• Athena de Romain Gavras Sans relief et sans courage !

    Athena de Romain Gavras Sans relief et sans courage !

    C’est l’événement de cette rentrée sur Netflix : Athena, réalisé par Romain Gavras, se veut un film politique, qui plus est centré sur la question des banlieues françaises. Le résultat est très peu convaincant tant formellement que politiquement !


    Sorti sur Netflix le 23 septembre après son passage à la Mostra de Venise, Athena de Romain Gavras (fils de Costa Gavras) ne convainc ni par sa démarche formelle ni par son parti-pris politique. Une conférence de presse à la sortie d’un commissariat, un jeune militaire du nom d’Abdel explique que l’enquête sur le meurtre par de présumés policiers de son jeune frère Idir suit son cours.

    Il dit faire confiance à la justice et appelle au calme. Dans l’assistance, un groupe de jeunes dont Karim, regard en feu et visage déformé par la colère ; il balance un cocktail molotov et fonce avec ses amis sur le commissariat. C’est l’émeute.


    Karim est le frère d’Abdel et d’Idir. Ce dernier n’avait que 13 ans, battu à mort par des policiers. Athena, un quartier imaginaire de la banlieue, qui ressemble à une forteresse, est en feu. Barricades, sentinelles, groupes de défense… le quartier ne veut plus rien entendre, sauf les noms des meurtriers. Or, des rumeurs circulent déjà sur l’éventualité que ces derniers soient des éléments d’extrême droite déguisés en policiers.


    En même temps, on entend vaguement une voix préciser à la radio qu’à Athena réside un certain Sébastien, fiché S., et accusé d’actes de barbarie en Syrie.
    Après quelques scènes du début qui auraient pu présager un film politique sur les crimes policiers et la légitime défense des franges les plus ciblées par ces violences, un dispositif aux antipodes commence à se mettre en place.


    Romain Gavras s’enfonce rapidement dans un récit exsangue, formellement maniéré et politiquement (très) correct qui consiste à simplifier, voire caricaturer, les rapports complexes entre une certaine classe sociale et les forces de l’ordre (et donc l’Etat) pour n’en faire qu’une histoire de haine quasi ontologique, dépolitisée et «déracinée».
    Le réalisateur filme ses personnages comme ce bon vieux ethnologue regarde ses «sujets», l’esprit encombré de préjugés et la réflexion polluée par la condescendance, si ce n’est le mépris.

    Quand Gavras braque sa caméra sur les forces anti-émeutes venues pacifier le quartier, il en choisit un personnage apeuré, attendrissant, doux comme un agneau, père de deux filles, qui s’apprête à entrer dans un territoire de sauvages déchaînés. Mais quand il tourne son regard vers les jeunes insurgés, il les filme comme un magma informe, qui beugle plus qu’il ne parle, artificiers sans visages, personnages sans reliefs…

    La dichotomie est donc limpide : l’ordre et la République versus le chaos et les barbares ! Le film est ainsi bâti sur un fossé insondable entre le réalisateur et ses personnages : non seulement Gavras semble étranger à son sujet, mais il est surtout incapable d’assumer le moindre propos politique. Préférant la prudence (la lâcheté ?) d’une pondération d’apparat, mimant presque la sémantique d’un reportage télévisé, il offre un film foncièrement malhonnête.

    Quant à la forme cinématographique, on se retrouve dans l’hollywoodisme le plus rudimentaire avec de la testostérone massive, de l’adrénaline en overdose, des personnages sans personnes, un leader faisant un speech halluciné à des dizaines de jeunes allumés, et surtout un moralisme feutré qui se résumerait à : «La violence, c’est pas bien» !


    Pour couronner le tout, le final du film achève de nous convaincre que Romain Gavras a manqué de respect autant à ses personnages qu’à ses spectateurs, en ne laissant aucun doute sur l’identité des meurtriers du petit Idir et en affichant, vers les dernières minutes, un parti-pris mal assumé qui accentue l’indigence politique, éthique et esthétique de l’ensemble.
    Sarah H.

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