Je le pense aussi. Le danger vient de l’autocensure. C’est plus grave que d’être censuré. On a tendance à être frileux. On évite d’aborder les sujets relatifs au sexe et à la religion. Personnellement, je veux que tous les sujets soient traités par la télévision et le cinéma : la politique, l’histoire… Il ne faut pas oublier que le cinéma est un divertissement. Cela peut amener les gens à revenir aux salles de projection. Il faut qu’il y ait de tout, des films de suspens, d’aventure, comiques, d’action. Le cinéma commercial peut faire vivre les salles aussi. Il faut projeter des films pour tous les publics et qu’on laisse les gens choisir.

    Avons-nous besoin de studios pour le cinéma, même si certains estiment que les décors naturels de l’Algérie suffisent ?

    Nous avons de beaux décors naturels en effet. Mais cela ne suffit pas. Il est important d’avoir des studios. Au lieu d’aller tourner dans un immeuble, déranger les gens et être dérangés, autant filmer dans les studios, construire un immeuble. Tout dépend des moyens de la production aussi. Et j’estime que les producteurs doivent avoir les moyens pour faire des films

     

    Source : El Watan Week End

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