
«J’ai essayé de rendre avec autant de franchise possible, parce que j’ai bien sûr arrangé les histoires en écrivant, ce souvenir de la forte impression qu’il dégageait sur moi, car il n’arrêtait pas de parler et uniquement du cinéma sous toutes ses coutures», souligne Boudjemaâ Karèche, lors de la vente-dédicace de son livre consacré à son ami le cinéaste Mohamed Bouamari.
La filmathèque Mohamed- Zinet de l’Office Riadh El Feth a été, dans l’après-midi de jeudi dernier, le théâtre de deux courtes manifestations culturelles.
Le public de cinéphiles avertis massé à la porte de la salle attendait impatiemment la projection du court-métrage du célèbre chanteur kabyle Djamal Allam, dont c’est la première réalisation cinématographique, un film très insolite de 20 minutes, intitulé « Banc public » projeté à cette occasion. L’autre surprise qui attendait l’assistance était la présentation du nouveau livre de l’ancien directeur de la cinémathèque d’Alger, Boudjemaa Karèche, consacré au brillant parcours du cinéaste aujourd’hui disparu, Mohamed Bouamari, une présentation qui fut suivie d’une vente-dédicace.
Celui qui a occupé pendant une vingtaine d’années le haut du pavé du musée, défendant bec et ongles le cinéma algérien , invitant un public en l’initiant chaque semaine à un rendez-vous avec les chefs-d’œuvre du cinéma international, s’est converti après une retraite bien méritée à une autre passion : celle de raconter avec la culture et la verve qu’on lui connaît à l’écriture de livres dans un style très personnel où l’on a plaisir à découvrir ses talents insoupçonnés, outre bien sûr celui de parfait orateur, d’écrivain. « Maintenant je suis passé à autre chose, j’écris des articles de presse et des livres.
J’aimerai témoigner de la carrière, avec ce troisième livre, d’un monsieur comme Bouamari dont j’ai été très fier et heureux d’avoir rédigé ce récit en hommage à cet homme féru du cinéma que j’ai longtemps côtoyé », a-t-il affirmé d’emblée, en expliquant qu’ à l’instar des personnalités comme Kateb Yacine ou Ali Zamoum, ce cinéaste était un authentique fils du peuple. Il ajoute : « Par son courage, un peu sa naïveté, son envie constante d’aller de l’avant alors que tout le monde sait que c’était un autodidacte qui n’a jamais étudié de façon classique, il savait tout du cinéma. Mais ce n’est certes pas cela l’essentiel, c’était sa grande sensibilité que je retiens quand on allait le retrouver chez lui à la Pointe Pescade ou à Ben Aknoun. »
Pour écrire ce livre qui convoque merveilleusement les souvenirs passés avec son acolyte de toujours, Karèche s’est appuyé à l’évocation de son long cheminement avec le défunt à travers toutes les villes du pays, avec des marches à pied, des voyages ensemble en voiture pour la présentation de films ou simplement en accompagnant des réalisateurs. « J’ai essayé de rendre avec autant de franchise possible, parce que j’ai bien sûr arrangé les histoires en écrivant, ce souvenir de la forte impression qu’il dégageait sur moi car il n’arrêtait pas de parler et uniquement du cinéma sous toutes ses coutures », commente Boudjemaâ qui au passage remerciera les journalistes d’El Watan qui l’ont aidé à publier ce livre, même s’il a, tout au long de sa carrière, déploré que le cinéma algérien ait raté son envol, lui qui y croit, comme nos cinéastes qui ont réellement produit des films de qualité.
Il cite d’ailleurs volontiers le film « Tahya Ya Didou » qu’il a eu l’occasion de revoir il y a quelques jours, comme étant pour lui le meilleur film qu’ait produit le cinéma algérien, une œuvre maîtresse à conserver dans les annales de la cinématographie mondiale. Boudjamaâ soutient par ailleurs dans ce dernier livre que le cinéma algérien et Bouamari ont le même âge, dans la mesure où ils sont nés dans les années 60, qu’ils ont brillé dans les années 70 et 80 pour malheureusement péricliter dans les années 90 et finalement disparaître dans les années 2000. Tout en relatant l’affaire du cinéma de Bordj — qui est actuellement fermée — et ce qu’elle a provoqué comme réactions, il affirmera que le problème actuel des salles de répertoire du cinéma est qu’elles sont gérées par les mairies, alors qu’elles doivent dépendre du ministère de la Culture, tout en préconisant une lutte quotidienne pour la sauvegarde du cinéma et des cinémathèques à travers le pays. Pour en revenir au déclic qui a poussé Karèche à écrire ce livre, c’est en se remémorant justement le succès dans une prestigieuse salle à Paris du film «Le Charbonnier» que l’idée de consacrer un livre entièrement dédié à la mémoire de Bouamari lui a traversé l’esprit :
« Je voulais rendre tout cela de ce cinéaste dont un timbre avec Sembène Ousmane existe à Ouagadougou à son effigie (...) Je voulais rendre tout le personnage, l’ami mais surtout le cinéaste qui n’a jamais de son vivant eu l’estime et la reconnaissance qu’il méritait, surtout si l’on pense à son chef-d’œuvre «Le charbonnier», un film qui renferme beaucoup d’intelligence, du beau et de l’humain, sans compter l’aspect technique. Vous savez, dans le cinéma, on ne fonctionne que pour l’amitié et l’amour et rien d’autre, je vous conseille d’ailleurs de revoir quelques merveilleuses séquences de ce film magistral», déclare-t-il au publi