• IL ÉTAIT LE SEUL PHOTOGRAPHE ACCRÉDITÉ PAR LA DÉLÉGATION DU GPRA

    Raymond Depardon, l’image des Accords d’Evian

     
    L’écrivain Kamel Daoud et le photographe Raymond Depardon (à D). © D. R.
    Il a immortalisé les instants décisifs de l’indépendance de l’Algérie. Raymond Depardon était le seul photographe accrédité par la délégation du GPRA lors des Accords D’Evian. Soixante ans après, ce témoin vivant remet au goût du jour des images “inédites” dans un livre coécrit avec Kamel Daoud, qui sortira en librairie en février prochain. Les deux hommes ont rencontré la presse, hier, à l’Institut du monde arabe.

    L’institut du monde arabe (IMA), à Paris, a abrité hier, la présentation à la presse de l’exposition “Son œil dans ma main, Algérie 1961-2019”, qui se tiendra dans cette institution culturelle du 7 février au 17 juillet 2022, année consacrée à l’Algérie. L’œuvre est le fruit d’une collaboration entre le photographe français Raymond Depardon et l’écrivain algérien Kamel Daoud.

    Le premier avec ses photographies prises en Algérie en 1961 et en 2019 ; le second avec des textes. “L’exposition porte sur des photos de 1961, des Accords d’Evian, et des photos de l’Algérie de 2019 faites par un prestigieux photographe de génie, commentées par un Algérien, né en Algérie après l’Indépendance”, déclare Kamel Daoud, qui ajoute : “C’est le regard sur des photos ou le regard sur un regard. Car finalement, Raymond Depardon arrive avec un regard  et ce n’est pas un regard politique, d’archive, exotique, c’est vraiment un regard amoureux.” 

    L’auteur de Meursault, contre-enquête, insiste sur le caractère littéraire de ses textes. “Ce ne sont pas des textes de commentaires, mais ceux d’un écrivain qui regarde les photos, parce que quand on regarde les photos, on ne les explique pas, on les savoure et j’ai essayé d’écrire des textes de dégustation.” 

    L’initiative vient de Raymond Depardon, qui a souhaité rééditer ses photos de 1961 et de 2019. “Il a pris contact avec nous et le projet de livre s’est construit autour du principe d’une réimpression de ces photos avec des textes de Kamel Daoud. Cela donne un livre de 232 pages avec 134 photographies”,  précise Salma Hellal, des éditions Barzakh.  

    Le livre Son œil dans ma main, qui paraîtra le 4 février à Alger (éditions Barzakh) et à Marseille (Images plurielles), contient quatre longs textes de Kamel Daoud ainsi que des  “comètes”, des petits textes inspirés par des photos et qui ne sont pas des commentaires de celles-ci.

    “Le principe est que l’idée parte d’Alger, vœu de Raymond Depardon”, observe Salma Hellal, avant d’ajouter : “L’idée était aussi qu’on le fasse avec un coéditeur indépendant français, puisque le livre va avoir une vie en France avec l’exposition prévue à l’IMA. On a pu choisir notre partenaire, Images Plurielles, un éditeur indépendant.” 

    Les photographies des Accords d’Evian constituent le centre du livre. “Elles sont magistrales, personne n’a eu accès à la délégation algérienne comme Raymond Depardon, c’est un témoignage de l’histoire absolument exceptionnel.”

    Des propos appuyés par M. Abidat des éditions Images Plurielles, coéditeur de Son œil dans ma main, qui accompagnera l’exposition éponyme à l’IMA en 2022 : “Nos éditions sont spécialisées dans le domaine de la photographie. Nous avons beaucoup d’échanges avec l’Algérie à travers des rencontres, des coéditions, des actions communes, c’est un grand honneur de participer à ce projet.” 

    Raymond Depardon, jeune photographe est envoyé en reportage en Algérie par l’agence Dalmas en 1961, en pleine guerre. Il reconnaît que “sa conscience et sa sensibilité artistique se sont forgées de manière décisive lors de ce voyage”.

    Il sait aussi qu’il participe au récit historique algérien à travers ses photos : “C’est pour cela que je veux qu’elles retournent en Algérie, que les Algériens se les réapproprient. Cela me gênerait qu’elles restent comme des possessions coloniales, elles sont là pour tout le monde, sans frontières.” 

    Si le livre Son œil dans ma main sera présent en Algérie puisqu’il sera coédité par Barzakh, qu’en sera-t-il de l’exposition éponyme ? “Cela me  fera vraiment mal si elle ne trouve pas son chemin dans des villes algériennes, parce qu’on va être encore uniquement enfermés, on passe notre temps à dire oui, mais l’événement se passe toujours en France, alors que nous en Algérie, qu’est-ce qu’on fait ?” s’interroge Kamel Daoud.

    “Je ne parle pas des pouvoirs publics. Médiatiser cet événement, essayer de le voir autrement, est le rôle de tous. Il est grave que chez nous, beaucoup de journaux passent leur temps à dénoncer la fermeture d’une librairie, mais ne parlent jamais d’une librairie qui s’ouvre.» 

    A près de 80 ans, Raymond Depardon reste attaché à l’Algérie, où il est accueilli en ami : “Pour moi, ça vaut la palme d’or, c’est une sorte de légion d’honneur. J’aime l’accueil des gens, discuter avec eux. Pour moi, il est clair que l’ouvrage sera un livre algérien.” 
     

    De Paris : ALI BEDRICI

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