• Entretien avec le realisateur Lamine Merbah

    Entretien avec le realisateur Lamine Merbah

     

    " J'ai raconté la cassure de notre société "

    Il s'est involontairement éclipsé de la scène cinématographique à cause de son état de santé. Le réalisateur Lamine Merbah revient et signe un nouveau film intitulé Le miroir brisé. Dans l'entretien qui suit, et qu'il a eu l'amabilité de nous accorder, le réalisateur fait une lecture générique de son film.

    Le Soir d'Algérie : Pendant huit ans vous avez été contraint de vous éloigner de la scène cinématographique, comment s'est effectué votre retour au cinéma ?

    Lamine Merbah : Ce fut un peu difficile. J'ai rencontré pas mal de problèmes, c'est évident, c'est la maladie qui a fait que j'ai arrêté mes activités cinématographiques. Une occasion m'a était donnée d'écrire et de réaliser une oeuvre. J'ai donc rattrapé le temps perdu et le fait d'avoir vécu à l'écart pendant ces huit ans m'a transformé en observateur. Je voyais la société évoluer. C'est vrai que tout le monde est là pour reconnaître qu'en dix ans l'Algérie a profondément changé. Je ne porte pas de jugement de valeur. En tant que citoyen, je peux dire que notre société a beaucoup changé, mais en tant que cinéaste je suis là pour renvoyer cette réalité au spectateur tout en conservant ma part de la vision des choses, c'est-à-dire décrire la société en mouvement. C'est de là que j'ai puisé ce thème de la cassure et de l'effritement qui découle de notre société éclatée.
     

    Selon vous, à quoi est dû cet éclatement ?

    Ceci peut être expliqué par l'effet de la longue nuit coloniale dont a profondément souffert notre peuple. La société algérienne est caractérisée, depuis toujours, par l'éclatement. Pendant la guerre de Libération, le peuple algérien a goutté à toutes les souffrances. Après l'indépendance, ce peuple a souhaité vivre dans l'harmonie, l'entente et la connivence, mais malheureusement, ce qu'on observe, notamment ces dernières années, est tout à fait le contraire, c'est l'éclatement de nouveau et cette fois ce n'est pas par le fait d'une intervention étrangère.

    C'est là le thème du film, Le miroir brisé.

    Dans Le miroir brisé, on note la présence, un peu frappante, d'une certaine incompréhension entre les générations ...

    Enfin, je crois que le conflit de générations a toujours existé, parce que l'humanité ne cesse de progresser, mais, chez nous, il est aussi exacerbé par le fait de multiples contradictions d'ordre culturel, économique ... En fin de compte, plus personne ne comprend l'autre, même au sein d'une même famille. Le père qui pratique la religion selon les normes de sa société se retrouve devant ses enfants qui la pratiquent autrement.

    On y dégage également une certaine lutte de classes ...

    La lutte des classes, il est tout à fait évident qu'on retrouve cela dans mon film. On voit notamment à travers la personne du patron et de l'ouvrier. Et avec le capitalisme sauvage qui prend ses racines, l'effet s'exacerbe de plus en plus. Aujourd'hui, on est en train d'assister au développement vertigineux d'un certain capitalisme " médiéval " avec une mentalité féodale. C'est un capitalisme qui n'a rien à voir avec celui pratiqué en Europe, par exemple, où il existe quand même des lois et des syndicats qui préservent les droits de l'ouvrier, ce qui n'est pas le cas chez nous.

    Quel est, au juste, le problème que vous posez dans Le miroir brisé ?

    Dans le synopsis, je pose le problème suivant : comment réunir les morceaux du miroir brisé ? Comment tenir l'équilibre ? Je pense que c'est au politique de répondre à ces questions. A mon humble avis, je pense que c'est l'évolution de l'histoire qui a engendré toutes ces contradictions. Mon point de vue, en dehors de l'art, n'est pas de condamner X ou Y, tant que cela reste au niveau de l'opinion, du comportement légal, mais dès que les contradictions s'exacerbent au point où cela provoque des déviations, là, évidemment, le problème devient sérieux et plus complexe.

    Concernant les acteurs, on voit dans votre film des jeunes qui font, et pour la première fois, leur apparition sur l'écran. Quelle est votre appréciation ?

    Pour certains, je les ai déjà connus pour avoir travaillé avec eux, par contre, il y en a d'autres que j'ai vus pour la première fois. Je n'ai fait le casting qu'après avoir fait passer une annonce dans les journaux.

    Tous les jeunes acteurs qui se sont présentés sont passés devant la caméra, ils ont joué des petites scènes, il y a eu également des étudiants venus de l'INADC, qui n'ont jamais fait de cinéma, c'est leur première expérience, et je peux dire que cela a été positif.

    On remarque aussi que la plupart des séquences ont été tournées dans des décors naturels ... Est-ce un choix ?

    Oui, c'est une question de choix ... Vous savez, les gens se sont habitués à tourner dans des décors réels. En ce qui me concerne, je préfère travailler dans un décor naturel, ça aide même le directeur de la photo pour mettre ses projecteurs là où il veut, mais aussi pour que je puisse faire correctement les mouvements de la caméra.

    Enfin, je tiens à souligner que le film est actuellement présenté par l'ENTV sous forme de feuilleton d'une durée de 2 h 30. Il est réparti en 13 épisodes avec une durée de 25 minute chacun. Maintenant, en ce qui concerne le tournage, le film m'a pris quatre mois.

    Entretien réalisé par Kamel C.
    Le Soir d’Algérie jeudi 8 mai 2003 p. 11

    www.kabyle.com - Le miroir brisé de Lamine Merbah (Liberté)
     
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