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Insaf Ouhiba, responsable de la section courts métrages et ciné-promesses aux JCC, à La Presse: «Le court, un format porteur»
Chargée de cours à l’université Paris 3 en études cinématographiques, Insaf Ouhiba, en cinéphile aguerrie, a été chargée des sections courts-métrages et Ciné-promesses aux JCC cette année. Dans cet entretien, elle nous parle des critères de choix des courts-métrages internationaux et de l’importance d’une section comme Ciné-promesses pour les futurs cinéastes en Afrique.
Par rapport à la session JCC 2021, parlez-nous des courts-métrages internationaux de cette année et des critères de leur sélection…
Dans la section courts-métrages internationaux, nous avons eu neuf films produits entre 2020 et 2021. Il y a un grand lot qui arrive des pays arabes et quelques films d’Afrique subsaharienne. Cela dit, j’aurais voulu avoir une sélection équilibrée avec une présence plus importante des films qui nous viennent d’Afrique subsaharienne afin de garder les fondamentaux de Tahar Cheriaa. Parmi les critères de sélection, il y a avant tout le langage cinématographique. Il y a aussi une attention accordée à la relation de la narration avec le montage et le cadrage ainsi qu’à tous les autres moyens cinématographiques. Ensuite, il y a l’originalité du sujet et du traitement et du point de vue.
Quelles sont les premières internationales à Carthage de ces courts-métrages ?
Il y a le film saoudien « Diyar Hisma » de Fahd el Fayz et le film marocain «Jeans » de Mohamed Bouhari qui font leur première aux JCC et qui passent du « montage à Carthage ! », selon l’expression de notre invité marocain. Pour la première fois, l’Arabie saoudite est dans deux sections la sélection officielle des JCC avec un court-métrage et également dans la section Ciné-promesses avec le film « The girl who burned the night » qui a été primé. C’est pour la première fois que ce prix « Prix Carthage » est accordé dans cette section. La cinéaste a d’ailleurs déclaré qu’elle était fière de recevoir une récompense dans une édition dédiée à une grande dame du cinéma tunisien, Moufida Tlatli, qu’elle prend comme exemple. D’autre part, il est à noter que le passage de ces films aux JCC a accordé à ces cinéastes une visibilité importante, ailleurs l’un des acteurs a eu mille followers sur les réseaux sociaux.
Tanit d’or du court-métrage pour le film somalien « Live on the horn » de Moharawe, c’est le premier court-métrage tourné en Somalie depuis 30 ans. C’est un signe d’espoir, d’une renaissance. Le cinéaste s’est servi des JCC comme tribune pour s’adresser à son peuple en Somalie et parler de l’importance de la culture et du cinéma. C’était un moment chargé d’émotion. C’est un rôle fondamental pour les JCC que de constituer une telle tribune. Les JCC doivent continuer à être une fête du cinéma pour les Tunisiens, un carrefour pour les cinéastes africains et arabes et une occasion pour consolider ou renforcer les liens avec l’Afrique francophone et anglophone.
Le court-métrage est un exercice particulier. Qu’est-ce qui a changé aujourd’hui dans son mode de narration ?
En effet, le court-métrage est un exercice très difficile. Il s’agit de raconter en un temps très court et de manière efficace une histoire. Il s’agit d’un challenge énorme que tous ne réussissent pas forcément.
Aujourd’hui, une place importante est accordée aux courts-métrages dans les plateformes et les chaînes de télé. C’est un format d’avenir qui trouve sa place également dans les réseaux sociaux
Cette année, nous avons constaté la présence d’une nouvelle section «Courts-métrages hors compétitions »…
Cette section a été créée vu le nombre de films d’une grande qualité qui ont beaucoup tourné dans les festivals et récolté des prix et distinctions. Nous n’avons pas voulu en priver le public tunisien. Les JCC sont un tremplin pour le cinéma arabe et africain et les jeunes participants sont heureux de rencontrer un public complètement différent des autres festivals.
Pour un jeune cinéaste, il s’agit d’une expérience unique. Notre festival doit être la pépinière des générations futures.
Ciné-promesses est une section particulière aux JCC et qui, à chaque session, nous donne la chance de découvrir des étudiants qui ont du talent…
C’est une section qui n’existe que dans quelques festivals . Elle permet aux jeunes générations de découvrir le monde du cinéma et ses différents aspects en côtoyant les aînés et d’être associés très tôt à ce métier qui sera le leur dans quelques années. Pour cette session, nous avons considéré que les travaux des ateliers de formation de jeunes sont éligibles à ciné-promesses. Parce qu’il faut voir les choses en face : le problème de l’enseignement du cinéma en Afrique en général se pose sérieusement. Il n’y a pas beaucoup d’écoles de cinéma. On ne peut pas donc doublement sanctionner les jeunes. A partir du moment où il y a des formations mises en place et qui ne dépendent pas d’écoles, on considère que ces jeunes ont effectué cet exercice de fin d’année. Des formations qui durent quelques mois et qui sont organisées soit par les différents centres culturels, soit dans des festivals. Cette année, nous avons, donc, intégré des travaux de jeunes qui n’ont pas fait de cinéma auparavant et dont c’est le premier cru. A mon avis, c’est une initiative intéressante pour remédier à ce manque de formation dans les pays africains. C’est dans ce sens qu’il faut commencer à réfléchir à l’instauration d’échanges de structures de formation en Afrique et de coopération entre les pays du Sud. Tous les jeunes n’ont pas les moyens d’aller étudier le cinéma en Europe.
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