• Entretiens Forest Whitaker

    Forest Whitaker : «Le monde ne pourra pas retrouver la paix si l’Afrique n’est pas guérie de ses maux»

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    le 11.02.14 | 10h00 Réagissez

    zoom | © D. R.
     

     

    -Qu’est-ce qui vous a plu dans le scénario d’Enemy Way pour accepter de jouer le premier rôle ?

    Avant de décider de travailler avec Rachid Bouchareb, je n’avais pas lu le scénario. J’ai vu ses films et j’aime ce qu’il fait. Je l’ai rencontré et discuté avec lui. Rachid est venu vers moi, m’a pas présenté le projet d’Enemy Way. Nous avons eu des discussions sur le contenu du scénario. Le projet m’a plu et j’ai décidé d’accepter le rôle (William Garnett). J’ai fait des recherches sur le sujet. J’ai travaillé avec un imam à Los Angeles pour mieux connaître les pratiques de l’islam. J’ai également lu énormément pour comprendre cette religion. J’ai fait du sport et contrôlé mon alimentation pour m’adapter au physique de Garnett !

    -Oui, il paraît que Forest Whitaker fait des enquêtes sur ses personnages...

    Il est vrai que je fais des recherches pour me familiariser avec les personnages que je joue. J’essaie de mieux comprendre leur psychologie, leurs capacités de réaction dans une situation donnée. Cela m’aide à me lancer dans l’interprétation et à évoluer dans le jeu une fois le tournage du film commencé.

    -Existe-t-il beaucoup de cas de Noirs convertis à l’islam, ex-détenus, qui tentent de retrouver leur place au sein de la société dans l’Amérique d’aujourd’hui ?

    Actuellement, dans les prisons américaines, la plupart des détenus rejoignent des groupes pour survivre et résister à l’univers carcéral. L’un des groupes les plus importants véhiculant des valeurs et des attitudes différentes est celui des musulmans (Nation of islam). Beaucoup de détenus, surtout noirs, ont décidé de se convertir à l’islam. Ce qu’ils ont reçu en échange, à travers la croyance, à travers la religion musulmane, est la possibilité d’avoir une deuxième chance, de retrouver la paix intérieur, de restructurer leur vie, de mettre de l’ordre dans leur existence. Tout cela leur permet d’évoluer vers le positif. Dans la ville du New Mexico où le film a été tourné, il y a une mosquée qui a un programme spécial de réinsertion des prisonniers. Les détenus qui ont accepté de faire partie de ce programme ne sont pas revenus en prison et ont réussi à refaire leur vie. La mosquée a reçu un prix pour cette action. J’ai découvert ce programme en allant au New Mexico. Cette mosquée particulière accueille des personnes qui viennent de plusieurs pays, de Syrie, d’Algérie et d’ailleurs pour les aider à travailler. Ces personnes qui viennent de l’extérieur travaillent également avec les prisonniers.

    -Vous avez joué le rôle principal dans Le Majordome (The Butler) de Lee Daniels. C’est un film plutôt positif, puisqu’il plaide pour un dialogue entre Noirs et Blancs, Enemy way  est dominé par le pessimisme. Comment peut-on présenter ces deux histoires où l’homme noir est présent ?

    Dans Le Majordome, il est question de comprendre mieux tout ce qui a été fait dans le combat pour les droits civiques. Un combat marqué par des violences. Ce que Rachid Bouchareb a essayé de montrer dans Enemy Way  est que Garnett a tout fait, à travers la religion notamment et toute la structure qui a été mise en place autour de lui, pour avoir une seconde chance. Il y a eu tellement de pressions sur lui que cela est devenu inévitablement pessimiste. C’est une véritable tragédie pour lui puisqu’il a perdu son chemin…

    -Vous vous êtes engagés dans plusieurs fondations en Ouganda, au Soudan et ailleurs. Qu’évoque l’Afrique pour vous ?

    Il est très important pour moi de travailler en Afrique. Mes ancêtres sont africains. Cela fait partie donc de moi-même. L’Afrique est un continent très riche avec une culture et une diversité importantes. Le monde ne pourra pas retrouver la paix si l’Afrique n’est pas guérie de tous ses maux. Aussi, m’est-il important de contribuer de mon côté pour que l’Afrique retrouve la paix.

    -Ces derniers temps, plusieurs films sont sortis aux Etats-Unis où l’esclavagisme est évoqué, à l’image 12 years a slave, de Steve McQueen,  et Django Unchaïned de Quentin Tarantino. L’Amérique est-elle prête à assumer ce passé ?

    Il y a effectivement un grand débat ouvert aux Etats-Unis sur le thème de l’esclavage et sur ce passé. Certains sont en train de constater cela et ont accepté le débat. A mon avis, c’est un début pour guérir les plaies…

    -Vous êtes présent dans plusieurs films cette année.  Après Le Majordome, vous interprétez le rôle d’un policier dans le thriller Le Brasier de la colère (sorti aux Etats-Unis en décembre 2013) de Scott Cooper et Repentance de Phillipe Caland (la sortie est prévue pour le printemps 2014). Vous êtes très dynamique…

    Oui, beaucoup de films sortent cette année. C’est une année chargée pour moi. J’ai  interprété des rôles intéressants. J’aime jouer, camper des personnages, ce qui me permet d’avancer. J’ai été dirigé par de grands cinéastes comme Rachid Bouchareb. Je produis aussi des films (dernier en date Fruitvale Station de Ryan Coogler sur un crime raciste aux Etats -Unis, sorti en 2013, ndlr). Je ne sais pas pour l’année prochaine, peut-être que je ne ferai pas autant de films.

    -Et comment avez-vous trouvé l’Algérie pour ce premier voyage ?

    J’adore ce pays. J’ai été frappé par l’accueil chaleureux des Algériens et par leur ouverture d’esprit. Hier (dimanche), nous avions eu un dîner à Alger, où j’ai été entouré par plusieurs Algériens. Cela m’a beaucoup ému de voir autant de personnes chaleureuses et amicales. Il y a un dialogue et un vrai échange. J’ai visité La Casbah d’Alger (lundi matin)  et j’ai discuté avec les gens dans la rue. Certains m’ont pris dans leurs bras. Cela m’a beaucoup touché. Je dois dire que c’est extraordinaire !

    -Comptez vous revenir en Algérie ?

    Oui, c’est sûr (rires). Les Algériens sont très généreux dans leur manière d’aborder autrui et de dialoguer. Déjà  le fait de me retrouver ici en Algérie,  est une très belle expérience pour moi.


     

    Forest Whitaker a quitté Berlin où le film Enemy Way (Two Men In Town, titre international) est en compétition à la 64e Berlinale pour fouler Alger pour la première fois. Le comédien américain est venu avec l’équipe du film menée par le cinéaste algérien Rachid Bouchareb. Avec lui, les acteurs Luis Guzman, Brenda Blesthyn (qui a déjà visité Alger pour la présentation de London River du même cinéaste) et Dolores Heredia ont fait le déplacement pour l’avant-première du film Enemy Way  à Alger.

    Le nouveau long métrage de Rachid, élaboré à partir d’un scénario de Yasmina Khadra, Olivier Lorelle et Rachid Bouchareb, a été projeté hier soir à la salle El Mouggar. Un film coproduit par l’Algérie (Agence algérienne pour le rayonnement culturel, AARC), les Etats-Unis et la France et qui sortira dans les salles en mai prochain. Forest Whitaker, qui est ravi de découvrir l’Algérie, lui qui a l’habitude des terres africaines où il active avec ses fondations, revient dans cet entretien sur sa participation à un film de Rachid Bouchareb, sur l’esclavagisme, l’islam et l’Algérie.

    Dans Enemy Way, Forest Whitaker interprète le rôle de William Garnett, un détenu converti à l’islam, qui bénéficie d’une liberté conditionnelle dans le New Mexico (sud des Etats-Unis) et qui tente de retrouver une nouvelle vie dans un univers hostile. Forest Whitaker, 52 ans, a débuté sa carrière à la télévision avec des séries telles que L’Homme qui tombe à pic, avant de se lancer dans une riche et dense carrière cinématographique avec des films comme  The Assassination Game,  La Couleur de l’argent,  Platoon, Good morning Vietnam,  Bird (qui lui a valu le prix d’interprétation à Cannes en 1988),  Panic room, Phone Game, Le Dernier roi d’Ecosse , Zulu, Angles d’attaque et Le Majordome.

    Fayçal Métaoui
    « Dolores Heredia. Actrice mexicaine l"entretien !!Regard(s) sur le cinéma Algérien »
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