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.Documentaire : La Syrie douloureuse, en images et en cris
Documentaire : La Syrie douloureuse, en images et en cris
le 06.09.14 | 10h00 Réagissez
Terrifiant et beau. Insoutenable et si nécessaire, le documentaire Eau argentée, Syrie autoportrait, du cinéaste syrien Ossama Mohammed, qui sera diffusé par Arte le 15 septembre prochain, est de ceux qui ne peuvent laisser indifférents.
Ceux qui se laissent happer par le flux des sentiments contradictoires que crée le documentaire Eau argentée, Syrie autoportrait, ne doivent pas craindre le malaise ressenti. Il est humain, naturel, presque normal. D’abord, il y a le commentaire vibrant, dit dans une belle langue arabe, simple et expressive, Bien sûr, il y a des images fortes, certaines qui choquent violemment les consciences, comme celles des tortures.
Elles ne sont pas là par hasard et il ne faut pas détourner les yeux, même si on a tendance à le faire. Ce qui se passe en Syrie depuis le soulèvement populaire réprimé par le pouvoir est une horreur sans nom. Il faut pouvoir la mettre en images et en cris. Les articles distillés ici ou là depuis 2011, les photos aperçues dans les journaux ou sur Internet ne sont rien face à ce que montre lucidement le cinéaste, dont on imagine l’ampleur de la souffrance au moment du montage lorsqu’il a bien fallu faire des choix.
Reproduire et intensifier le message de douleur des Syriens, c’est une intention d’éclaireur, de mise en garde, un appel au secours, un pas qu’a franchi le cinéaste qui vit en exil depuis mai 2011. Du reste, sur un autre registre, Eau argentée, Syrie autoportrait n’est pas qu’un documentaire. Par la translation de la douleur syrienne, il devient universel, presque fictionnel tellement il est réel.
«Filmer l’espoir de liberte»
Ce film, que nous avons pu voir en avant-première, avait déjà été montré en sélection officielle, séance spéciale, au festival de Cannes en mai dernier. A partir des vidéos amateurs postées dès 2011par les Syriens en lutte contre le régime de Bachar El Assad, Ossama Mohammed compose une ode terrible et magnifique : «Si le cinéma est, selon moi, généralement l’affaire d’un seul point de vue, dans ce moment précis d’urgence et de guerre ; utiliser ces images plurielles m’a semblé la manière la plus juste de raconter la tragédie syrienne», dit-il à Arte qui va diffuser le film le lundi 15 septembre à 22h45 (heure algérienne).
«C’était comme si j’avais devant moi un puzzle, un corps et un pays — mon pays — réduits en pièces, que je devais rassembler pour créer une image unique. Non pas en suivant les règles académiques du cinéma, mais en rendant justice à la vie de ces gens qui, en même temps qu’ils se révoltaient — et parfois mouraient—, filmaient leur désir et leur espoir de liberté. Une manière de sauver de la terrible machine médiatique la mémoire de ces auteurs anonymes et de leur restituer une place légitime au sein du cinéma.»
Avec la culpabilité d’avoir quitté son pays, il compose peu à peu un film dont surgit une voix déchirante qui grandit au fur et à mesure que gonfle cette mosaïque d’images et de sons : les premières manifestations et les premiers martyrs, la naissance d’un bébé avec les moyens du bord, les chants traditionnels, un adolescent torturé, les corps déchiquetés, les rues détruites, les appels désespérés des insurgés à l’armée, le témoignage de soldats déserteurs, les gens qui quittent tout pour fuir, les chats eux-mêmes dont le regard dit le désespoir.
Le film dit aussi la rencontre virtuelle grâce à Internet avec une jeune Syrienne, Wiam Simav Bedirxan, devenue coréalisatrice du film à distance : «Quand Simav m’a envoyé son premier message sur Internet, à Noël 2011, je souffrais terriblement : je ne pouvais revenir en Syrie et je ne me pardonnais pas d’avoir abandonné mon pays.
Pour moi, Simav est un miracle. Soudain, une de ces personnes anonymes rencontrées par images interposées me racontait sa vie là-bas et me demandait des conseils pour filmer : une femme, combattante pacifiste et intelligente, kurde de surcroît, une minorité traditionnellement rejetée en Syrie. Et je découvrais bientôt qu’elle était poète, capable de citer Shakespeare, Aragon ou encore Llorca. Elle représentait pour moi cette belle Syrie culturelle pétrie de rêves et de liberté, cette Syrie que notre peuple méritait.»
Après être venu à Cannes pour présenter le film, Simav, dont le nom signifie en kurde «eau argentée», est rentrée en Syrie, «où elle continue aujourd’hui de se battre, filmer et partager son dernier morceau de pain». Avec en tête le livre de Ahlem Mosteghanemi, Mémoires du corps, qu’elle cite, témoin d’une autre souffrance, celle de l’Algérie de la décennie noire.
Walid Mebarek
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