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AVANT-PREMIÈRE À TIZI OUZOU DE MON AMI, MON DOUBLE
AVANT-PREMIÈRE À TIZI OUZOU DE MON AMI, MON DOUBLE
Ali Mouzaoui ressuscite Abderrahmane Bouguermouh
Par : Samir Leslous
Le film documentaire présenté en avant-première à la maison de la culture Mouloud-Mammeri fut un moment de bonheur. Mais aussi en remuant le couteau dans la plaie. Bouleversant ! Et le mot n’est pas de trop.
Il a voulu lui rendre hommage, il l’a carrément ressuscité. Il a voulu émouvoir l’assistance, il l’a finalement fait pleurer. Lui c’est Ali Mouzaoui qui racontait son ami Bouguermouh. Le film documentaire présenté en avant-première à la Maison de la culture de Tizi Ouzou fut un moment de bonheur.
Mais aussi une remise du couteau dans la plaie. Bouleversant ! Et le mot n’est pas de trop. “Le film va faire mal, surtout à ses amis, mais nous sommes tenus de le regarder”, a averti d’emblée le réalisateur. Dans Mon ami mon double, un titre choisi par Bouguermouh lui-même pour son amitié avec Mouzaoui, ce dernier a touché aux blessures d’un homme. De l’homme qui fut Bouguermouh son ami. A celles d’un réalisateur.
Ce sont 20 ans d’amitié, et 30 heures d’enregistrement qui sont résumés dans les 105 minutes qui consacrent désormais l’immortalité du déjà célèbre réalisateur de La Colline oubliée. Sans Ali Mouzaoui, il aura manqué à la technicité tout un talent et la dose de subjectivité nécessaire, et que seul un ami peut déverser, pour replacer Abderrahmane Bouguermouh dans toute sa grandeur. “Le film n’obéit pas aux valeurs d’esthétique”, a précisé Mouzaoui. Ce fut, tout de même, incontestablement un coup de maître. Mouzaoui s’éclipse pourtant dans son film. C’est plutôt dans le choix des morceaux et leur agencement que son génie apparaît. “Le film c’est lui, je ne suis qu’interprète, que regard”, expliquait Mouzaoui. Dans le film c’était en effet Bouguermouh qui parle. Dans un décor sombre, la tristesse, le tragique, la joie, l’amour et l’espoir s’alternent, s’enchevêtrement et s’entremêlent sur un fond d’humanisme pour nous livrer toute la lucidité de sa vision ; une vision à ne pas laisser indifférent le plus monstrueux des humains. C’était aussi un cas d’attachement à sa terre de Kabylie. Il abordait avec tendresse les questions qui préoccupent l’homme et qu’il place dans une grande dimension. Il évoquait la mort en lui promettant de lui tendre la main sereinement le moment venu. La mort ne signifie plus grand-chose après celle des deux Malek : son jeune frère et son ami Malek Haddad. Ce qu’il trouvait de cruel, c’était surtout la solitude qui a jalonné son fin parcours.
Quant à ses sacrifices consentis, en mettant sa santé et sa vie à rude épreuve, pour mener à terme son plus précieux projet que fut celui de porter à l’écran l’œuvre de Mouloud Mammeri La Colline oubliée, il ne les effleure même guère. Pourtant, c’est un projet pour lequel Bouguermouh avait tout donné, son argent, son temps et ses nuits de sommeil, mais duquel il n’a pas pris un seul dinar, comme en témoignaient ses amis qui ajoutaient que le début de tournage de ce film, Bouguermouh le considérait comme le plus beau jour de sa vie. Mais comme ça ne lui suffisait pas comme sacrifice de ne rien engranger de ce film pourtant vendu en millions de copies, Bouguermouh, dont le monde du cinéma retiendra inéluctablement le nom, ira jusqu’à remettre en cause son statut de réalisateur. “Peut-on être considéré comme réalisateur lorsqu’on n’a réalisé qu’un seul film ?”, s’interrogeait-il dans le documentaire de Mouzaoui. Un seul film, que le ministère de la Culture avait promis de récupérer suite à une sollicitation de Mouzaoui et du fils de Bouguermouh, mais une promesse qui n’est toujours pas honorée, comme ne l’a pas été encore celle de la contribution de l’agence Aarc du même ministère au financement de ce film documentaire Mon ami, mon double, après l’échec des velléités de censure.S L
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